Harcèlement moral : 3 conseils pour l'identifier et l'affronter
12 déc. 2018
5min
Les chiffres font froid dans le dos… Dans le monde, près d’un actif sur cinq, soit 583 millions de personnes, ont déjà été victimes de harcèlement d’ordre psychologique au travail, autrement dit de harcèlement moral. C’est le résultat d’une étude conjointe menée par l’Organisation internationale du Travail (OIT), la Lloyd’s Register Foundation (LRF) et Gallup.
Le phénomène est si répandu qu’il touche tous les pays, toutes les classes socioprofessionnelles et tous les secteurs. Les jeunes, les migrants et les femmes sont néanmoins en première ligne. Malgré l’ampleur du sujet, le harcèlement moral reste un tabou dans la société. Selon l’OIT, seule la moitié des victimes parlent de ce qu’elles ont vécu. Les raisons de ce silence : une «perte de temps» et la crainte d’avoir «mauvaise réputation».
Le harcèlement moral impacte pourtant le quotidien des victimes de manière profonde. Il rend les journées de travail infernales, bouleverse la vie privée et globalement détériore la santé physique et mentale. Une étude de l’Université de Copenhague montre d’ailleurs que le harcèlement moral au travail augmente le risque de développer des problèmes cardiovasculaires, notamment une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. Pour éviter d’en arriver là, il est indispensable d’agir vite et d’adopter les bons réflexes, que vous soyez victime ou témoin. Voici nos conseils pour mieux comprendre le problème et tenter d’y remédier. _
Sommaire :
- Définition du harcèlement moral ?
- Exemples de harcèlement moral au travail
- Sanctions en cas de harcèlement moral avéré
- Conseils et recours face à une situation de harcèlement moral
Mais c’est quoi en fait le harcèlement moral ?
« Moi, victime de harcèlement moral ? Mais non, c’est juste mon chef qui m’écrit à 23h15 pour me dire que j’ai oublié de faire signer un devis cet après-midi. » Ça, c’est ce que vous disiez jusqu’au jour où le phénomène s’est amplifié… À quel moment devenez-vous réellement victime de harcèlement au travail ? C’est la partie nébuleuse du sujet et la plus difficile à identifier, car les premiers signes sont souvent sous-estimés. Vous dédramatisez alors la situation, vous mettez en place une politique de l’autruche en espérant que le problème passe. Et vous vous dites que finalement, tout ça, ce n’est pas vraiment du harcèlement…
Sur le papier, le harcèlement moral a pourtant une définition sans équivoque. Il s’agit d’une forme de violence psychologique répétée qui se produit dans le cadre professionnel ou social. Il se caractérise par des comportements hostiles, humiliants, dévalorisants ou intimidants, exercés de manière systématique et durable par une personne ou un groupe envers une autre personne. Les actes peuvent inclure des insultes, des critiques constantes, l’isolement social, la diffusion de rumeurs néfastes, la surcharge de travail délibérée, la manipulation émotionnelle et d’autres formes de comportement abusif. Et n’allez pas croire que les nouvelles pratiques comme le télétravail mettent les salariés à l’abri de ce genre d’agissements. Le harcèlement à distance peut même parfois prendre des formes plus insidieuses et toxiques.
Comment se manifeste le harcèlement moral ?
Attention, ne confondez tout de même pas harcèlement moral avec de simples situations de conflits entre salariés. Bien sûr, il peut arriver qu’un différend entre deux collègues survienne de façon isolée dans une entreprise. Les échanges peuvent même parfois devenir violents. Mais le harcèlement moral, lui, s’inscrit dans la durée, lorsque les incidents se répètent. Pour bien comprendre, voici quelques exemples concrets d’agissements caractéristiques de harcèlement moral.
Critiques constantes : l’auteur de harcèlement moral critique régulièrement votre travail de manière dévalorisante et humiliante, même lorsque vos performances sont satisfaisantes. Il utilise un ton méprisant et des mots blessants pour vous faire sentir que vous ne faites jamais assez bien votre travail.
Isolation sociale : l’auteur vous isole intentionnellement en vous excluant des conversations professionnelles et des réunions importantes. Il vous fait sentir que vous ne faites pas partie de l’équipe et que vous n’en êtes pas digne.
