Surdiplomés et difficulté de la mise à l’emploi, qu'en est-il vraiment ?

25 avr. 2019

6min

Surdiplomés et difficulté de la mise à l’emploi, qu'en est-il vraiment ?
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Deux masters, plusieurs licences en poche, certains jeunes restent sur les bancs de leur fac ou d’école et en ressortent bardés de diplômes. Peur de la dévaluation des diplômes, envie de se spécialiser ou encore incertitudes sur ses propres envies professionnelles ? La sur-éducation peut être un atout comme un fardeau pour entrer dans le monde du travail.

Sociologie du surdiplômé

Angoisse du chômage ou grande stratégie de carrière, les raisons de retarder son insertion professionnelle sont variées. Mais à partir de quand peut-on parler de “surdiplômé” ? Selon la définition du dictionnaire, un surdiplômé est une « personne qui possède plus de diplômes que nécessaire. » En sociologie, le terme adapté est la sur-éducation, communément définie comme « la situation qui caractérise un individu dont le niveau de formation dépasse celui normalement requis pour l’emploi occupé. »

Deux principaux critères peuvent être utilisés pour distinguer un surdiplômé :

  • le premier est le ressenti des personnes par rapport aux compétences nécessaires pour leur poste et leur niveau de qualification,
  • le deuxième est le rapport objectif (salaire/niveau de qualification requis) entre l’employé et son travail.

Un pari sur l’avenir

La crise économique ayant eu des répercussions sur le marché du travail, les études sont devenues un refuge pour les étudiants, inquiets de leur avenir. Les jeunes misent alors sur les diplômes, censés favoriser l’insertion professionnelle, pour atteindre des postes et des salaires élevés. S’il est évident que les diplômes ne protègent pas du chômage, un diplômé a plus de chance de trouver un emploi : en 2016, 49 % de jeunes sans diplôme étaient au chômage contre 10 % pour les bac +5 selon une enquête du Céreq.

La voie de la spécialisation

Avoir plusieurs diplômes en poche n’est pas uniquement le signe d’une inquiétude pour le futur. Certains les cumulent dans le but bien précis de spécialisation : après avoir obtenu un diplôme d’école de commerce vous pourriez avoir envie de continuer les études afin de vous spécialiser dans un domaine particulier, d’enchaîner avec des langues pour favoriser l’obtention d’un emploi à l’international, ou encore d’aller jusqu’au doctorat, bac+8. Ce diplôme, le plus élevé de l’université, mène à la spécialisation dans un domaine très précis avec la rédaction d’une thèse.

Un phénomène sociologique

Certes, les diplômes sont valorisés en France puisque, selon le sondage Opinion Way pour Atout+3, 72 % des sondés considèrent que faire des études supérieures permet de progresser plus rapidement. Beaucoup de sociologues français se penchent sur le sujet de l’augmentation du nombre de diplômes, à l’instar de Louis Chauvel. Auteur de l’ouvrage La spirale du déclassement qui explique la difficulté de trouver un emploi correspondant aux qualifications scolaires par un manque de ces mêmes emplois : la croissance des diplômes a surpassé la croissance des postes qualifiés. Le Cereq a publié en février 2019 une étude confirmant cette inadéquation entre le nombre de diplômés et des emplois, « tandis que s’accroît le décalage entre la masse de diplômés et le volume d’emplois qualifiés disponibles, contribuant à affaiblir le signal de « capacité » ou de « qualité » transmis par la détention d’un diplôme du supérieur. »
Cependant, Arnaud Cantet, fondateur du cabinet de recrutement YouRise, nuance ces constats moroses : « Le marché est très bon sur des profils bac +5 et supérieurs, d’après des études et des analystes. Tout va dépendre alors de la manière dont ils abordent le monde du travail, s’ils arrivent avec la volonté de prendre des responsabilités, ils peuvent effectivement être un peu déçus. Ces jeunes diplômés auront une courbe de progression salariale importante : il faut aussi se projeter sur un salaire au bout de deux trois ans. Après quelques années, ils seront sur une courbe normalisée parce qu’ils auront développé la pratique opérationnelle. »

Une difficulté de la mise à l’emploi

Sur-qualification, manque de spécialisations, manque de cohérence dans le parcours ou encore manque d’expérience… Les surdiplômés peuvent faire face à ces objections lors de leurs entretiens. Les recruteurs risquent alors se montrer frileux puisqu’ils souhaitent la plupart du temps trouver des personnes employables immédiatement.

