Les risques psycho-sociaux : le nouveau mal du travail ?
26 sept. 2018
4min
EL
On voit de plus en plus fleurir le terme de “risques psycho-sociaux” aussi dénommés sous le doux acronyme de “RPS” au sein des entreprises et dans les médias, notamment suite aux nombreux scandales liés à la santé mentale au travail (burn-out, démissions, suicides…) Mais quels sont ces risques qui nous menacent et comment les prévenir ? Pour cela, nous avons posé nos questions à Pauline D’Heucqueville, psychologue du travail, diplômée de l’école des psychologues praticiens de Paris et consultante au sein du cabinet Stimulus, expert dans la santé psychologique au travail.
Qu’est-ce que sont les risques psycho-sociaux ?
Selon la définition stricte, c’est finalement le risque ou la probabilité qu’apparaisse un trouble chez le salarié lié à l’environnement du travail. L’idée c’est de réduire cette probabilité en agissant sur ce risque, notamment à travers des actions de prévention qui peuvent se mettre en place à différents niveaux.
Selon la définition stricte, c’est le risque ou la probabilité qu’apparaisse un trouble chez le salarié lié à l’environnement du travail.
Comment identifie-t-on un risque ?
Différents risques liés à l’organisation peuvent avoir des répercussions au niveau individuel. Six types de facteurs ont été recensés par le collège d’expertise mis en place par Michel Gollac en 2011. Ces facteurs sont interdépendants et peuvent concerner :
- L’intensité et le temps de travail
- Les exigences émotionnelles liées à l’environnement de travail
- Le conflit de valeurs
- Les rapports sociaux au travail
- L’autonomie
L’idée est de mesurer le niveau de risque mais aussi le degré d’exposition des individus à ce risque. Vous vous exposez tous les jours au danger quand vous traversez la route mais vous augmentez si vous écoutez de la musique ou si vous ne traversez pas au feu vert piéton par exemple. Ici, le niveau d’exposition est fort et le danger aussi.
À l’inverse, on peut imaginer qu’à l’échelle d’une entreprise le nombre de personnes exposées au harcèlement est faible mais l’impact au niveau individuel est énorme. Ainsi, dans notre prévention, en gardant en tête que le risque zéro n’existe pas, nous cherchons à équilibrer les facteurs protégeant les salariés et les facteurs pouvant constituer un risque au niveau individuel en mesurant à la fois le degré d’exposition et le niveau de danger. C’est avant tout une question d’équilibre. Pour identifier le risque, il s’agit de s’appuyer sur des outils diagnostics fiables et validés scientifiquement tels que les questionnaires de Karasek ou Siegrist par exemple.
Nous cherchons à équilibrer les facteurs protégeant les salariés et les facteurs pouvant constituer un risque au niveau individuel en mesurant à la fois le degré d’exposition et le niveau de danger. C’est avant tout une question d’équilibre.
Quels sont les enjeux de la prévention des risques psycho-sociaux pour les entreprises ?
Les enjeux sont multiples et recouvrent des domaines aussi variés que la responsabilité juridique et sociale que l’image de marque de l’entreprise. Ainsi, on relève quatre enjeux majeurs pour la prévention des risques psycho-sociaux pour les entreprises :
- Juridique
- Humain
- Économique
- Médiatique
Tout d’abord l’enjeu juridique et l’enjeu humain car les entreprises sont tenues dans le cadre légal de leur activité de prévenir tous risques physiques ou psycho-social qui pourraient mettre en danger la santé et la sécurité de leurs salariés.
Il y a également pour les entreprises un enjeu économique et de performance. Car de nombreuses études ont démontré qu’une bonne qualité de vie au travail est en corrélation avec une meilleure performance collective et individuelle. Enfin, l’enjeu médiatique est également à prendre en compte, car une mauvaise prévention des risques psycho-sociaux peut avoir un véritable impact négatif sur l’image de marque de l’entreprise. Dans des secteurs extrêmement concurrentiels où la concurrence des talents est majeure, tels que les métiers du digital et du web cet aspect a une vraie incidence. Cet aspect médiatique a en effet d’autant plus d’importance aujourd’hui avec l’émergence des labels comme “great place to work”.
Il y a, pour les entreprises, un enjeu économique et de performance. De nombreuses études ont démontré qu’une bonne qualité de vie au travail est en corrélation avec une meilleure performance collective et individuelle.
Comment détecter un mal-être ? Quels signes peuvent indiquer la présence d’un risque pour un collègue ?
Lorsque l’on travaille en équipe et lorsque l’on est amené à manager et à encadrer des collaborateurs, il faut à la fois être attentif aux signaux forts et faibles. Un signal fort peut être un changement net et brutal de comportement chez notre collègue et qui dure dans le temps. Un tel comportement ne vient pas forcément signer un risque majeur pour le salarié mais il est important d’aller explorer et de s’en assurer. Souvent on a en face de nous des managers qui n’osent pas aller explorer de peur d’être intrusif. Mais dans ces situations, mieux vaut prévenir que guérir et lorsque l’on s’intéresse avec bienveillance en général cela n’est pas perçu comme tel.
D’autres indicateurs peuvent être à prendre en compte tel que les indicateurs RH comme l’absentéisme ou le turn over. Cependant, si ces derniers sont intéressants à prendre en compte, ils ne nous permettent pas à eux seuls d’établir un diagnostic. En effet, ils peuvent avoir des causes multifactorielles.
Souvent on a en face de nous des managers qui n’osent pas aller explorer de peur d’être intrusif. Mais dans ces situations, mieux vaut prévenir que guérir et lorsque l’on s’intéresse avec bienveillance en général cela n’est pas perçu comme tel.
Que faire face à un collaborateur pour lequel on s’inquiète et que l’on soupçonne d’avoir un problème lié à son environnement de travail ?
Lorsqu’on est manager ou collègue et qu’on a suffisamment de proximité avec la personne concernée, on n’hésite pas à aller lui parler et à l’orienter si besoin vers les personnes compétentes telles que le médecin du travail. Il faut faire confiance à son instinct. Si on estime que la personne est en danger de façon imminente, on alerte en interne, notamment le médecin du travail. S’il s’agit d’un état d’urgence, on appelle alors le SAMU. S’intéresser à ses collaborateurs avec bienveillance n’est pas intrusif et c’est aussi respecter la personne que de prendre des mesures pour l’aider si besoin. Le niveau de prévention sera donc déterminée en fonction du fait que la personne est : soit en difficulté, soit en danger.
Lorsqu’on est manager ou collègue et qu’on a suffisamment de proximité avec la personne concernée, on hésite pas à aller lui parler et à l’orienter si besoin vers les personnes compétentes telles que le médecin du travail.
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