Surcharge de travail délibérée : l’auteur vous assigne à des tâches excessives et impossibles à accomplir dans les délais impartis. Vous avez des responsabilités disproportionnées par rapport à celles des autres membres de l’équipe. Il cherche à vous surcharger intentionnellement et à vous faire craquer sous la pression.
Menaces et intimidation : l’auteur de harcèlement moral utilise des menaces voilées envers vous, il vous avertit que vous serez licencié si vous ne vous conformez pas aux demandes, même celles les plus abusives. il peut également vous laisser entendre que vous ne trouverez jamais un autre emploi si vous décidez de quitter l’entreprise.
Diffusion de rumeurs néfastes : l’auteur répand sur vous des rumeurs infondées et nuisibles sur votre vie personnelle. Il compromet votre réputation professionnelle et votre crédibilité auprès de vos collègues et de vos supérieurs.
Quelles sont les sanctions si les faits de harcèlement moral sont avérés ?
Le harcèlement moral constitue un délit réprimé par le code pénal en son article 222-33-2. Les faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. La personne responsable du harcèlement moral peut aussi être tenue de vous indemniser pour les dommages causés, tels que le préjudice moral et les frais médicaux engagés.
Des sanctions peuvent également être prises par l’entreprise : une mutation, une mise à pied, voire un licenciement.
Que faire face à une situation de harcèlement moral ?
Vous pensez être témoin ou victime d’ un harcèlement moral ? Ne laissez pas la situation s’envenimer. Agissez et suivez ces conseils, d’abord pour vous assurer que vous êtes bien dans une situation de harcèlement moral, ensuite pour faire valoir vos droits efficacement.
1. Soyez attentif aux signes
Restez vigilants et ne laissez pas une situation de harcèlement sous silence. Sachez que les personnes qui dénoncent un cas de harcèlement moral ne peuvent pas être sanctionnées pour ce motif. Les sanctions ne sont autorisées que si le dénonciateur agit de mauvaise foi et dans le seul but de nuire, par exemple en se basant sur des faits qu’il sait pertinemment inexacts.
2. Identifiez et documentez les incidents au travail
Constituez un dossier solide. Gardez une trace détaillée de chaque incident de harcèlement, y compris la date, l’heure, les personnes impliquées et une description précise de ce qui s’est passé. Collectez des preuves telles que des emails, des messages ou des témoignages.
3. Parlez du harcèlement moral à quelqu’un en qui vous avez confiance
Cherchez du soutien auprès d’un collègue de confiance, d’un ami ou d’un membre de votre famille. Partager votre expérience peut vous soulager émotionnellement et vous donner des conseils sur la meilleure façon de gérer la situation. « On est tous des acteurs de la prévention, ajoute Anne-Véronique Herter, auteure de “Le cri du corps”. Quand on ne sait pas comment agir, il faut en parler aux RH, à son manager, à la direction, à la médecine du travail, aux représentants du personnel… tous ces rassemblements de personnes qui peuvent accompagner et aider. »
4. Alertez votre employeur sur une situation de harcèlement moral
Si la situation perdure et que vous estimez votre dossier suffisamment solide, alertez les responsables RH de votre entreprise. Certaines structures mettent en place des procédures de signalement. Si vous travaillez dans une entreprise avec un CSE, comprenez un Comité Social et Économique (obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 11 salariés), vous avez aussi l’option de prévenir vos représentants du personnel. Ils prendront alors les mesures nécessaires pour attirer l’attention de l’employeur. Une fois que celui-ci est au courant de la situation, il est tenu de mener une enquête interne et de prendre des mesures pour mettre fin à ces comportements. Et si rien ne se passe, alertez votre médecin traitant, la médecine du travail, voire un défenseur des droits pour une conciliation amiable. Vous adressez alors une mise en demeure à votre employeur pour l’inciter à prendre les mesures appropriées.
5. Saisissez les Prud’hommes
Si vous avez prévenu votre employeur, tenté une conciliation amiable et que rien ne se passe, il vous est enfin possible de saisir le conseil des prud’hommes. Cette procédure est engagée contre l’employeur, qu’il soit responsable ou non du harcèlement. La saisie du conseil de prud’hommes permet de déterminer si votre employeur a respecté son obligation de prévention. Si l’employeur n’a pas réagi à l’alerte de harcèlement au sein de l’entreprise, sa responsabilité est remise en question.
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