Red flags, signaux forts : comment lire entre les lignes d’une offre d’emploi ?
16 oct. 2023
5min
Il y a les offres qui vous promettent une ascension fulgurante en interne, d’autres qui vous laissent dans le plus grand des flous, ou encore celles qui vous assurent d’intégrer une « grande famille ». Dans le monde foisonnant et parfois opaque du marché du travail, comment filtrer les offres d’emploi pour ne garder que celles qui vous conviennent ?
Il y a quelques mois, Laura, 25 ans, tombait sur une offre de stage pour travailler aux côtés d’un grand photographe. « L’annonce indiquait qu’il recherchait un assistant, mais les missions n’étaient pas détaillées. Il était seulement mentionné qu’il y aurait des prises de vue en studio et que ce stage pourrait déboucher sur une embauche », rembobine-t-elle. Contactée suite à sa candidature, la Parisienne apprend que les missions ne sont finalement pas celles indiquées, que les heures supp’ ne se comptent pas et qu’il ne faut pas trop en attendre de la possibilité d’embauche mentionnée.
L’histoire ne s’arrête pas là : « Le photographe me téléphone un soir à 23 heures, me demande si je suis dispo le lundi suivant qui s’avère être le 1er mai, puis m’envoie le lieu du rendez-vous sans m’expliquer pourquoi je suis attendue. J’ai passé mon 1er mai à bosser gratuitement dans son atelier, à plus d’une heure de Paris, où je me suis rendue à mes frais, sans jamais être rappelée ensuite. » Des red flags cachés dans l’annonce auraient-ils pu éviter à la jeune diplômée de travailler gratuitement avant de se faire ghoster ? Léo Bernard, formateur sur le recrutement et expert du Lab, nous aide à y voir plus clair pour déceler et interpréter les signaux – négatifs et positifs – que recèlent les offres d’emploi.
1. Vérifiez l’adéquation entre l’offre et la demande
Avant même de s’attarder sur le choix des mots, la façon dont l’offre est structurée a son importance. « Si on demande au candidat 40 critères pré-requis, sans que ça paraisse réaliste, c’est un premier red flag », illustre Léo Bernard. Évoquant la « symétrie des attentions », notre expert invite à considérer la somme de ce qui est demandé au candidat comparativement à ce qui lui est proposé : « Si l’entreprise te demande plus que ce qu’elle te propose en termes d’avantages, il y a potentiellement un problème. »
Lorsqu’elle cherchait un emploi, Léna, graphiste et créatrice du compte Instagram Balance ta recherche d’emploi, a vu passer de nombreuses offres demandant de cumuler deux, voire trois métiers. « Le “graphiste, webdesigner, ui/ux designer” est devenu la norme. Mais il y a aussi “graphiste print et web, ui/ux designer, motion designer”, “graphiste multimédia, webmaster, motion designer”… Un jour, j’ai vu passer “graphiste, vendeur, responsable du service client. Des compétences en motion design sont un plus”. À chaque fois, la rémunération indiquée était le SMIC. Il n’y a pas de mal à chercher quelqu’un de polyvalent, quand on ne peut pas se permettre d’embaucher trois personnes. Mais le mouton à 5 pattes, ça se paye ! », milite-t-elle. Sans compter toutes les annonces irréalistes, ou qui demandent au candidat de s’investir corps et âme dans son boulot. « J’ai déjà vu des offres pour des postes situés dans des villes isolées, sans possibilité de télétravail, et qui demandent à leur futur salarié de déménager pour un contrat de trois mois. Ou encore de faux avantages comme un 13ème mois pour un CDD de quatre mois. Des “bon orthographe obligatoire”, alors qu’eux-mêmes ne prennent pas le temps d’écrire une annonce sans faute. Ce genre de décalage me donne directement une mauvaise image de l’entreprise », poursuit la graphiste.
2. Analysez la place accordée au candidat
Le red flag par excellence ? Ces entreprises qui ne parlent que d’elles – un peu comme un mec en date qui occupe toute la place, sans poser aucune question. « Les entreprises font souvent une longue description d’elles-mêmes, sans jamais mentionner les personnes à qui l’annonce est destinée. Ça va être tout un laïus du type “On est leader de notre marché, on a une croissance dithyrambique…” qui témoigne d’un gros manque d’humilité », pose Léo Bernard.
En bref, c’est un message peu encourageant qui est envoyé aux candidats : l’entreprise souhaite faire du chiffre, et se fiche pas mal des ambitions et désirs de la personne qui rejoindra ses rangs.
