Portrait d'un (serial) entrepreneur | William Hauvette, la mode dans les veines
06 sept. 2017
4min
Senior Editor - SOCIETY @ Welcome to the Jungle
L’entrepreneur dans la mode, après avoir créé la marque de pulls Six&Sept, a lancé Asphalte, “les belles sapes qui tiennent la route”, en novembre 2016. Plus disruptive et mainstream que la première, Asphalte est à l’image de son créateur.
Il est du genre un peu à la bourre, jeans-pull-baskets, la barbe qui dévore visage et cou. À bientôt 31 ans, William Hauvette a la dégaine des citadins de son âge et vous accueille sans blabla à la boutique-siège de ses deux marques de mode. Sous les rayons garnis de pulls, dans un sous-sol aménagé en stockage, il oublie de proposer un café mais inaugure rapidement la première question : « Alors… ça se passe comment ? » (hésitations) « Tu as des questions toutes prêtes ou je dois parler ? » Il faut rassurer la voix inquiète : on a tout préparé, ça va bien se passer.
Il devrait être habitué, pourtant, William Hauvette, aux questions sur sa vie et son activité. Car on a eu beau chercher, on n’en a pas trouvé beaucoup, des jeunes gens de son âge à la tête de deux entreprises de mode. Après Six&Sept, la marque passionnée de maille lancée en mars 2012, le châtain s’est permis la folie d’en créer une seconde en novembre 2016 : Asphalte, qui promet aux hommes de « belles sapes » à prix abordables. Et derrière le pitch qui semble un peu vu, William et son équipe de quatre ont vu grand : Asphalte est une marque start from scratch, au business model bien plus innovant que celui de la sage Six&Sept. « Asphalte me ressemble plus, NOUS ressemble plus. C’est un bon mix entre les codes très normés de la mode et le monde de la start-up avec une vraie disruption dans la distribution. »
Disrupter, version crowdfunding
Asphalte fait partie de ces nouvelles marques 100% web. « On voulait quelque chose qui n’existait pas » soulève William Hauvette. « On ne vend qu’en pré-commandes, via du crowdfunding. Dans les faits c’est : on fait les protos, on fait le shooting, on met en vente pendant un mois puis on stoppe les ventes, on lance la production (en Italie ou au Portugal NDLR) et on livre les gens. » Un modèle qui réduit les intermédiaires, et donc les coûts. « On n’a pas de stocks, pas d’invendus, on ne fait pas de soldes…_» Au final, des produits au rapport qualité-prix « _imbattable ». Après le « pull parfait » en novembre 2016 (vendu à 2 438 exemplaires précisément) et la « chemise brut » au printemps, William et sa team ont lancé leur « sneakers béton » début juillet. L’objectif : offrir, sur le long terme, un catalogue d’indémodables. Et dans l’équipe on croit dur comme fer au modèle. « C’est vrai que les gens ne sont plus habitués à attendre un mois pour avoir leur commande… Peut-être que ça va mettre du temps mais nous on est persuadés que les pré-commandes vont exploser. »
Avant de rejoindre les rivages niçois et le campus de l’EDHEC, William Hauvette a grandi à Neuilly-sur-Seine. Des bitumes plutôt bourgeois, que l’entrepreneur ne renie pas mais qui ne collent pas non plus à sa peau de trentenaire. « On voulait faire des produits ouf mais accessibles. Le cœur de cible c’était des mecs comme nous ou plus jeunes, qui ne mettent pas des sommes élevées dans leurs fringues mais font attention à leur style. On voulait des habits qui tiennent dans le temps, même en sortant tard le soir et sans être très attentionné…_» Le pull parfait d’Asphalte se vendait à 99 euros, contre 200 à 300 euros pour les Six&Sept, destinés à des acheteurs un peu plus fortunés… ou soigneux. « _On sépare vraiment nos deux marques, ce sont deux typologies de clients différents. »
Richard Branson sur la table de chevet
Enfant se rêvant footballeur, William Hauvette a rangé ses crampons au cours de l’adolescence, et rapidement « voulu entreprendre ». Un momentum interne qu’il explique par un héritage familial (un père entrepreneur dans le sport et une sœur qui a monté son propre cabinet d’architecte), entremêlé d’une affection précoce pour l’économie. « Je n’étais pas très bon en cours au collège et au lycée, il y a juste l’éco que j’aimais. Le côté logique, comprendre le monde qui m’entoure… C’est là que j’ai indirectement commencé à m’intéresser à l’entreprenariat je pense. » À à peine 20 ans, il envisage même d’arrêter les études pour lancer quelque chose. N’importe quoi, la première bonne idée qui lui passera par la tête. Finalement, à peine diplômé de l’EDHEC, il montera Six&Sept avec un bon ami de bancs de l’école. Et la marotte entrepreneuriale l’accompagne toujours : seules les autobiographies d’entrepreneurs hors-norme ont droit de citer sur ses tables de chevet. « Steve Jobs, Richard Branson, le fondateur de Patagonia, Elon Musk… je n’arrive plus à lire autre chose ! J’aime la vie extraordinaire que ces mecs ont et essayer de comprendre les coulisses des grandes réussites. »
Amoureux de l’ambition des autres mais conscient que sous la patine du temps, les priorités personnelles l’emportent sur les pros, William n’est pas de ceux qui sacrifient femme et amis sur l’autel du dieu Ponos. Depuis qu’il chapôte deux marques (avec un nombre inchangé de motivés !), le trentenaire a même réduit la voilure. « Travailler tous les samedis, je l’ai fait pendant quatre ans, maintenant c’est bon, c’est fini. C’est facile de se laisser entraîner par le taff, mais avec le temps qui passe, tu finis par comprendre…_» La solution pour « **_faire mieux mais moins » : s’entourer d’une bonne équipe, faire des journées bien remplies en semaine et, surtout, apprendre à déléguer. « Cela ne sert à rien de bosser 100h par semaine ! Il faut sortir, faire du sport, kiffer la vie. Comme ça tu arrives au taff et t’es chaud, t’as envie de bosser. » Un adage que le trentenaire respecte à la lettre : depuis le printemps, lui et sa femme habitent à Bordeaux. Deux jours à Paris, trois jours dans un espace de coworking le long de la Garonne… l’esprit mainstream et start-up dans les veines.**
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