Période d’essai rompue : quelle stratégie adopter sur LinkedIn ?
07 févr. 2022
6min
Journalist & Content Manager
Cela faisait des mois que vous lisiez les posts de vos contacts LinkedIn annonçant leur récente promotion. Vous savez, ces annonces à coup de gifs et fusées qui vous donnent envie d’enfourcher à votre tour la licorne. Alors, quand votre moment de gloire est venu, vous avez sûrement eu envie d’annoncer au monde entier que vous aviez décroché un job en or. Ou tout simplement un job. Mais après seulement quelques semaines, la lune de miel est déjà terminée avant même que la relation ait été consommée. Soit parce que votre employeur a décidé de rompre votre période d’essai, soit parce que vous avez pris la tangente. Problème : que faire de cette expérience express sur LinkedIn ? Faut-il la planquer ? Ou au contraire en jouer auprès des futurs recruteurs à qui vous allez faire de l’œil ? Témoignages et conseils.
« Il y a quelques années, j’ai rompu ma période d’essai au bout de 6 semaines, se souvient Lola, 35 ans, qui évolue dans les RH depuis 10 ans. Quand j’ai rejoint cette entreprise en tant que recruteuse, j’avais été obligée de mettre à jour mon profil LinkedIn. C’est indispensable lorsque l’on contacte des candidats qui doivent savoir pour quelle entreprise nous les sollicitons. Mais très rapidement, j’ai senti que ça n’allait pas le faire avec cette boîte, alors j’ai démissionné et j’ai supprimé l’expérience sur mon profil LinkedIn. Certes, cela faisait un trou de 2 mois dans mon parcours, mais franchement, cela a été facile à justifier en entretien. »
Autre cas de figure, et autre stratégie : celle d’Amaury, 40 ans, qui a récemment quitté son job de CTO dans une start-up en forte croissance. « J’avais rejoint une scale-up qui avait une belle notoriété, pose-t-il. Étant donné que devenir CTO de cette boîte était une belle opportunité, je l’avais rapidement annoncé à mon réseau. Et de toute façon c’était obligatoire dans cette entreprise. Malheureusement, je me suis vite rendu compte que je n’allais pas m’épanouir dans cette boîte. J’ai donc rompu la période d’essai, mais je n’ai pas retiré cette expérience. J’ai recherché du travail immédiatement, et, grâce à mon réseau, j’ai vite trouvé une nouvelle opportunité. »
Annoncer sa prise de poste sur LinkedIn, un passage quasi obligé aujourd’hui
Comme pour Amaury et Lola, il est devenu assez courant que les entreprises exigent de leurs nouvelles recrues qu’elles mettent rapidement leur profil aux couleurs de leur nouvelle boîte. « Il est vrai que les entreprises le demandent souvent, en particulier pour tous les emplois de “client-facing” ou “candidate-facing”, confirme Camille Vandame, Digital Recruiter. Il est d’ailleurs souvent contre-productif de ne pas mettre à jour immédiatement son profil, même quand on est encore en période d’essai car comme l’expliquait Lola, dans certains métiers, le contact direct avec les clients ou candidats exige cette transparence. Si en revanche, on occupe un job qui ne nécessite pas cette mise à jour, et qu’on sent rapidement que les choses vont mal tourner, je conseille plutôt de ne pas se précipiter. »
« J’ai annoncé à tout mon réseau mon nouveau job : et maintenant, que faire ? »
Bon, on le sait, si vous lisez cet article, c’est que vous avez sûrement déjà annoncé votre nouveau job à vos contacts LinkedIn. Donc, quelle stratégie adopter désormais ? Tout dépend de vos objectifs mais aussi de votre personnalité.
Option 1 : le statu quo
Mode d’emploi : Vous ne faites… rien. C’est-à-dire que dans les semaines qui suivent votre rupture avec l’entreprise, vous ne mettez pas “officiellement” un terme à cette collaboration.
Objectif : S’afficher “en recherche d’emploi” serait - selon les dernières recommandations des professionnels du networking professionnel - peu attractif. Puisqu’on sait que - malheureusement - les recruteurs ont tendance à privilégier les profils déjà en poste. L’idée est donc de rester au maximum désirable. « Si le/la candidat.e vient de quitter son poste, je lui conseillerais de ne pas mettre tout de suite un terme à son expérience car les profils en poste remontent mieux sur LinkedIn, affirme Camille Vandame. Il faut aussi savoir que cela s’entend tout à fait en entretien d’avoir quitté une entreprise parce que l’on n’était pas en phase. » Une stratégie d’autant plus pertinente si l’entreprise est connue.
Bémol : Il s’agit d’une stratégie court-termiste car vous ne pourrez raisonnablement pas rester lié·e à une entreprise dans laquelle vous ne travaillez plus depuis plusieurs mois. Comme le dit l’expression consacrée : c’est reculer pour mieux sauter ! Cette option est également moins recommandée pour un.e candidat.e qui aurait été remercié.e par l’entreprise. Il faudra autrement qu’il/elle soit capable d’en parler de manière constructive.
