Créatrice de motifs pour la mode... Elle raconte son job de Pattern Designer

24 mai 2018

7min

Créatrice de motifs pour la mode... Elle raconte son job de Pattern Designer
auteur.e
Sophie

Journaliste - rédactrice

Mathilde, freelance et fondatrice du studio de création de motifs Collection Midi, est Pattern Designer, un métier méconnu qui connaît aujourd’hui un regain de popularité. Plongée dans le quotidien d’une styliste qui a fait des imprimés, sa spécialité.

En quoi consiste le métier de Pattern Designer ?

Le métier de Pattern Designer, c’est créer des motifs all-over (qui se répètent sur toute la surface d’un tissu, ndlr) ou des motifs placés (juste une illustration au milieu d’un tee-shirt par exemple, ndlr) dans des domaines aussi variés que la mode, la décoration, la papeterie… « En Français, on dit designer textile mais je trouve ça un peu réducteur. On ne se limite pas au textile, on travaille nos motifs sur beaucoup de supports différents. »

Était-ce une vocation ? Quel parcours l’a mèné à ce métier ?

Petite, Mathilde voulait être photographe, « Ce que j’aimais, c’était les images. Je me rappelle que je faisais beaucoup de photos pour en faire des montages. Je réalise aujourd’hui que je faisais déjà de la composition graphique sans le savoir. » Pourtant, elle n’a pas encore de véritable vocation à l’époque. Passionnée d’art, Mathilde s’oriente vers une prépa à l’Atelier de Sèvres de Paris puis intègre l’Esad de Valence pour suivre une formation en design et arts plastiques.

« Ce que j’aimais, c’était les images. Je me rappelle que je faisais beaucoup de photos pour en faire des montages. Je réalise aujourd’hui que je faisais déjà de la composition graphique sans le savoir. »

Mais au fil de l’année, Mathilde se découvre une passion pour la mode et la décoration. « En fait, je faisais de la mode dans une école d’arts plastiques, sans vraiment en avoir conscience. Cette année-là tous les projets sur lesquels j’ai dû travailler ont été un véritable déclic. Je me suis dit qu’il était temps que je me spécialise dans ce domaine. »

Pour sa deuxième année, direction donc Lisaa à Paris en section design textile. « Dans cette école, ce qu’on nous demandait c’était de créer des objets et des fringues. Pour chaque nouveau sujet, j’avais toujours mille idées en tête. Pour la première fois de ma vie, c’était hyper fluide. Je me sentais enfin à ma place, totalement dans mon élément. »

Quelles sont ses expériences professionnelles ?

Mathilde enchaîne deux stages puis est engagée en tant qu’assistante styliste chez la marque de mode féminine Des Petits Hauts. « Mon job était d’assister les stylistes dans l’élaboration de la collection mais je me suis très vite rendue compte que j’avais une vraie fascination pour les imprimés et que ce que je préférais c’était la création de motifs. À la fin de cette mission, je savais que je voulais devenir graphiste textile plutôt que styliste. Mais à cette époque il n’y avait pas beaucoup d’offres. En revanche, sur Instagram, je remarquais que de plus en plus de graphistes réussissaient en freelance. »

« Je me suis très vite rendue compte que j’avais une vraie fascination pour les imprimés. À la fin de cette mission, je savais que je voulais devenir graphiste textile plutôt que styliste. »

« En Novembre dernier, j’ai sauté le pas et j’ai créé mon studio de design textile, Collection Midi. Je propose des imprimés exclusifs à la vente pour des marques de mode femme, enfant et décoration. Je peux aussi répondre à des commandes spécifiques ou travailler sur des collaborations. Mes motifs peuvent s’appliquer à tous types de supports, comme la soie ou céramique par exemple, et à différentes techniques d’impression, telles que la sérigraphie ou l’impression numérique. C’est un domaine hyper varié, c’est ce que j’aime. »

Quel est son quotidien ?

Pour Mathilde, qui a choisi de travailler de chez elle, le planning de la semaine idéale n’est pas toujours évident à tenir. Le plus dur étant évidemment de trouver l’équilibre entre vie pro et vie perso quand on fait tout au même endroit. Ce qui ne change pas pourtant depuis six mois, c’est sa manière de démarrer la journée : « Je commence toujours par un café, puis je traite mes mails et évidemment je fais un petit tour incontournable sur Instagram. Le reste de la journée dépend des sujets du moment, ça peut être de la gestion administrative, de la prospection, des réponses à des demandes de collaboration ou de la création pure. »

« Je commence toujours par un café, puis je traite mes mails et évidemment je fais un petit tour incontournable sur Instagram. Le reste de la journée cela peut être de la gestion administrative, de la prospection, des réponses à des demandes de collaboration ou de la création pure. »

Comment se déroule son processus créatif ?

En période de création, Mathilde ne fait que ça de la journée, se ménageant des jours entiers où elle ne fait que dessiner, sans rendez-vous, ni autre obligation. « Dans ces moments-là, j’ai besoin d’être seule car je ne supporte pas qu’on me regarde dessiner. Je suis très perfectionniste et j’aime travailler les premières versions de mes créations seule dans mon coin. »

« Le soleil, pour moi, c’est important, ça me met dans de bonnes conditions. Ce qui m’aide aussi, c’est la musique. La chanson française en particulier. Elle ne donne pas d’idées, mais de la motivation. »

Et quand on lui demande quel environnement est le plus propice à sa création, Mathilde nous répond que si elle le pouvait, elle aimerait créer au soleil, dans un jardin en pleine campagne. « Le soleil, pour moi, c’est important, ça me met dans de bonnes conditions. C’est drôle mais je me rends compte que je n’arrive pas à créer quand il pleut, ça me déprime. Ce qui m’aide aussi, c’est la musique. La chanson française en particulier. Elle ne me donne pas d’idées mais de la motivation. »

Comment fait-elle naître chaque nouvelle collection ?

