France Travail : qu'est-ce qui change à part le nom ?
18 janv. 2024
4min
Depuis le 1er janvier 2024, Pôle Emploi a disparu des radars, pour laisser place à France Travail. Au-delà d’une nouvelle plateforme et d’un nouveau nom, quels sont les véritables changements que recouvre la création de cette nouvelle entité ? Comment seront affectés les demandeurs d’emploi ? Petit décryptage.
Objectif plein emploi
Pour bien comprendre les nouvelles mesures induites par la création de France Travail, il faut d’abord savoir que cet organisme ne sort pas de nulle part. Il s’enracine dans la loi pour le plein emploi, promulguée le 18 décembre dernier, dont l’objectif affiché est d’atteindre le fameux « plein emploi » donc.
Ce terme, inventé par l’économiste anglais JM Keynes dans les années 30, désigne le moment où, dans une société, toutes les personnes actives et disponibles sont en mesure de trouver un travail. C’est-à-dire que ceux qui sont en recherche d’emploi n’éprouvent aucune difficulté à en trouver un. Attention, cela ne signifie pas pour autant que le chômage n’existe plus, puisqu’il restera toujours des personnes entre deux emplois, ou venant d’arriver sur le marché du travail. L’Organisation Internationale du Travail estime qu’on parle de plein emploi quand le taux de chômage est inférieur à 5%. Pour cette raison, la loi du 18 décembre s’est fixée comme objectif de réduire le chômage aux alentours de 5% d’ici 2027 (vs 7,4% aujourd’hui), en s’appuyant sur diverses mesures… dont la création de France Travail.
Pour se faire, l’organisation s’appuie notamment sur deux grandes orientations : un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi d’une part, et des entreprises de l’autre. Concrètement, ces orientations se traduisent par quelques grandes mesures phares, dont certaines sont plus controversées que d’autres.
Demandeurs d’emploi : ce qui change
1. La fusion des entités liées à la recherche d’emploi
Première grosse évolution : le rassemblement de l’ensemble des acteurs liés à la recherche d’emploi en une seule entité. Désormais, France Travail regroupera aussi bien Pôle Emploi que les missions locales (dédiées à l’emploi des jeunes), Cap Emploi (en charge de l’accompagnement des travailleurs en situation de handicap), ou encore les collectivités territoriales. L’objectif ? Mettre en commun les informations et avoir une porte d’entrée unique pour tous les demandeurs d’emploi, afin d’éviter que ces derniers soient sollicités à de multiples reprises par des interlocuteurs différents.
Dès 2025, l’ensemble des demandeurs d’emploi seront donc automatiquement inscrits à France Travail : anciens allocataires Pôle emploi, bénéficiaires du RSA et leur conjoint, jeunes accompagnés par les missions locales, et personnes handicapées accompagnées par Cap Emploi. Un changement important quand on sait que seuls 40% des bénéficiaires du RSA étaient inscrits à Pôle Emploi en 2020.
En fonction des profils, chacun sera ensuite redirigé vers l’interlocuteur qui lui correspond (conseiller France Travail, mission locale, travailleur social du conseil départemental…), afin que celui-ci lui propose un parcours d’accompagnement personnalisé.
2. Le contrat d’engagement
Ce parcours trouvera sa concrétisation dans la signature d’un contrat d’engagement, et c’est là le deuxième changement majeur induit par France Travail. Ce contrat reprendra les objectifs fixés avec l’accompagnateur, ainsi qu’un plan d’action à déployer pour atteindre ces objectifs, et devra être signé par tous les demandeurs d’emploi. Il remplace les actuels projets personnalisés d’accès à l’emploi (PPAE), contrats d’engagements jeune (CEJ) et autres.
En cas de refus de signer ou de manquement à ce contrat, le demandeur d’emploi pourra voir son allocation temporairement suspendue, voir être radié.
Pour les salariés en CDD ou en intérim qui se verraient proposer un CDI à la fin de leur contrat, sachez que celui-ci peut bien sûr être refusé, néanmoins, s’il porte sur le même emploi ou un emploi similaire, que le lieu de travail reste inchangé et que la rémunération est au moins équivalente, l’entreprise devra signaler votre refus à France Travail. Au bout de deux refus sur un an sans raisons valables, l’allocation sera suspendue.
Une meilleure insertion des travailleurs en situation de handicap et des jeunes parents
Autre gros volet de France Travail, un meilleur accès à l’emploi pour les travailleurs en situation de handicap. À partir de cette année, l’orientation en milieu ordinaire simple ou accompagné sera privilégiée à l’orientation en établissement spécialisé (ESAT). Au sein de ces derniers, le droit du travail évoluera pour se calquer sur celui des autres salariés, tout en préservant un système de protection spécifique.
Le retour à l’emploi des parents de jeunes enfants devrait aussi être facilité, notamment par la création de places supplémentaires en crèches et la mise en place de relais petite enfance par les communes.
Enfin, côté entreprises, celles-ci devraient bénéficier d’un meilleur accompagnement par les conseillers de France Travail, et pourront notamment publier leurs offres de recrutement sur une plateforme unique, accessibles à l’ensemble des acteurs de la recherche d’emploi.
Voilà pour les principaux changements induits par la suppression de Pôle Emploi, mais qu’en est-il de ce qui ne change pas ?
France Travail vs Pôle Emploi : ce qui reste identique
Tout d’abord, si vous êtes inscrit à Pôle Emploi, nul besoin de modifier votre inscription, le transfert vers France Travail se fera automatiquement dès le début de l’année 2025. De la même façon, votre conseiller continuera à vous recevoir selon les modalités habituelles, et tous les services de Pôle Emploi resteront joignables au 39 49.
L’allocation chômage reste versée par France Travail dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, et l’actualisation mensuelle se fera toujours via votre espace personnel. Celui-ci reste accessible depuis le site de Pôle Emploi, qui deviendra www.francetravail.fr dès le mois de février.
Les points qui fâchent
Si dans l’ensemble, les ambitions de France Travail semblent assez saines (un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi et des entreprises, la coordination de l’ensemble des acteurs…), certaines mesures annoncées par la loi pour le plein emploi demeurent controversées.
C’est notamment le cas du conditionnement du versement du RSA aux heures hebdomadaires d’activité. En effet, à partir du 1er janvier 2025, les bénéficiaires du RSA inscrits à France Travail devront accomplir 15 heures hebdomadaires d’activité (immersions, remises à niveau, passage du permis, rédaction de CV…) pour pouvoir justifier de leur allocation. Cette durée pourra être diminuée en fonction des situations personnelles de chacun, néanmoins, en cas de refus d’exécuter ces heures, l’allocation pourra être suspendue temporairement, voire supprimée, ce qui a suscité une vive inquiétude de la part d’une partie de l’opinion publique, qui y voit un risque de travail déguisé. Lors des débats à l’Assemblée national, l’ancien ministre du Travail Olivier Dussopt s’était pourtant voulu rassurant en affirmant qu’il ne s’agissait « ni de travail gratuit, ni de bénévolat ».
Pour l’heure, les durées minimale et maximale de radiation ainsi que la sanction de suspension des allocations-chômage sont encore à préciser.
Alors France Travail fera-t-elle mieux que Pôle Emploi en matière d’insertion et d’accompagnement vers le retour à l’emploi ? Affaire à suivre, mais une chose est sûre, les moyens (financiers et humains) devront se montrer à la hauteur des ambitions.
Article édité par Gabrielle Predko ; Photo de Thomas Decamps
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