Comment savoir si l’entreprise pour laquelle vous postulez est sexiste ?
05 oct. 2023
5min
Petites remarques en apparence anodines, blagues un peu lourdingues voire situations de harcèlement sexuel, le sexisme peut prendre différentes formes et se détecter plus ou moins aisément. Une chose est sûre, il est plus facile d’appréhender une atmosphère sexiste en entreprise une fois qu’on y est embauché, plutôt qu’avant d’y entrer. Toutefois, pas de panique, il existe quand même quelques pistes pour que les futurs candidat.e.s puissent se rencarder.
Depuis le 31 mars 2022, les agissements sexistes au travail sont passibles de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement, au même titre que le harcèlement sexuel. Mais qu’est-ce qu’un agissement sexiste exactement ? Selon l’article L1142-2-1 du Code du Travail, est considéré comme sexiste « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Le harcèlement sexuel, lui, est le fait « d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste. » Conclusion ? Nul besoin d’être plaquée contre un mur pour qu’il y ait harcèlement sexuel. La répétition « d’agissements sexistes » suffit. Qu’il s’agisse de remarques en apparence anodines, de « blagues » récurrentes, de remarques déplacées (« plus courte qu’hier ta jupe, non ? ») ou encore d’attitudes, comme le fait d’interrompre systématiquement les femmes en réunion. Bien sûr, le sexisme ne concerne pas que le genre féminin, mais, force est de constater que les femmes sont bien plus concernées par cette problématique.
Selon le baromètre 2023 de l’initiative #StOpE (Stop au sexisme ordinaire en entreprise), 8 femmes sur 10 font face à des attitudes et des décisions sexistes au travail et les 3⁄4 ont été confrontées à des blagues sexistes (versus 2/3 des hommes). Sans compter les propos rabaissants sur la maternité, dont 7 femmes sur 10 ont déjà fait les frais ou la remise en cause des compétences managériales… Bref, encore aujourd’hui le sexisme imprègne de nombreuses entreprises. Mais comment le détecter quand on ne fait pas encore partie de ladite entreprise ?
1. La note de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
Première piste, l’index de l’égalité professionnelle dont la publication est obligatoire pour toutes les entreprises d’au moins 50 salariés depuis 2020. Cet index consiste à attribuer une note sur 100 aux entreprises, sur la base de différents critères : l’écart de rémunération femmes-hommes, l’écart de répartition des augmentations individuelles, le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité, la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations et enfin, pour les entreprises de plus de 250 salariés, l’écart de répartition des promotions. Cet index doit être rendu public sur le site de l’entreprise et peut aussi être consulté sur le site du Ministère du Travail.
Bon à savoir : si le score total est inférieur à 75 points, l’entreprise doit également publier les mesures de correction envisagées et s’il est inférieur à 85 points, les objectifs de progression fixés pour chacun des indicateurs dont la note maximale n’a pas été atteinte. Si, bien sûr, cet indicateur ne garantit pas une absence totale de sexisme au sein de l’entreprise, et que certaines des méthodes de calcul employées sont critiquées par une partie des syndicats et des organisations féministes, il demeure néanmoins un premier indicateur quand il s’agit de situer une entreprise sur l’échelle de l’égalité homme/femmes.
2. Les avis sur les sites qui notent les entreprises
Parmi les autres actions à mener, glaner des avis sur des sites spécialisés comme Glassdoor peut être une bonne idée pour appréhender l’atmosphère interne d’une entreprise. « Quand je postule quelque part, je me renseigne toujours sur les valeurs de l’entreprise. Sur Glassdoor, on voit très vite dans les commentaires quand le sujet du sexisme est récurrent », explique Amélie, ingénieure de 34 ans. Les réseaux sociaux et notamment les comptes de type « Balance ton/ta… », comme Balance ton Agency ou Balance ta startup sont également de vraies mines d’information pour savoir si une entreprise cultive une ambiance toxique et sur quels ressorts cette toxicité s’appuie.
Le sexisme ne se trouve pas toujours là où on le pense. Il suffit de voir les derniers cas épinglés par Balance ta start-up pour s’apercevoir qu’il s’agit en majorité d’entreprises s’adressant aux femmes et/ou été créées par des femmes (Manucurist, Joone, Nanaba, Shanty Biscuits…). « Je travaille dans un domaine très masculin, plutôt ingénieur, militaire, et étonnamment, je ne pense pas que c’est dans ce genre de milieu que l’on a les pires situations - même si le sexisme existe aussi dans ces entreprises-là, bien sûr. », abonde Amélie.