Tout commence par des recherches d’inspirations (matières, couleurs, photos…) plusieurs mois à l’avance. Avant de regarder ce que font les autres, Mathilde préfère toujours se demander ce qu’elle a envie de voir ou de porter. À partir de ses premières réflexions, direction Pinterest pour chercher de nouvelles idées et se laisser inspirer par un motif, une couleur, une forme … Et Instagram évidemment. « Je suis beaucoup d’illustratrices pour regarder leurs gammes de couleur ou leurs créations. C’est chronophage mais c’est un super outil. »

Toutes ces idées sont ensuite accrochées au fur et à mesure sur un moodboard géant que Mathilde a installé au dessus de son bureau. « Il doit y avoir une centaine d’images et tout ça, ça me conditionne, ça me donne la direction. » Pour dessiner ses imprimés, Mathilde fait tout à la main sans tablette tactile. Puis elle scanne ses motifs et les travaille ensuite sur Photoshop ou Illustrator. « Quand je dessine, je pense au motif, pas à son support. Je ne veux pas me contraindre en me demandant trop tôt s’il serait mieux sur un papier peint ou un chemisier en soie. »

« Quand je dessine, je pense au motif, pas à son support. Je ne veux pas me contraindre en me demandant trop tôt s’il serait mieux sur un papier peint ou un chemisier en soie. »

Ensuite, le plus dur reste à faire : vendre ses créations. Pour cela Mathilde cherche constamment à développer son portefeuille clients, à trouver des contacts et des projets pour faire connaître sa marque. « _J’essaie également d’être active sur les réseaux sociaux, Instagram notamment, car cela peut être un vrai levier. Il y a aussi des start-up qui facilitent les échanges entre designers textiles et marques de mode comme la plateforme française, Cymé, sur laquelle je viens de m’inscrire. _»

Comment se déroule sa phase d’inspiration ?

Inspirée par Kenzo et Sonia Delaunay, Mathilde a très vite eu envie de créer son propre univers. Ses idées, Mathilde les pioche un peu partout. Ça peut-être la couleur d’une fleur dans un parc, une forme de logo repérée sur un panneau, une collection d’assiettes dans la vitrine d’une boutique ou un imprimé vintage chiné chez Emmaüs. Son inspiration, c’est le quotidien. C’est l’histoire aussi et notamment celles des objets oubliés qu’elle rencontre dans les brocantes. « J’adore les brocantes, ça m’inspire. J’y vais tout le temps, souvent même sans rien acheter. J’aime les objets anciens, ils sont un peu comme des témoignages de ce qui a existé. J’aime l’idée de partir du passé pour créer quelque de nouveau. D’ailleurs le nom de ma marque, Collection Midi, fait écho au passé, à mon enfance et aux déjeuners en famille le midi. »

« J’adore les brocantes, ça m’inspire. J’y vais tout le temps, souvent même sans rien acheter. J’aime les objets anciens, ils sont un peu comme des témoignages de ce qui a existé. J’aime l’idée de partir du passé pour créer quelque de nouveau. »

Quelles sont ses ambitions et ses projets à venir ?

Le gros challenge à relever pour Mathilde cette année, c’est sa participation au salon Première Vision de Paris qui aura lieu en Septembre prochain. « Pour Première Vision, il me faudrait une centaine de motifs pour septembre. C’est énormément de travail mais ce salon, c’est un moyen pour moi de gagner en visibilité et en crédibilité. »

Autre ambition, multiplier les collaborations. « Ma première collaboration avec une marque enfant va sortir cette année. Collaborer avec une autre marque, c’est une vraie opportunité, notamment en terme de notoriété. »

Et dans le futur? « J’aimerais beaucoup pouvoir décliner mes motifs sur des vrais objets, lancer ma propre gamme de produits déco. Ou lancer une brocante, qui sait ? »

« Un jour, j’aimerais beaucoup pouvoir décliner mes motifs sur des vrais objets, lancer ma propre gamme de produits déco. Ou lancer une brocante, qui sait ? »

Quels sont ses conseils pour réussir dans ce métier?

Pour Mathilde, avoir une première expérience en design textile au sein d’une marque est un vrai plus car c’est la meilleure façon de découvrir toutes les facettes du métier. Il est aussi important de trouver très vite son identité et son univers. « Aujourd’hui, de plus en plus de marques de mode font appel à des designers textiles pour créer des imprimés exclusifs et trouver LE motif unique pour se différencier. Ça multiplie forcément les opportunités, alors mon conseil c’est d’oser se lancer. Quand on est passionné, gagner sa vie en faisant ce qu’on aime, c’est le plus beau des métiers ! »

« Mon conseil c’est d’oser se lancer. Quand on est passionné, gagner sa vie en faisant ce qu’on aime, c’est le plus beau des métiers ! »

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Photos by WTTJ