À l’inverse donc, les formulations qui mettent en avant le candidat, ses missions et l’aident à se projeter dans le poste sont un bon signal. « Je trouve rassurant de voir une offre qui mentionne les soft skills recherchées. Cela montre qu’on est considéré comme une personnalité, plutôt que comme une simple ressource », appuie Bérénice, Lyonnaise. Toujours pour faciliter la projection, mettre en avant son futur manager est également une bonne idée. « Cela peut passer par un lien vers sa page LinkedIn, un paragraphe qui détaille son background, la façon dont ce manager aime travailler et ce qu’il peut apporter… Cela aide le candidat à se projeter et à savoir qui il a en face de lui. Or, beaucoup d’entreprises ne le font pas », constate encore le spécialiste en recrutement.
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3. Privilégiez une communication transparente
Au taf comme ailleurs, une communication claire et transparente permet d’entamer une relation sur de bonnes bases. Si cela n’est pas encore la norme, communiquer sur le salaire ou détailler les conditions du télétravail sont autant d’éléments qu’il est appréciable de connaître d’entrée de jeu. « Dans trois ans, toutes les entreprises auront l’obligation d’indiquer une fourchette de salaire. Une boîte qui le fait dès maintenant envoie un message positif à ses futurs salariés », souligne Léo Bernard. C’est d’ailleurs l’un des points auxquels Bérénice accorde le plus d’importance lorsqu’elle recherche un emploi : « J’aime avoir sous les yeux une offre détaillée qui aborde les fonctions, la rémunération, la localisation, voire les possibilités de formation. Cela me permet de comprendre clairement l’offre à laquelle je m’apprête à postuler. »
Des missions clairement détaillées permettent au candidat de ne pas se retrouver dans le vague au moment de l’entretien. « Une offre qui précise les missions du job à pourvoir et donne des exemples concrets montre que la boîte sait pourquoi elle recrute d’un point de vue stratégique, et que le candidat ne sera pas livré à lui-même », poursuit l’expert en recrutement. Plus généralement, les entreprises qui laissent infuser leur culture interne dans l’offre renvoient un signal positif. Cela peut se faire à travers des liens externes, une vidéo, une rubrique spécifique… « Les entreprises qui mettent leur patte dans l’annonce se différencient vraiment. Cela évite de donner l’impression d’être face à une offre tellement générique qu’elle pourrait avoir été publiée par un concurrent », détaille Léo Bernard.
4. Évaluez le positionnement vis-à-vis de l’expérience
Du « 5 ans d’expérience minimum » au « Entre 5 et 10 ans d’expérience en poste », les critères sur l’expérience requise -malheureusement encore trop fréquents- discriminent très souvent les jeunes diplômés et les femmes, mais parfois aussi les personnes ayant passé la cinquantaine. « Plusieurs méta-analyses ont prouvé que les années d’expérience n’avaient que très peu d’impact sur les performances futures d’un candidat. Il est possible qu’une personne ayant 10 ans d’expérience soit meilleure qu’une personne en ayant deux, mais il n’y a pas de corrélation directe entre ces faits », affirme Léo Bernard. « Si l’entreprise écrit qu’elle ne privilégie pas l’expérience mais les compétences, elle envoie un message rassurant à ses futurs talents. »
5. Fuyez les recrutements à rallonge
Le plus souvent, la candidature n’est que la première étape d’une série d’entretiens, de tests et d’évaluations. Et en la matière, la plupart des entreprises continuent à faire des recrutements à rallonge. Or, aller au-delà de quatre entretiens n’aurait pas de valeur ajoutée. « Ça signifie aussi que cette entreprise est difficilement prête à prendre des risques », analyse Léo Bernard.
Sans compter les tests, parfois superflus, exigés pour certains profils, notamment en graphisme où un portfolio s’avère bien souvent suffisant. Léna en a fait l’expérience à plusieurs reprises : « Il m’est arrivé de recevoir des tests de quatre pages demandant de designer un packaging pour un produit, sans qu’aucun contrat ne garantisse que mon travail ne soit pas utilisé par l’entreprise. J’ai reçu des demandes de tests sans même avoir un appel ou un pré-entretien. J’ai aussi passé deux entretiens et un test… » Autant de travail non payé qui ne garantit aucune embauche par la suite, ni même ne protège du ghosting. « Parfois, on ne m’a plus donné de nouvelles ensuite, ou seulement via un mail automatique après ma relance », se remémore-t-elle.
À vous maintenant de scanner les offres d’emploi de votre œil expert, pour rester en adéquation avec vos compétences et vos envies. Et si l’une d’entre elles vous séduit malgré un ou deux signaux peu encourageants, c’est peut-être qu’il faut tout de même envoyer votre CV !
Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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