Accompagner et former les salariés : le métier de coach en management
15 janv. 2019
9min
MÉ
À 57 ans, après une longue et riche carrière de directeur commercial, Thierry Tupin exerce désormais le métier de coach en entreprise. Associé au sein du cabinet Elixir Conseil, il s’est spécialisé dans ce qu’il appelle « l’excellence commerciale » et accompagne start-up, PME et grandes entreprises dans l’optimisation de leur stratégie et du management de leurs équipes commerciales. Pour Welcome to the Jungle, il dévoile les coulisses de ce métier où l’empathie et la détermination sont de mise.
Quel a été votre parcours professionnel avant de devenir coach ?
Une fois diplômé de l’école Paris School of Business, j’ai été recruté chez Procter & Gamble en tant que vendeur de lessive en Ardèche. Après avoir été commercial sur le terrain pendant deux ans, j’ai été promu chef des ventes régionales à Chambéry puis responsable des comptes-clés régionaux avant d’être nommé au siège à Neuilly-sur-Seine, puis enfin directeur régional pour le Nord et l’Est de la France. Au total, je suis resté neuf ans et demi chez Procter, une entreprise qui été très formatrice pour moi car elle fonctionne presque exclusivement par promotion interne et investit énormément dans la formation de ses salariés. Je suis toujours très attaché à cette entreprise et à cette culture et j’ai d’ailleurs été pendant dix ans membre du conseil d’administration des anciens de Procter & Gamble (P&G alumni France).
J’ai ensuite rejoint PepsiCo. où j’ai été chargé de mettre en place notre propre force de vente avec le recrutement d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, puis j’ai été embauché chez Bic en tant que directeur commercial France puis en tant que business development director sur une zone regroupant 110 pays. Cinq ans plus tard, j’ai intégré Prisma Media, qui appartient au groupe Bertelsmann, en tant que directeur commercial adjoint de la publicité du pôle féminin. Mais j’ai souhaité rejoindre un secteur plus prometteur et me suis orienté vers le domaine de la pharmacie chez Omega Pharma. Bref, j’ai une certaine expérience de la fonction commerciale !
Quel a été le déclic pour vous tourner vers le conseil ?
Suite au changement de l’équipe dirigeante chez Omega Pharma, j’ai été remercié. Cela a été l’occasion de me lancer dans ce que je voulais faire depuis longtemps c’est-à-dire le coaching et la formation. Après quelques missions en free-lance, j’ai rejoint en 2011 le cabinet Elixir Conseil en tant qu’associé. En parallèle, j’interviens à HEC où je délivre des formations sur la fonction commerciale (direction, stratégie, négociation, etc.).
Comment définiriez-vous le métier de coach ?
Je me définis souvent comme un urgentiste commercial et un ostéopathe du comportement. Comme un médecin, mon job consiste à poser un diagnostic, définir un “protocole thérapeutique” et le mettre en oeuvre. Ce qui se traduit par de la “rééducation comportementale” et une phase d’apprentissage aux côtés de mes clients. Le rôle d’un coach est de mobiliser les ressources qui existent en interne au sein des équipes (qualités humaines et compétences professionnelles) pour mettre en oeuvre des solutions qui soient pérennes et profitables à la fois pour les salariés et pour l’entreprise en elle-même.
Comme un médecin, mon job consiste à poser un diagnostic, définir un “protocole thérapeutique” et à le mettre en oeuvre. Ce qui se traduit par de la “rééducation comportementale” et une phase d’apprentissage aux côtés de mes clients.
Auprès de quels profils intervenez-vous et sur quelles problématiques ?
J’interviens auprès des managers et des équipes commerciales (de manière individuelle ou collective) dans tous les secteurs d’activité (maisons de retraite, notaires, entreprises technologiques, secteur de la mode, etc.) et auprès de toutes tailles d’entreprises, de la start-up aux grands groupes. Je me suis spécialisé en excellence commerciale, c’est-à-dire tout ce qui gravite autour de la fonction commerciale, qu’il s’agisse de politique, d’organisation, de gestion des comptes stratégiques, de recrutement, de formation ou encore de management.
Thierry Tupin, Coach en management - Paris.
Je me suis spécialisé en excellence commerciale, c’est-à-dire tout ce qui gravite autour de la fonction commerciale, qu’il s’agisse de politique, d’organisation, de gestion des comptes stratégiques, de recrutement, de formation ou encore de management.
Concrètement, comment s’organise une mission de coaching ?
Première étape : le diagnostic. Je demande à mon client, qu’il s’agisse de la direction générale de l’entreprise ou du manager des équipes commerciales, ce qu’il attend de mon intervention, quels sont selon lui les problèmes qu’il rencontre au quotidien dans la gestion de son équipe ou dans la relation avec ses clients. Puis, je vais vérifier ce qu’il m’a exposé auprès de ses collaborateurs et/ou partenaires en réalisant des entretiens individuels, en les accompagnant sur le terrain, en participant à leurs côtés à des rendez-vous avec leurs clients… À chaque fois, entre ce que l’on m’a annoncé au début de ma mission et ce que je valide au travers de mon diagnostic, il y a un écart assez considérable. C’est un peu comme si on avait la version de la police et celle des manifestants. Mon rôle est de réconcilier les deux.
