Le point sur la nomophobie au travail, la peur d'être séparé de son téléphone
12 mars 2019
6min
Elon Musk, Président de Tesla et de SpaceX, s’est toujours plu en interview à qualifier les humains d’aujourd’hui de cyborgs, tant le téléphone portable a pris une place importante dans nos vies. Les chiffres vont dans son sens : nous consultons en moyenne notre téléphone plus de 35 fois par jour et 87% des 18-24 ans déclarent que leur smartphone ne les quitte jamais.
Associez l’abréviation de « No Mobile Phone » au terme « phobie » et vous obtiendrez nomophobie. Élu mot de l’année 2018 par le comité du Cambridge Dictionary, il définit l’angoisse, voire la peur, de s’éloigner de son smartphone ou de ne pas avoir de couverture réseau. Un phénomène en hausse qui découle naturellement d’une addiction au téléphone portable. En effet, selon une étude réalisée par SecurEnvoy, les 18 - 24 ans ont tendance à être les plus dépendants de leur téléphone portable : 77% d’entre eux sont incapables d’en rester séparés plus de quelques minutes. Ceux âgés de 25 à 34 ans suivent avec 68%.
En plus d’affecter la vie privée, la nomophobie peut avoir des conséquences considérables sur le quotidien au bureau. Nous avons donc décidé de mener l’enquête afin de tirer des enseignements sur la meilleure façon de s’en prévenir.
Les conséquences de la nomophobie sur notre efficacité au travail
Angoisse et stress
Le portable est devenu un auxiliaire neurologique indispensable pour beaucoup de personnes et il est devenu difficile de s’en passer, surtout dans le cadre du travail. Les principales victimes de la nomophobie sont les adolescents, mais les cadres dynamiques arrivent juste après. Soucieux de se montrer performants, ils se veulent joignables constamment et ne s’autorisent aucune déconnexion, même au delà des horaires de travail. Cette attitude génère une fatigue mentale et un stress considérables et bien plus impactants sur la productivité que de rater un appel de temps en temps.
La nomophobie est intimement liée à une autre peur : celle de passer à côté de quelque chose ou encore FOMO (« Fear Of Missing Out »), pour nos amis anglo-saxons. Cette anxiété sociale se traduit par un désir de rester continuellement connecté aux autres. Elle est particulièrement présente chez les commerciaux, ou encore les personnes en recherche d’emploi, qui sont continuellement dans l’attente de bonnes ou de mauvaises nouvelles.
Perte de concentration
Que ce soit pendant un déjeuner d’affaires, pendant une présentation ou en plein milieu d’une tâche importante, le téléphone d’une personne nomophobe n’est jamais bien loin. Pourtant, à chaque notification, un petit coup d’oeil sur l’écran suffit à briser totalement sa concentration. Au rythme où pleuvent les notifications de nos jours, les pertes de concentration peuvent se compter par dizaines en l’espace d’une journée. Pas idéal lorsque l’on veut se montrer efficace.
Diminution de la créativité
Il a été prouvé que s’ennuyer permettait de stimuler la créativité. Pourtant une personne nomophobe ne s’ennuie jamais. Son téléphone à portée de mains, il lui suffit de dégainer à tout moment pour pouvoir rédiger un mail, appeler quelqu’un, envoyer un sms ou même jouer à candy-crush. En évitant ces phases d’ennui, le cerveau n’a plus l’opportunité de créer de nouvelles connexions neuronales et donc d’apporter des solutions créatives à des problèmes rencontrés auparavant.
Dégradation des aptitudes sociales
Si voir sa petite soeur vissée à son portable pendant un dîner de famille est frustrant, vous imaginez bien que lorsque c’est le cas d’un collègue, c’est d’autant plus vexant. En se concentrant sur son smartphone plutôt que sur son interlocuteur et sur la situation présente, une personne nomophobe envoie des signaux très négatifs et surtout néfastes pour la relation. C’est limite lorsque c’est un collègue, ça l’est encore plus lorsque c’est un client. Les capacités d’écoute en pâtissent et les relations interpersonnelles deviennent plus compliquées à tisser.
Dangers associés
D’autres dangers peuvent découler de la nomophobie, comme par exemple ne pas pouvoir se retenir de répondre à un message alors que l’on est au volant. Encore plus inquiétant, certaines personnes nomophobes réduisent carrément leur champ des possibles et choisissent d’éviter les situations où ils pourraient être privés de portable, voire simplement de réseau.
Comment savoir si l’on est nomophobe ?
La nomophobie est particulièrement aisée à auto-diagnostiquer, il suffit de se poser les bonnes questions et d’y répondre en toute honnêteté. En voici quelques unes.
- Est-ce que je tape régulièrement sur ma poche pour vérifier que mon téléphone est là ?
- Lorsque je suis en réunion, est-ce que je passe du temps sur mon téléphone, à parcourir le fil d’actualité de LinkedIn ou à répondre à des mails ?
- Dans l’ascenseur, est-ce que je sors mon portable durant les 30 secondes de mon trajet vertical ?
- Est-ce que je sais mettre mon téléphone dans ma poche et en silencieux lorsque j’entame une tâche importante ?
- Si j’oublie mon téléphone au bureau, est-ce que je vais passer une mauvaise soirée ?
- Est-ce que je regarde mon portable au milieu de la nuit ?
- Est-ce qu’il m’arrive d’éteindre mon téléphone portable ?
