Les bonnes questions à se poser avant de changer de travail

Alors que votre entreprise sort tout juste des turbulences de ces derniers mois, vous ne la supportez plus ? Les blagues vaseuses du boss, les décisions de la hiérarchie, l’organisation catastrophique… Bref, vous ne vous sentez plus à votre place et commencez à avoir la bougeotte. Mais est-ce vraiment judicieux de changer de travail en pleine période de crise, alors que les recrutements sont gelés dans bon nombre de structures ? Comment prendre une décision en pleine conscience ? Quelles questions faut-il se poser avant de “claquer sa dém’” ? Hamdi Mekni, coach en transition de carrière et profiler de talents, vous aide à y voir plus clair.

L’heure du bilan

Identifiez ce qui ne convient plus

Lorsqu’on commence à se détacher de son entreprise, on a tendance à la diaboliser et à la condamner en tout point. Pour prendre une décision éclairée, il est important de faire le point sur votre situation. « Avant de changer de travail, prenez le temps de la réflexion. Ne surtout pas prendre de décision sur un coup de tête ! Il faut vraiment comprendre ce qui vous motive et ce qui pèse sur vos épaules », avertit Hamdi Mekni.

Réfléchissez…

Les tâches et missions confiées sont-elles assez valorisantes ? Ou au contraire trop répétitives, fatigantes, difficiles ? Vos horaires sont-ils adaptés ?

L’environnement professionnel est-il optimal ? Êtes-vous en open-space, bureau individuel ou partagé ? Que préféreriez-vous ? Votre temps de trajet est-il trop long ou trop épuisant ?

Vos relations professionnelles sont-elles saines ? Pouvez-vous compter sur vos collègues ? Avez-vous des difficultés à communiquer avec votre hiérarchie ou votre équipe ? Pouvez-vous leur faire part de vos difficultés ? Certaines personnes de votre entourage professionnel sont-elles toxiques pour vous et/ou pour les autres ?

Est-ce que le projet et les valeurs véhiculées par l’entreprise ont un sens à vos yeux ?

Enfin, sentez-vous que l’entreprise vous aide à progresser ? « Il est également important de regarder du côté du développement professionnel, conseille Hamdi Mekni. Est-ce que votre travail actuel offre des opportunités de croissance, est-ce qu’on vous propose des formations, des séminaires… dans le but de vous faire évoluer ? »

Identifiez ce qui manque

Maintenant, listez les frustrations ressenties liées à votre job actuel. Manquez-vous :

de reconnaissance et d’écoute au travail ?
d’autonomie et de stimulation ?
d’un plus gros salaire ?
d’un bon équilibre vie pro-vie perso ?

Cette liste d’arguments peut vous aider à faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, mais cela n’aide pas toujours à se décider. Parfois, les pensées tournent en rond et vous finissez par ressasser continuellement les mêmes doutes sans réussir à prendre une décision. Dans ce cas-là, l’utilisation de certains outils et exercices peuvent vous être d’un grand secours : « Il ne faut pas naviguer à vue. J’adapte souvent la technique du SWOT au changement de travail. Cela permet de peser le pour et le contre, de faire un bilan de santé de sa carrière. Je conseille également de tenir un journal de réflexion, afin d’y voir plus clair et de vous aider à dissiper le brouillard dans votre esprit. Enfin, j’utilise l’exercice de la Roue de la vie à chaque première séance de coaching. C’est un outil visuel qui permet d’identifier rapidement les déséquilibres des différents aspects de la vie d’une personne. En plaçant le travail actuel et les opportunités futures sur cette roue, on peut bien comprendre comment changer de travail pourrait affecter tous les autres aspects de la vie. », explique Hamdi Mekni.

Ce travail d’introspection est important. Si vous vous focalisez seulement sur les éléments concrets (salaire, conditions, autonomie…) qui vous rendent malheureux à votre poste actuel, vous pourriez passer à côté d’une remise en question plus profonde : et si votre envie d’aller voir ailleurs ne venait pas du poste en lui-même, mais d’une envie (plus ou moins inconsciente) de changer de métier ? Il serait alors temps d’envisager une reconversion professionnelle. Posez-vous les bonnes questions !

Après avoir passé au crible vos manques et vos besoins, il est temps de préparer et d’affiner votre plan d’action.

Changer de travail : la seule option envisageable ?

Personne n’est épargné, nous avons tous des mauvais jours au travail. Maintenant, il est important de savoir distinguer le simple passage à vide du changement irrémédiable pour vous aider à prendre une décision.