À chaque fois, entre ce que l’on m’a annoncé au début de ma mission et ce que je valide au travers de mon diagnostic, il y a un écart assez considérable. C’est un peu comme si on avait la version de la police et celle des manifestants. Mon rôle est de réconcilier les deux.
Je restitue ce que j’ai observé sur le terrain en rédigeant une synthèse et établis un devis chiffré et détaillé des étapes du projet d’accompagnement stratégique et pédagogique que je souhaite mettre en oeuvre. Puis je soumets mon analyse et mes pistes de réflexion à mon client. Si nous ne sommes pas d’accord sur cette analyse, cela ne sert à rien d’aller plus loin. Je n’ai aucun problème à refuser de poursuivre une mission parce que mon intention est d’être aligné avec mes valeurs et d’avoir la satisfaction d’observer que le sacrifice économique qu’a représenté mon intervention pour l’entreprise est rentable. Mes préconisations nécessitent un changement de comportement au sein de l’entreprise donc il faut que tout le monde accepte de jouer le jeu sinon ma mission est vouée à l’échec.
Si nous sommes sur la même longueur d’onde, je commence alors à mettre en oeuvre concrètement mes préconisations au travers de séances de coaching et d’un accompagnement personnalisé des collaborateurs sur le terrain, en étant notamment à leurs côtés lors de leurs rendez-vous extérieurs.
Mon intention est d’être aligné avec mes valeurs et d’avoir la satisfaction d’observer que le sacrifice économique qu’a représenté mon intervention pour l’entreprise est rentable.
Comment se déroule une séance en particulier ?
Cela dépend bien évidemment du diagnostic et des recommandations que je formule, mais dans tous les cas, cela consiste en des séances individuelles ou collectives où je soumets les participants à des cas pratiques, des exercices de mise en situation où j’inverse volontairement les rôles. L’objectif est de les pousser à mieux se connaître, à leur faire prendre conscience de leurs forces et de leurs faiblesses et de leur faire tester concrètement des pistes d’amélioration. Quand cela est nécessaire, certains de mes associés peuvent faire passer le test MBTI (Myers Briggs Type Indicator), un outil qui permet d’identifier les dominantes psychologiques d’une personne liées au management ou aux relations interpersonnelles.
Lorsque j’anime une formation, j’utilise une caméra qui filme des deux côtés de la table. Le constat est que, très souvent, les participants ne décryptent pas les expressions et les réactions physiques de leurs interlocuteurs. Ils sont trop concentrés sur ce qu’ils ont à dire ou à vendre et ne prennent pas le tempsd’analyser le comportement des personnes qu’ils ont en face d’eux. L’objectif de cet exercice est de leur apprendre à mieux regarder et écouter ceux à qui ils s’adressent, à décrypter les signaux d’incompréhension, de désaccord ou d’engagement. En moyenne, l’exercice dure une dizaine de minutes mais nous passons ensuite près d’une heure à débriefer. Et cela est toujours très instructif !
Très souvent, les participants ne décryptent pas les expressions et les réactions physiques de leurs interlocuteurs. Ils sont trop concentrés sur ce qu’ils ont à dire ou à vendre et ne prennent pas le temps d’analyser le comportement des personnes qu’ils ont en face d’eux.
La plus courte mission que j’ai réalisée à ce jour était pour une start-up. Elle s’est déclinée en cinq demi-journées de travail étalées sur trois semaines : les trois premières assez rapprochées puis j’ai laissé un peu de temps aux dirigeants pour qu’ils s’approprient mes outils, testent de nouvelles choses et nous nous sommes revus pour faire un bilan, répondre à leurs interrogations et réaliser quelques réajustements. D’une manière générale, les missions ne dépassent pas quelques mois.
Thierry Tupin en séance de coaching - Paris.
Comment avez-vous élaboré votre méthodologie ?
J’ai tout appris au cours de mes expériences professionnelles précédentes. J’ai eu la chance d’avoir des supérieurs hiérarchiques qui m’ont tiré vers le haut, qui ont été de véritables modèles. Ils ont de loin été mes meilleurs formateurs. J’ai mis en oeuvre chez PepsiCo tout ce que j’avais appris lors de mes dix années chez Procter, notamment auprès des jeunes que j’ai recrutés. Puis chez Bic, j’ai pu tester mes méthodes de management sur des équipes plus expérimentées. Cela m’a permis de formaliser les fondamentaux du management, et plus précisément de la gestion des équipes commerciales, d’identifier des « facteurs de succès invariants » (bien définir les missions et responsabilités de chacun, s’assurer de l’existence de moyens disponibles pour y parvenir, et renforcer la motivation du manager et des équipes) que j’ajuste désormais, comme sur une table de mixage, auprès de mes clients.
