La learning expedition : « un voyage pour trouver sa voie pendant ses études »

06 mai 2021

8min

La learning expedition : « un voyage pour trouver sa voie pendant ses études »
auteur.e
Samuel Durand Expert du Lab

Auteur et confériencier sur le futur du travail, spécialiste du sens et de la reconnaissance au travail

Lorsque je suis entré en école de commerce, je pensais suivre le parcours classique : deux années sur le campus, une année de césure durant laquelle je pourrais faire deux stages de six mois, puis une année dans un master plus ou moins spécialisé. Et ça m’allait très bien. À vrai dire, je ne m’étais pas vraiment posé de questions jusqu’à cette fameuse année de césure où j’ai compris que ça y est, il fallait que je fasse un vrai choix d’orientation de carrière, et que celui-ci allait me permettre de faire mes premiers pas dans le monde professionnel.

Pour trouver ma voie, je n’avais pas mille options. Je me souviens que nos profs nous parlaient uniquement des stages sans jamais nous présenter d’alternatives. Un soir, en scrollant sur Instagram, j’ai vu qu’un ami avait suivi une autre voie en se lançant dans une « learning expedition », un terme qui m’était alors inconnu mais qui m’a tout de suite interpellé. Je l’ai appelé aussitôt, il m’a tout expliqué et donné de bons conseils. Quelques mois plus tard, je me lançais à mon tour dans l’aventure avec une amie ! Aujourd’hui, avec un peu de recul, je peux vous dire : c’est cette année-là qui m’a véritablement aidé à trouver ma voie. C’est pourquoi, j’ai envie de vous présenter ici l’opportunité en or que représente une telle expérience.

La learning expedition, une opportunité unique d’apprentissage…

Initialement, et comme son nom l’indique, une learning expedition est un voyage, dont le but premier est l’apprentissage. Celle-ci peut adresser une large variété de sujets. Mais généralement, elle est à l’initiative d’entreprises puisqu’elle leur permet d’envoyer une poignée de salariés visiter d’autres entreprises et apprendre de leurs meilleures pratiques dans un domaine précis. Parfois il s’agit d’un échange de bons procédés, parfois d’un véritable business. Il existe même des agences qui organisent des “tours thématiques” à la rencontre de certaines entreprises réputées !

Pour les étudiants, la même logique peut s’appliquer, et l’objectif reste le même : l’apprentissage. En fait, s’approprier le concept de learning expedition c’est se créer une expérience sur mesure qui représente une vraie alternative aux stages. Et celle-ci peut aussi bien être réalisée lors d’une année de césure, après avoir obtenu son diplôme, qu’à tout moment dans sa carrière.

… qui peut aussi nous permettre d’identifier notre voie

Au-delà de l’apprentissage, la learning expedition a, selon moi, de multiples autres bénéfices : elle nous donne un éclairage sur le monde professionnel et nous aide à trouver notre voie professionnelle. Pour vous en convaincre, voici quatre points principaux que j’ai eu l’occasion de développer en réalisant la mienne :

  • Un réseau : C’est lorsque l’on est étudiant que l’on commence à constituer son réseau et là-dessus, les learning expeditions offrent l’opportunité d’aller beaucoup plus loin que d’ajouter quelques profils de temps à autre sur LinkedIn. En échangeant avec des experts pour cadrer son projet, en rencontrant des entreprises pour leur proposer de devenir partenaires puis, ensuite, en interrogeant des professionnels à travers le monde, vous aurez l’occasion de créer de véritables relations, professionnelles mais aussi et surtout, humaines. Certain•es deviendront de futurs partenaires, de futurs client•es, de futurs collaborateur•es, voire de futurs ami•es… Trois ans après nos premiers échanges, je conserve moi-même des relations très étroites avec des dizaines de personnes rencontrées dans ce cadre.

  • Se spécialiser : En école de commerce, j’ai longtemps été frustré à l’idée de ne pas m’être spécialisé dans un domaine précis. J’avais le sentiment que j’étais un peu “bon dans tout” mais “excellent en rien”. En réalisant ma learning expedition, je me suis rendu compte que je n’avais pas nécessairement besoin d’exceller dans une compétence spécifique mais que je pouvais tout aussi bien devenir expert d’un secteur, en l’occurrence le Future of Work. Et pour cela, une learning expedition peut être d’une grande aide : elle permet, en quelques mois seulement, de se propulser en pointure d’un domaine spécifique puisque l’on en rencontre les figures clés, on se confronte à différents points de vue et surtout, on se forge sa propre opinion.