Pour les personnes désireuses d’aller plus loin dans l’analyse de leur degré de nomophobie, de nombreux tests ont vu le jour ces dernières années afin de déterminer le niveau de sa dépendance. Le test le plus diffusé a été réalisé en 2015 par une psychologue et un chercheur de l’université d’Iowa. Composé de 20 affirmations, il en résulte un score catégorisant votre type de nomophobie, de légère à sévère. Il fut publié en 2015 dans la revue Computers in Human Behavior et il est repris en Français sur de nombreux sites, dont Sciences et Avenir.
Nos conseils pour s’immuniser contre la nomophobie
Prendre conscience du problème
Beaucoup de personnes sont dans le déni et ne se rendent pas compte qu’elles sont victimes d’une addiction et de la phobie qui en découle. Ils se rassurent en partant du principe que ce n’est pas directement nocif et que pour être efficace à son travail de nos jours, il faut pouvoir être réactif à tout moment de la journée.
En 2018, Apple introduisait à son public sa fonction “Temps d’écran”, permettant d’analyser l’usage que l’on a de son téléphone portable afin de réaliser à quel point il peut-être envahissant. Pour les utilisateurs Android, il existe des applications alternatives telles que Checky ou QualityTime. À vous d’utiliser ces informations d’usage de la meilleure façon qui soit, en essayant de diminuer votre temps d’écran. En prenant conscience du problème et en trouvant la motivation de s’en sortir, votre situation sera sûre d’évoluer dans le bon sens.
Sacralisez votre coucher et votre lever, même les jours de semaine
Pour ceux qui se jettent sur leur téléphone dès le réveil pour consulter vos mails, apprenez à laisser votre cerveau se réveiller dans de bonnes conditions. En effet, en lisant vos notifications quelques secondes seulement après avoir ouvert les yeux, vous prenez le risque de vous mettre directement dans un état de stress. Privilégiez plutôt un réveil doux, allez manger un morceau, vous préparer, faire un peu de sport même et une fois bien réveillé, vous pourrez consulter votre téléphone et entamer votre journée de travail.
Il en va de même pour ceux qui s’endorment le portable toujours en main dans l’attente d’un retour de votre manager ou d’un client ; forcez-vous à faire autre chose avant de vous endormir ou le dernier souvenir de votre conscience sera en rapport avec le stress lié à votre travail, et votre qualité de sommeil en pâtira.
Planifiez des plages horaires sans téléphone, même au bureau
Désigner certains lieux et certaines heures comme des moments sans téléphone est un excellent moyen de lutter contre la nomophobie. Les repas sont un bon point de départ : au lieu de faire défiler un fil d’actualité infini entre deux bouchées, vous pouvez aussi vous joindre à des collègues ou des amis afin d’avoir de réelles conversations. Il en va de même pour votre organisation de travail. Vous avez un compte-rendu à rédiger ? Mettez votre téléphone en silencieux et hors de portée et ne le consultez qu’une fois votre tâche terminée.
Reprenez le pouvoir aux notifications
Savez-vous pourquoi les notifications sont toutes rouges ? Pour exciter notre inconscient un maximum à la découverte de ce petit numéro blanc encerclé de rouge. En configurant votre écran de smartphone en noir et blanc, vous réduirez considérablement cette sensation de plaisir suscitée par la vision d’une notification. Vous pouvez également aller plus loin et désactiver totalement vos notifications, vous reprendrez ainsi le contrôle en les consultant lorsque vous le décidez.
La Digital Detox
Vous avez passé une semaine stressante au bureau, et quand vous n’êtiez pas sur votre ordinateur ou en rendez-vous, vous aviez eu vos yeux rivés sur votre smartphone ? Pas de panique, ce sont des choses qui arrivent et qui arriveront probablement de nouveau. Mais aux grands maux, les grands remèdes ; la Digital Detox consiste à se priver de tout objet numérique pendant une durée donnée pour se ressourcer efficacement. Cela permet de revenir au travail en ayant fait le plein de concentration et prêt à en découdre.
Les effets d’un tel effort ont été étudiées par l’OFCOM : « 85% des personnes qui ont entrepris une digital detox ont trouvé l’expérience positive. 33% ont déclaré se sentir plus productives, 27%, plus libérées et 25%, plus enjouées ». Un autre étude réalisée par des neuroscientifiques anglais a pu mettre en lumière les autres avantages qui découlent de cette pratique : meilleure posture, meilleure mémoire, meilleur sommeil et des meilleures relations entre collègues. Les participants de l’étude ont d’ailleurs affirmé que cette expérience avait changé leur vie et modifierait leurs habitudes quotidiennes en matière de smartphone.
En 2019, nous passerons au dessus de la barre des 80% de la population française possédant un smartphone alors que nous étions à peine à 50% il y a 5 ans. Cette statistique implique que, pour une entreprise, un collaborateur possèdera forcément, dans sa poche, un mini-poste de travail qui lui permet de travailler de n’importe où et surtout n’importe quand. Il devient alors aisé, lorsque l’on est à la recherche de performance, de tomber dans la nomophobie et de devenir esclave de ses notifications. Pourtant, une addiction reste nocive, qu’elle permette de rapporter du plaisir ou de l’argent. Face à un tel risque, il n’est jamais trop tard pour adopter la bonne attitude, au bureau comme à la maison, afin de conserver le téléphone portable au rang d’outil, et non à celui de priorité.
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