Miora Rakoto, chargée de missions RH Formation et Relations Écoles au sein du cabinet BDO, éclaire une autre peur des recruteurs : « Le fait de recruter des personnes surdiplômées peut conduire, sur le long-terme, à un déclin de motivation et à un manque de stimulation intellectuelle. D’un point de vue financier pour l’entreprise, recruter un surdiplômé peut amener une augmentation des coûts indirects de recrutement engendrés si la personne ne reste pas assez de temps sur le poste. »

Les surdiplômés ont alors souvent du mal à trouver un poste et un salaire au niveau de leurs études. Ces jeunes enchaînent des petits boulots qui ne correspondent ni à leurs aspirations ni à leurs qualifications. Sur ce sujet, le web documentaire Bac+ que dalle illustre la réalité de certains jeunes diplômés à bout de souffle et dans la précarité.

De fait, l’Association pour l’emploi des cadres, publiait des chiffres significatifs en 2015 : 14 % des jeunes diplômés de niveau bac+5 ont déclaré avoir eu un changement d’orientation professionnelle dans les deux ans après l’obtention de leur diplôme. Une donnée à mettre en corrélation avec la désillusion des diplômés qui se retrouvent… surdiplômés ou sans travail.
Beaucoup de jeunes diplômés, attirés par des possibilités d’évolution et la sécurité de l’emploi, se dirigent aussi vers les métiers de la fonction publique. Selon un dossier de l’Insee de 2013, un tiers des diplômés était déclassé.

Mettre toutes les chances de son côté

Faire des stages

Si vous avez toujours votre statut étudiant, profitez-en pour faire des stages en entreprise, même s’ils ne sont pas obligatoires, afin de palier au manque de pratique sur le terrain. En plus de vous permettre d’acquérir de l’expérience dans le monde de l’entreprise, le stage vous permettra de vous faire un « réseau » professionnel. Le baromètre de l’humeur des jeunes diplômés 2017 de Deloitte, révélait que 41 % des sondés avaient trouvé leur emploi grâce au réseau.

Valoriser ses expériences annexes

Il est aussi possible de valoriser son cv grâce à des engagements bénévoles, des implications dans des associations ou encore des petits jobs d’été. Il faudra alors les relier avec cohérence à votre projet professionnel ou au poste que vous convoitez. Afin de mettre en valeur ces expériences, évitez de les écrire dans la rubrique “hobbie” de votre cv, mais plutôt dans une catégorie dédiée.

Mettre en avant les soft skills

Pensez également aux soft skills qui sont de plus en plus plébiscitées au sein du monde de l’entreprise. Si vous avez travaillé en groupe sur un projet d’étude, vous avez sûrement l’esprit d’équipe, si vous avez géré un événement dans le cadre d’une association étudiante vous avez sûrement le sens des responsabilités, de l’organisation ou encore de la motivation. Confiance en soi, intelligence émotionnelle, créativité, gestion du stress ou encore sens du collectif, ne sont pas négligeables sur un CV ou lors d’un entretien d’embauche. Pour leur présentation, il ne suffira pas de les énumérer tels des mots clés, mais de les accompagner d’une petite phrase de mise en contexte avec des détails concrets : « Lors de mes six mois d’échange universitaire à Londres, j’ai réussi à m’adapter et à renforcer ma confiance en moi. »
Le fondateur du cabinet YouRise conseille «d’appuyer sur les compétences culturelles et les soft kills, plutôt que les hard skills et les connaissances théoriques, pour montrer que l’on a aussi une dimension pratique malgré le manque d’expérience. »

Rassurer l’employeur

Certains clichés collent à la peau du surdiplômé. Trop ambitieux il risquerait de s’ennuyer à un poste inférieur à ses compétences… Pour contrer cette pensée, préparez votre entretien afin d’expliquer votre démarche et votre projet professionnel et pourquoi ce travail ne sera pas temporaire. Miora Rakoto rappelle un point positif, « un surdiplômé a acquis de multiples compétences et pourra avoir un autre regard sur le poste visé. Il ou elle peut apporter une autre dimension au poste, à condition que l’entreprise lui laisse l’autonomie pour le faire. »
Pour Arnaud Cantet, la posture du candidat est décisive face à au recruteur. « Il faut avoir envie d’apporter des choses à son futur employeur, mais aussi un peu d’humilité en montrant son envie d’apprendre. C’est cette double approche qui pourra mettre le recruteur et le candidat sur un pied d’égalité. » Si vous avec un bac+8 sans aucune expérience, il sera difficile de demander à manager une équipe immédiatement…

Partir à l’étranger

Le volontariat d’entreprise (V.I.E) peut vous aider à lancer votre carrière professionnelle, pour preuve, 59 % des diplômés participant au programme ont trouvé un travail en moins d’un mois selon une enquête Ipsos de 2015.

Pour ceux qui hésiteraient encore à se lancer dans des bac+beaucoup, une récente étude de l’Inserm, publiée dans la revue American Journal of Epidemiology, affirme que de longues études permettraient de retarder la démence. Le travail scolaire, c’est la santé !

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