  • S’ouvrir au monde : La learning expedition offre également l’opportunité unique d’être, pendant plusieurs mois, entièrement tourné vers les autres. Le seul but étant d’aller solliciter sans cesse de nouvelles personnes et d’apprendre de leurs expériences, l’esprit ouvert à l’inconnu ! C’est un moment rare dans lequel nous pouvons consacrer tout notre temps à assouvir notre curiosité. Je me rappelle être rentré de ce voyage avec l’impression d’être plus mûr, plus tolérant, plus ouvert qu’avant mon départ.

  • Prendre confiance : Pour beaucoup, la learning expedition est l’un des premiers “gros” projets sur lesquels ils s’impliquent et cela peut faire peur. La bonne nouvelle, c’est que la variété des compétences qu’un tel voyage requiert permet de (re)prendre confiance dans ses capacités à mener des projets à long terme. Par ailleurs, au fil des rencontres, la posture d’”apprenant” laisse place à une posture de “diffuseur”. Car, au bout de quelques mois, nous pouvons, et c’est même vivement recommandé, partager la connaissance accumulée, notre analyse des résultats et même notre vision sur le sujet/secteur étudié et ce faisant, nous prenons confiance et créons notre propre légitimité !

Ces quatre points vous seront toujours utiles, soit pour lancer votre propre activité soit pour valoriser votre profil au moment de rejoindre une entreprise. Si ce retour d’expérience vous donne envie de vous lancer, voici les étapes clés pour mettre la vôtre sur pied.

Construire sa learning expedition

1. Identifier son champ d’action

Avant toute chose, il faut commencer par définir un secteur qui nous intéresse et sur lequel nous avons envie d’en savoir plus. Sans qu’il soit une passion, le sujet doit éveiller notre curiosité puisque nous allons l’explorer pendant plusieurs mois. Une fois la thématique déterminée, il s’agit de fixer le cadre dans lequel l’étude va se dérouler afin d’apporter de la valeur aux professionnels qui s’y intéresseront. C’est le moment de se rapprocher d’experts ayant déjà de solides connaissances du secteur (professeurs, professionnels, journalistes…) pour savoir quels angles sont particulièrement intéressants à creuser et pourraient s’avérer riches d’enseignements.

Pour ma part, je savais que j’avais envie d’explorer le freelancing et plus particulièrement, les stratégies mises en place par les grands groupes pour collaborer avec des indépendants. Étant alors moi-même freelance depuis deux ans en parallèle de mes cours, je voyais déjà de nombreux points d’amélioration à la relation freelance-entreprise et je me disais que certaines organisations avaient peut-être de l’avance sur le sujet. Une fois mon sujet choisi, j’ai demandé de l’aide à des experts en France pour définir plus précisément mon étude.

2. Bien s’entourer

La deuxième étape consiste à bien s’entourer. Et oui, une learning expedition a un coût et celui-ci peut s’élever à quelques milliers d’euros. Si vous n’avez pas cette somme de côté et/ou que vous ne pouvez pas l’allouer à votre année de césure, ce n’est pas bien grave : ce sera alors l’occasion de vous rapprocher d’entreprises qui partagent votre intérêt pour les domaines que vous allez explorer. Vous pouvez ainsi leur proposer de devenir partenaire et de bénéficier, en échange de leur soutien (financier mais aussi logistique), d’avoir accès aux informations inédites que vous récolterez et de vous unir pour communiquer sur ce projet - qui attirera certainement l’attention des médias.

De mon côté, je me suis entouré de cinq entreprises liées de près ou de loin au monde des freelances - soit par leurs produits et services, soit parce qu’elles-mêmes sentaient qu’elles allaient avoir besoin de recruter plus d’indépendants à l’avenir et que des bonnes pratiques de pionniers en la matière seraient les bienvenues. Au-delà du soutien financier, ces entreprises ont été de très bons conseils pour cadrer au mieux mon projet et l’une d’entre elles m’a même permis d’être formé par son équipe de chercheurs à la conduite d’entretiens.

À ce stade d’avancement, n’hésitez pas non plus à présenter votre projet à quelques médias qui seront certainement partants pour relayer votre initiative. En prime, l’intérêt qu’ils lui porteront pourra être valorisé auprès de vos potentielles entreprises partenaires. Pour ma part, j’avais publié des tribunes et interviews dans une dizaine de médias dont Les Echos Start et Forbes.

