Mutuelle, tickets-resto... : gare aux avantages bidons lorsque vous postulez
22 sept. 2022
4min
Journaliste freelance
Il y a les avantages classiques comme les tickets-restaurant, les abonnements Navigo, mutuelles... et d'autres, plus exotiques, comme la mise à disposition de consoles de jeu, babyfoot et autres corbeilles de fruits. Mais que faut-il en penser ?
En juillet dernier, la TikTokeuse aux 34 000 followers Laulevy publiait une vidéo dénonçant le monde de l’entreprise et ses faux “avantages” mis en avant. « Parlons de ces entreprises qui, quand elles veulent te parler d’argent, évoquent des avantages qui n’en sont pas. Il y en a qui vont dire par exemple qu’ils proposent une mutuelle… C’est juste la loi. Quoi d’autre ? Il y a aussi ceux qui soulignent qu’ils te remboursent 50% du pass Navigo : c’est pareil, c’est la loi. Et puis pour les tickets-restaurant, certains en font toute une histoire alors qu’autrement, on ne peut pas manger parce qu’il n’y a pas de frigo, pas de cantine, pas de cuisine sur le lieu de travail. Sans oublier qu’une part des tickets restaurant est soustraite du salaire ! » Alors, les entreprises nous appâtent-elles vraiment en se vantant d’offrir… le minimum légal ?
Selon Elisabeth Dartigues, fondatrice de Mon Coach Mobilité et ancienne DRH, « il ne faut pas se tromper, c’est un sujet complexe. La mutuelle par exemple est effectivement obligatoire… Mais cette dernière peut être bas de gamme et ne prendre en charge que le strict minimum ou au contraire, extrêmement avantageuse avec une participation très importante de l’entreprise. » Concernant les tickets restaurant, elle fait le même constat : « Soyons précis sur le principe… Ils ne sont pas obligatoires, c’est l’obligation légale d’une prime de 2,50€ par repas qui l’est.» En clair, si vous bénéficiez d’un ticket à 10€ que l’entreprise prend en charge à hauteur de 6€, vous payez 4€ quelque chose qui en vaut 10… Mais là encore, en fonction des sociétés, on trouve des politiques plus ou moins généreuses.
« Selon moi, ce n’est pas parce que quelque chose est légal qu’il faut s’interdire de le mettre en avant. En revanche, je trouve en effet qu’il y a des choses qu’on survalorise… Une entreprise qui vous dit qu’elle vous fournira le dernier iPhone d’une valeur de 1000€, mais qui vous propose un salaire bas, vous êtes souvent perdant. » Pour l’experte, il faut prendre le temps de voir combien les avantages coûtent à l’entreprise et quel est le coût restant à ma charge. Et puis ne pas hésiter à poser honnêtement la question en entretien : ça permet de montrer qu’on n’est pas dupes. Pour Laulevy, les autres avantages fallacieux prennent une forme plus ludique, à l’instar des consoles de jeux, des corbeilles de fruits et autres distributeurs de friandises. « Le pire pour moi, le red flag, ce sont ceux qui te parlent du babyfoot qu’il y a dans l’entreprise en te disant que c’est un avantage… Merci, c’est génial ! »
La question des RTT et des primes souvent négligées
Elisabeth Dartigues est en convaincue : s’il y a un élément d’importance que les entreprises valorisent mal, ce sont les RTT. « Bénéficier de 6 jours ou de 25 jours, ça n’a rien à voir… Dans le dernier cas, on est presque à un mois de salaire en plus ! Il faut, là encore, entrer dans le détail. En revanche, si on évoque les primes, là il faut faire très attention, car c’est intimement lié à la culture d’entreprise. Par exemple, certaines vont dire qu’elles peuvent attendre 5000€ par an mais le salarié ne les verra jamais… D’autres annoncent la couleur avec plus de franchise, en donnant un ordre de grandeur qu’il est possible de dépasser ou non, en fonction de ses performances », précise-t-elle.