J’ai eu la chance d’avoir des supérieurs hiérarchiques qui m’ont tiré vers le haut, qui ont été de véritables modèles. Ils ont de loin été mes meilleurs formateurs.
Parvenez-vous à mesurer les résultats de vos interventions ?
Je fais un peu un métier de mère porteuse et c’est parfois une réelle frustration. Quand je manageais des équipes, je participais à la conception, à la mise en place et au suivi de la stratégie. Aujourd’hui, en tant que coach, j’accompagne une entreprise, un département, une personne, nous concevons ensemble les stratégies d’amélioration, mais ensuite, je ne reste pas sur le long terme pour voir si mes recommandations sont appliquées. Cependant, la fidélité de mes clients, le bouche-à-oreille et les recommandations me confortent dans la conviction que mes interventions sont bénéfiques et donc rentables.
Je fais un peu un métier de mère porteuse et c’est parfois une réelle frustration.
Comment juger donc de la réussite d’une mission de coaching ?
Lorsque je commence une mission dans une entreprise, la première question que je pose aux participants est la suivante : « Pour vous, cette formation sera réussie si quoi ? » Je note leurs exigences et je m’engage à répondre à toutes celles que je suis capable de tenir.
Pour moi, une mission est réussie si dans la vie des personnes qui y ont participé, il y a un avant et un après, car former : c’est transformer. A contrario, si une fois que la formation est terminée, les équipes recommencent à travailler comme avant, c’est que je n’ai pas fait le job. Je ne le sais pas toujours car je ne garde pas forcément contact avec les équipes que j’ai coachées mais je sais que, malheureusement, cela arrive. Certains managers n’ont pas le courage ou la volonté de mettre en application les recommandations que j’ai formulées. Je leur ai fourni des outils d’amélioration dont ils ne se servent pas. C’est douloureux à entendre pour moi.
Récemment, les dirigeants d’une start-up où j’étais intervenu m’ont confié que le chèque qu’ils m’avaient donné était le deuxième plus important de l’histoire de leur jeune entreprise mais que c’était celui qu’ils regrettaient d’avoir fait aussi tard. Une mission de coaching est un investissement financier conséquent mais le retour sur investissement peut être considérable. Le véritable enjeu est là.
Pour moi, une mission est réussie si dans la vie des personnes qui y ont participé, il y a un avant et un après, car former : c’est transformer. A contrario, si une fois que la formation est terminée, les équipes recommencent à travailler comme avant, c’est que je n’ai pas fait le job.
Thierry Tupin en séance de groupe - Paris.
À quelles barrières êtes-vous confronté lors de vos missions ?
Je dirais principalement la peur du changement. Tout le monde a peur de changer, de se former, de se mettre en danger. Certains collaborateurs sont très curieux, d’autres extrêmement réfractaires. Ma responsabilité est d’ajuster mon niveau de communication aux profils que j’ai en face de moi, en comprenant quels peuvent être leurs enjeux, de comprendre leurs appréhensions et de les lever. L’empathie et la bienveillance, couplées à des mises en situation pratiques et adaptées à ce qu’ils vivent au quotidien, permettent la plupart du temps d’atténuer leurs craintes et de les faire adhérer au projet.
Ma responsabilité est d’ajuster mon niveau de communication aux profils que j’ai en face de moi, en comprenant quels peuvent être leurs enjeux, de comprendre leurs appréhensions et de les lever.
Selon vous, quelles qualités doit avoir un coach en management ?
La première des qualités, c’est l’empathie, c’est-à-dire comprendre ce que ressent l’autre. L’empathie, c’est la capacité à se mettre sur la même longueur d’ondes que son interlocuteur, contrairement à la compassion qui consiste à souffrir avec l’autre. Et puis il faut être capable de formaliser des référents méthodologiques adaptés que votre client va pouvoir s’approprier et auxquels il va pouvoir se conformer après la fin de la mission.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?
Ma première satisfaction c’est de rencontrer des gens intelligents, intéressés, et motivés, de les voir changer, s’améliorer, de les voir satisfaits de leurs progrès. Il n’y a rien de pire que des participants qui me disent que cela ne leur a rien apporté, qu’ils n’ont rien appris. Et puis, la diversité de mes clients me permet de découvrir des secteurs d’activité et des cultures très variés, puisque je réalise aujourd’hui la moitié de mon chiffre d’affaires hors de France.
Ma première satisfaction c’est de rencontrer des gens intelligents, intéressés, et motivés, de les voir changer, s’améliorer, de les voir satisfaits de leurs progrès.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent devenir coach en entreprise ?
Il faut avoir des convictions et de la légitimité, et donc un bagage professionnel solide dans le domaine où l’on souhaite exercer un métier de conseil. J’ai coutume de dire que pour enseigner la vente, il faut savoir vendre soi-même. Pour enseigner le management, il faut avoir managé.
Pour enseigner la vente, il faut savoir vendre soi-même. Pour enseigner le management, il faut avoir managé.
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