3. Anticiper tout ce qui peut l’être

Une fois le financement acté et le contenu de l’étude clairement défini, il ne reste plus qu’à bien se préparer pour le grand départ, notamment en termes d’optimisation du temps et d’organisation. Sur place, il y aura suffisamment de travail opérationnel au quotidien, alors autant anticiper tout ce qui peut l’être, non ? Je vous conseille, par exemple, de préparer une liste d’entreprises et/ou de personnes à rencontrer, d’automatiser la prise de rendez-vous, de prévoir les déplacements et les hébergements à l’avance et de préparer un plan de communication avec un planning de publications ou des templates pour les réseaux sociaux. Au total, il faut bien compter trois mois pour mettre en place ces différents éléments avant de s’envoler.

4. Vivre pleinement l’expérience

Une fois la learning expedition lancée, il s’agit simplement d’assouvir pleinement sa curiosité en rencontrant les personnes préalablement identifiées, en les interrogeant et en triant les contenus accumulés au fur et à mesure pour pouvoir les traiter de la meilleure façon par la suite. Vous pourrez déjà mettre en ligne certains résultats de vos recherches au fur et à mesure, pour rendre compte de l’évolution de votre réflexion à l’audience qui vous suit. Mais conservez la majeure partie pour la restituer sous la forme que vous souhaitez et avec laquelle vous êtes le plus à l’aise : un documentaire, une étude, une série d’articles, un livre… tout est possible !

Je ne vais pas vous mentir, la période de learning expedition à proprement parler est intense. En ce qui me concerne, j’ai plus travaillé pendant ces six mois que pendant mes années en classes préparatoires, mais l’intensité était proportionnelle à l’intérêt que je portais à cette thématique !

Une learning expedition en période de pandémie, c’est possible ?

Vous vous dites peut-être que parler de voyage en cette période de pandémie n’est pas très approprié ? Je vous comprends, mais sachez que si votre programme ne se déroulera sûrement pas exactement comme prévu, plusieurs options sont à explorer pour mettre votre projet sur pied malgré tout :

  • Une learning expedition à distance : moins onéreuse mais tout aussi intéressante
    Si l’exotisme et le dépaysement ne seront pas au rendez-vous, vous pourrez tout à fait récupérer le contenu de votre étude à distance et en prime, celle-ci sera moins chère à financer. Sans compter que cela vous permettra certainement de toucher encore plus de monde et de rencontrer des personnes qu’il aurait été difficile d’atteindre s’il avait fallu se déplacer. Vos interlocuteurs seront peut-être aussi plus enclins à accepter des échanges car vous pourrez leur proposer le moment qui leur convient le mieux et pas uniquement une fenêtre de quelques jours lors de votre passage dans leur ville. Et puis, vous pourrez aussi opter pour un format hybride avec à la fois des interviews en présentiel et à distance.

  • Restrictions sanitaires : temps de préparation supplémentaire
    Les restrictions de déplacement peuvent aussi coïncider avec la période de préparation nécessaire avant l’exploration. L’attente de la réouverture de certains pays peut être l’occasion idéale de peaufiner vos axes de recherches, les rendez-vous à venir, vos relations avec vos partenaires ou avec les médias qui suivent le projet de près.

  • Une zone géographique réduite : moins de galères logistiques
    Enfin, si jamais vous souhaitez partir à l’aventure tout de suite, certains pays sont toujours ouverts et avec une bonne gymnastique logistique, il est toujours possible de se déplacer pour rencontrer ses interlocuteurs, notamment si votre étude se concentre au sein d’une zone géographique réduite.

J’en suis sûr, la learning expedition permettra à certains d’entre vous de se découvrir un intérêt particulier pour un secteur et leur servira de tremplin pour démarrer leur vie professionnelle. Pour ma part, trois années après la mienne, je poursuis encore l’aventure sous d’autres formes, en ayant toujours en tête que c’est ce projet qui m’a aidé à trouver ma voie.

Et pour d’autres, elle ne sera qu’une belle aventure parmi tant d’autres. Mais si elle ne leur permet pas de lancer leur carrière dans la foulée, elle les aidera au moins à mieux se connaître et à acquérir de solides compétences qu’ils pourront utiliser plus tard, à d’autres occasions et pour d’autres projets. Quoiqu’il en soit, créez, demandez, testez, diffusez… Votre prochaine aventure s’écrit dès aujourd’hui !

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Photo by WTTJ.
Article édité par Eléa Foucher-Créteau.

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