La réelle question à approfondir, c’est comment ces primes sont-elles versées… C’est la même chose que la participation : si l’entreprise passe une mauvaise année, elle peut être réduite à peau de chagrin. Pour les primes, on a le droit de poser la question. Combien de versements par an ? Quel minimum ? Des réponses essentielles à obtenir, selon l’ancienne DRH. « Ce qui est intéressant, c’est qu’à chaque fois que les primes sont mal fichues au démarrage, cela témoigne d’un problème RH dans la société. Et c’est une vraie alerte ! Plus le contrat de travail est simple, plus les conditions de rémunération et les avantages sociaux sont transparents, moins l’entreprise promet monts et merveilles, plus c’est bon signe. Le candidat doit surtout éviter d’être naïf ! »
Faciliter l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle : le Graal que vous devriez vraiment rechercher
Selon une enquête internationale du spécialiste des ressources humaines Remote, menée auprès de 10 000 employés dont 2000 français, la flexibilité des horaires de travail est, de loin, l’avantage qui a le plus d’importance aux yeux des actifs aujourd’hui. Pour le panel de salariés français, celui arrivant en deuxième position est l’existence d’un plan d’épargne-retraite financé par l’employeur, puis le paiement des heures supplémentaires. Selon Elisabeth Dartigues, cette importance de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle est une mutation profonde à laquelle on assiste depuis la crise sanitaire. “-« Les conditions de travail prennent largement le pas sur les conditions financières… Aujourd’hui, les négociations sont faites très majoritairement autour du télétravail. La souplesse et l’autonomie sont essentielles pour attirer les candidats », affirme-t-elle. Cette flexibilité n’a d’ailleurs pas comme unique objectif de vous séduire en tant que candidat, mais aussi de vous retenir dans l’entreprise, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre rencontré par certains secteurs économiques.
« Sur la semaine de 4 jours en revanche, je suis plus réservée, nuance Elisabeth Dartigues. Mis à part Accenture, je n’ai pas en tête beaucoup d’exemples de grandes sociétés ayant passé le pas. Toutes les entreprises ne peuvent pas se le permettre. Et puis là encore, que veut-on dire exactement ? Si c’est une semaine de 4 jours payés 5, alors oui c’est très avantageux. En revanche, si c’est payé 4, alors c’est tout simplement un contrat à 80%, avec le salaire qui va avec. » Ce qui semble primer, c’est donc la possibilité d’être maître de ses conditions de travail et de bénéficier d’une transparence sur la manière dont les avantages s’articulent.
Des start-up telles que May, dont on retrouve en ce moment les publicités dans les rues des grandes villes françaises, suivent la tendance en proposant aux entreprises de définir une cagnotte à disposition de leurs salariés. Ces derniers téléchargent ensuite l’application, vivent leur vie normalement avant qu’en fin de mois, l’algorithme ne calcule la part de leurs dépenses courantes prises en charge par l’entreprise et ne rembourse ces derniers.
« Mon conseil, c’est de ne jamais négocier des avantages tels que les tickets-restaurant ou la mutuelle… Ils sont collectifs, vous ne pourrez rien y changer. Le nerf de la guerre reste le salaire fixe, qui n’appartient qu’à vous. En revanche, les conditions de travail, elles, sont importantes à discuter », note Elisabeth Dartigues. Ce qu’il faut retenir, c’est que pour un niveau de salaire inférieur à 30 000€ par an, le fixe est essentiel, c’est ce qui nous permet de vivre. Mais lorsqu’on dépasse les 35 000 €, alors là, on s’assure son minimum et on peut commencer à regarder ses avantages plus en détail… Sans oublier que c’est une démarche qui doit être personnelle. « Le candidat ne doit se fier qu’à lui-même parce qu’en France, on ne sait pas parler des salaires. Le sujet étant tabou, chacun y va de son histoire et c’est souvent n’importe quoi ! », conclut-elle.
Article édité par Gabrielle Predko
Photo par Thomas Decamps
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