3. Les témoignages d’anciens salariés
Outre les réseaux sociaux et les sites spécialisés, une autre façon de se rencarder sur le sexisme d’une entreprise avant même d’y avoir posé un orteil est tout simplement de glaner des avis d’anciens salariés. Si contacter directement des salariés sur LinkedIn peut s’avérer risqué si l’on est en processus de recrutement, il est toujours possible d’en parler avec des connaissances qui ont travaillé dans l’entreprise, ou qui ont des liens avec des personnes qui y ont été. Cette technique permet de récolter des informations assez précieuces sur la présence ou non de sexisme en interne.
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4. La rédaction des offres d’emploi
Enfin, prêter attention à la façon dont les annonces de recrutement sont formulées permet aussi de mettre la puce à l’oreille. « Sur LinkedIn, on voit encore parfois des annonces de poste genrées, comme « recherche une cheffe de projet » par exemple », indique Anne Boistard, fondatrice de Balance Ton Agency, et désormais à la tête de l’agence Balanced.
5. Les questions en entretien d’embauche
Toutes ces pistes sont bien utiles quand on est encore en « phase d’approche » du futur poste. Mais s’il existe bien un moment idéal pour appréhender le sexisme dans une entreprise, c’est bien au cours de l’entretien d’embauche. « Pendant l’entretien, il est très fréquent que les femmes aient des questions autour de la maternité, par exemple : ”Avez-vous l’intention d’avoir des enfants ? En avez-vous ?” ou autour de leur situation familiale “êtes-vous mariée ? Habitez-vous avec votre conjoint… ?” Ce qui est bien entendu totalement illégal », affirme Anne Boistard. Il suffit de rappeler les chiffres avancés par #StopE dans son dernier baromètre : 40% des mères âgées entre 24 et 35 ans auraient déjà été confrontées à un discours sous-entendant que leur maternité allait poser problème. Si l’entretien est un moment particulièrement approprié pour percevoir un éventuel sexisme sous-jacent, c’est aussi parce qu’il est en général le premier moment où l’on se rend physiquement sur le lieu de l’entreprise.
« C’est intéressant d’observer les lieux quand on se rend en entretien : la répartition hommes/femmes dans l’open-space, la façon dont se comportent les salariés, s’ils ont l’air de se sentir bien ou non… Je me souviens d’une entreprise par exemple, dans laquelle le bureau du directeur créatif était orné de publicités avec des femmes nues… Ça veut dire quelque chose », note Anne Boistard.
6. Les initiatives prises en interne
L’entretien d’embauche peut aussi être le moment de se renseigner sur les initiatives prises par l’entreprise en interne pour lutter contre le sexisme : groupes de discussions, réseaux, formations… « L’une des raisons qui m’a fait rester aussi longtemps dans le groupe pour lequel je travaille, c’est que le sujet du sexisme y est régulièrement discuté. Il y a des groupes de discussion, des formations. Il y a un réseau de femmes, qui permet de discuter de la difficulté à atteindre des postes de management, de se coacher mutuellement, d’en parler… Et qui est d’ailleurs désormais ouvert aux hommes, ce que je trouve très bien car il n’y aucune raison que ces sujets restent féminins ! », explique Amélie.
Attention toutefois au gap entre les ambitions affichées et la réalité, souligne l’avocate en droit du travail et experte du Lab Elise Fabing : « Il faut se méfier des initiatives en interne qui sont surtout de la comm’, surtout dans les boîtes qui vendent des choses à destination des femmes, car elles savent que c’est comme ça qu’elles vont attirer des talents et avoir une bonne image auprès de leur cible. Pour moi, le vrai moment où l’on voit si une entreprise est engagée dans la lutte contre le sexisme, c’est dans sa façon de réagir le jour où il y a un problème. Est-ce qu’elle va protéger l’auteur des faits ou la victime ? »
Pas évident donc de déterminer avec certitude si une entreprise cultive une atmosphère sexiste avant d’y être entrée, même si certains indices peuvent vous mettre sur la voie. Une chose est sûre, si une fois embauchée, vous constatez des agissements sexistes ou que vous en êtes victime, pensez à rassembler un maximum de preuves et dénoncer les faits.
Article édité par Romane Ganneval ; Photo par Thomas Decamps
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