Option 2 : la transparence
Mode d’emploi : Vous mettez fin à cette expérience sur LinkedIn, sans la supprimer, mais sans pour autant en informer la planète entière. C’est-à-dire que vous n’activez pas l’option “informer le réseau”.
Objectif : « Vous assumez et montrez la réalité telle qu’elle est », lance Roseline Laloupe, notre experte du Lab, spécialiste RH et créatrice d’identité professionnelle. Selon elle, cela est d’autant plus pertinent si vous veniez d’intégrer une start-up en croissance ou un grand groupe de renom. « Cela envoie un signal fort aux autres employeurs en démontrant que vous avez réussi à devancer la concurrence lors du processus de recrutement », ajoute notre experte. « Certains profils sont tellement recherchés que même une courte expérience ne leur portera aucun préjudice, confirme Camille Vandame. Ce sera même un atout quand il s’agit d’une belle boîte. » L’autre aspect positif selon Roseline Laloupe, c’est que cette option vous permet de démontrer votre transparence et d’assumer votre parcours tel qu’il est. À la différence de la précédente stratégie, cela signale aussi votre disponibilité pour les employeurs. « Sans activer le statut “en recherche d’emploi”, les recruteurs peuvent voir que vous êtes immédiatement employable. Cela leur évite de perdre du temps avec un préavis », affirme Roseline Laloupe.
Bémol : Si la boîte est moins connue, la stratégie est moins pertinente. Mieux vaut alors ne rien indiquer et justifier simplement d’un break auprès du recruteur.
Option 3 : la discrétion
Mode d’emploi : Vous supprimez purement et simplement cette expérience de votre profil.
Objectif : Vous gardez l’information pour vous, car vous n’êtes effectivement pas obligé·e de la partager à tout votre réseau. « LinkedIn est un outil de communication, alors vous en faites ce que vous voulez. D’ailleurs, sachez que juridiquement, votre employeur ne peut pas vous forcer à annoncer votre prise de poste, ou votre départ », précise Roseline Laloupe. Elle ajoute qu’une rupture pendant une période d’essai n’est jamais facile à gérer émotionnellement, que l’on soit remercié ou que l’on décide de partir. « Qu’on le veuille ou non, dans notre société qui prône la réussite, cela reste une forme d’échec. On passe par une phase de deuil, et celle-ci est d’autant plus difficile à traverser que l’on n’a pas 40 000 offres qui nous attendent. Pour ces personnes, il peut être important de prendre du temps pour elles afin de digérer cet événement, quitte à réafficher l’expérience plus tard ». De son côté, Camille Vandame précise que rompre une période d’essai, c’est aussi l’opportunité de prendre un break pour faire quelque chose (voyage, formation etc.). Il ne faut donc pas s’inquiéter d’un trou de quelques mois sur le CV. « On peut ensuite le présenter comme ça en entretien si on préfère ne pas mentionner l’expérience écourtée », conseille-t-elle.
Bémol : Cette approche va plutôt concerner les salarié·e·s qui ne sont pas parti·e·s de leur propre chef, tandis que ceux/celles qui ont quitté l’entreprise volontairement auront peut-être intérêt à opter pour d’autres stratégies.
Option 4 : l’audace
Mode d’emploi : De la même manière que vous avez annoncé votre prise de poste, vous mettez un terme à votre expérience et expliquez dans un post public pourquoi vous quittez prématurément l’entreprise. Vous pouvez même faire un article pour expliciter votre choix, sans mettre l’entreprise en porte-à-faux.
Objectif : Vous faire remarquer des recruteurs en pointant, par exemple, une dissonance entre le discours qu’on vous avait servi en entretien et la réalité. « Cela est d’autant plus pertinent si vous évoluez dans certains métiers où cette réflexion est indispensable pour être un bon professionnel (RH, sales…) », illustre Roseline Laloupe. Bien sûr, il ne s’agit pas de nommer expressément l’entreprise dans votre post mais d’élargir le débat aux questions de posture managériale, storytelling, marque employeur, etc. « Par exemple, si vous avez subi un management toxique, vous pouvez livrer vos conseils, ce qui vous replace dans une posture professionnelle même si vous êtes en recherche d’emploi. C’est une façon de reprendre le contrôle sur votre image. Au final, ce post peut devenir viral et vous faire remarquer de centaines d’employeurs, surtout ceux qui partagent vos valeurs », poursuit notre spécialiste. Sans oublier un autre cas de figure : profiter de ce post pour annoncer que vous basculez côté freelance ou créez votre entreprise.
Bémol : Là encore, cela ne fonctionne généralement que si l’on n’a pas été licencié·e, ou si l’entreprise a eu des torts.
Au final, votre décision d’exposer ou non cette rupture dans votre parcours professionnel doit avant tout vous ressembler, mais également servir vos objectifs. Si vous êtes dans le cas où la rupture vous a été imposée, votre champ d’action est naturellement plus restreint. Il n’empêche que LinkedIn demeure pour toutes et tous un média par lequel chacun.e peut s’exprimer de manière personnelle. Alors, écoutez-vous !
Photo par Thomas Decamps. Édité par Eléa Foucher-Créteau
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