Si votre envie de changer de travail est conditionnée par un événement particulier, alors votre lassitude a peut-être une date de fin ? L’arrivée d’un nouveau manager, un changement stratégique de l’entreprise ou encore un projet qui n’emballe pas particulièrement peuvent fortement nous démotiver. Si vous sentez que vous ne trouvez plus votre place dans une entreprise qui grandit un peu trop vite à vos yeux, alors il sera peut-être difficile de vous y adapter à un moment. Mais si vous êtes simplement ennuyé par un projet qui se termine dans deux mois, alors mieux vaut attendre la fin avant de prendre une décision.

De même, avant de changer de travail, songez à ce que vous allez laisser derrière vous ; et cela ne se limite pas seulement aux frites de la cantine ou aux bureaux situés à 5 minutes de votre appartement : « En quittant votre emploi, vous pourriez perdre des contacts professionnels précieux, ou l’accès à certains réseaux. Il est crucial de penser à la manière dont vous allez maintenir ou améliorer votre réseau après votre départ. Pensez aussi à l’impact que cela peut avoir sur le CV. Si les changements sont trop fréquents, ça peut être perçu négativement, surtout en France. », prévient Hamdi Mekni.

Dans tous les cas, il est préférable de s’entretenir avec votremanager pour confier ses ressentis avant de “claquer sa dém’”. Celui-ci pourra peut-être agir pour rallumer la flamme.

Enfin, demandez-vous si vous pourriez être acteur du changement. Si vous souhaitez changer d’emploi pour développer une nouvelle compétence par exemple, ne pourriez-vous pas demander une formation à votre manager au préalable ? Un ajustement de vos missions ? Ou carrément un changement de poste dans la même entreprise ? Parfois, prendre un grand virage n’est pas nécessaire pour retrouver goût à son travail et les solutions se trouvent juste devant soi.

Bénéficiez-vous des moyens de partir sereinement ?

Êtes-vous capable de vous mettre en danger, de sortir de votre zone de confort, d’aller vous confronter à des entretiens et à une nouvelle politique de travail ? Votre capacité à persévérer risque d’être mise à rude épreuve.

Votre entourage va-t-il vous soutenir ?

Comment ce changement va-t-il être accueilli par votre entourage ? Une transition professionnelle peut être source de stress et de questionnements, certes. Mais elle sera bien plus facile à passer si votre entourage est présent et vous soutient.

Bien sûr, votre décision ne doit pas reposer à 100% sur l’avis des proches qui peuvent parfois se montrer un peu trop protecteurs. Mais de bons conseils peuvent tout de même découler de ces conversations et vous aider à prendre du recul sur votre vie pro.

Si vous êtes vraiment perdu, vous pouvez envisager de passer par un professionnel : « Un coach en transition de carrière ou un coach de vie peuvent vous aider à y voir plus clair. Ils sont comme un GPS ou une boussole pour la carrière, ils vous aident à naviguer dans ce brouillard, car lorsqu’on envisage de changer de travail, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Pensez aussi à discuter avec des mentors, si vous en avez, et des amis ou des collègues de confiance dans le réseau. Privilégiez des personnes extérieures à votre entreprise pour obtenir un autre angle de vue. »

Disposez-vous du temps et de l’argent nécessaires pour changer de travail ?

Vous en êtes sûr, vous avez envie de quitter votre job et de trouver un nouvel emploi. Là, deux options s’offrent à vous. Soit, vous postulez en sous-marin et continuez à travailler en même temps. Soit vous démissionnez pour vous laisser du temps pour postuler. Dans les deux cas, la recherche d’emploi peut être contraignante.

Si vous cherchez activement tout en maintenant votre poste, veillez à prévoir suffisamment de temps pour vos recherches. Votre emploi du temps vous permet-il de consacrer au moins une heure de votre journée à candidater ? À quel moment allez-vous postuler et surtout, allez-vous réussir à préserver cette routine sur la durée ? Car se lever une heure plus tôt pour postuler peut vous paraître faisable sur un mois… mais sur trois ? Ou six ? Gardez à l’esprit que nous sommes en période de crise et que les places sont chères… Il est peu probable que vous décrochiez un poste dès la première tentative (même si on vous le souhaite !)

Même soucis pour l’argent. Si vous décidez de quitter votre poste (via démission ou rupture conventionnelle, bénéficierez-vous de suffisamment d’économies ou d’aides pour tenir plusieurs mois ? Réfléchissez, faites les comptes, et soyez rationnel.

En cas de confusion, notez les différents critères et pondérez-les en fonction de l’importance qu’ils ont pour vous. Par exemple, si “l’acceptation par votre entourage” est votre priorité, vous pouvez l’estimer à 3 sur 5 et lui donner 3 fois plus d’importance que “l’argent dont vous disposez”. Ces notes vous seront extrêmement précieuses car elles vous permettront de définir vos priorités et de vous aider à prendre une décision ou simplement vous conforter dans votre choix.

Photographie par Thomas Decamps