Faux diplômes sur le CV : pourquoi ils sont de plus en plus courants ?

03 oct. 2024

6min

Faux diplômes sur le CV : pourquoi ils sont de plus en plus courants ?
auteur.e
Geoffroy Bresson

Journaliste

contributeur.e

Difficile de se démarquer quand tout le monde semble plus qualifié que vous. Pour certains candidats, la solution est simple : se procurer un faux diplôme. Mais à quel prix ? Entre risques juridiques et perte de crédibilité, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? On vous dit tout.

Vous êtes à la recherche d’un emploi, et enfin, une opportunité se présente. Mais face à une concurrence acharnée – où décrocher un emploi semble plus dur que gagner Koh-Lanta – une pensée vous traverse l’esprit : comment se démarquer ? L’idée d’acheter un faux diplôme en ligne semble si simple. En quelques clics, vous pourriez obtenir un document imitant le diplôme officiel d’une université réputée – assez crédible pour que même Sherlock Holmes ait un doute. Et vous n’êtes pas le seul à envisager cette option. « On vérifie chaque année 50 000 CVs. Parmi eux, on détecte 1 500 diplômes frauduleux », constate Yohan Zibi, co-fondateur d’Everycheck. L’activité de cette société spécialisée dans la vérification de CV avant embauche enregistre une croissance annuelle de plus de 30%, preuve que les recruteurs prennent le problème de plus en plus au sérieux. En 2023, le phénomène des faux diplômes en France a même fait l’objet d’une question écrite au Sénat.

Ce qui semble être un raccourci facile pour certains candidats peut en fait rapidement se transformer en une fraude aux conséquences graves. Alors, pourquoi observe-t-on une telle tendance des faux diplômes, et à quel point est-ce risqué de céder à cette tentation ? On fait le point.

Sommaire :

  1. Comprendre le phénomène des faux diplômes
  2. Les répercussions des faux diplômes
  3. Les solutions pour prévenir l’expansion des faux diplômes

1. Comprendre le phénomène des faux diplômes

Il y a ceux qui enjolivent leur CV en gonflant légèrement leurs compétences ou responsabilités, et puis il y a ceux qui vont beaucoup plus loin : s’inventer carrément un diplôme. La première catégorie est courante. « Près de 65 % des documents vérifiés révèlent des informations inexactes, qu’il s’agisse de détails embellis ou carrément falsifiés », constate Yohan Zibi. Mais la seconde catégorie représente une fraude bien plus grave.

Définition et typologie des faux diplômes

Les faux diplômes se déclinent en plusieurs formes : de la création complète à la simple modification d’un document existant.

  • Les faux diplômes créés de toutes pièces :
    Ce type de fraude consiste à fabriquer un diplôme entièrement fictif. Vous imitez carrément l’apparence officielle d’un diplôme, en usurpant le nom d’une université ou d’une école reconnue. Ce genre de document est vendu sur des sites internet spécialisés.

  • La falsification de diplômes existants :
    Dans ce cas, vous avez bien suivi une formation dans l’institution indiquée, mais vous modifiez les informations présentes sur le diplôme. Par exemple, vous changez la mention obtenue ou la durée des études. Certains falsifient aussi un diplôme pour un programme qu’ils n’ont pas validé. Cette technique est plus difficile à détecter si les recruteurs n’ont pas les moyens de vérifier directement auprès de l’institution. « Dans le même genre, il y a aussi la fraude sur les homonymes, ajoute Yohan Zibi. Par exemple, un autre Yohan Zibi a fait HEC, mais ce n’est pas moi. »

  • Les diplômes non reconnus ou non accrédités :
    Vous entrez dans cette catégorie si vous présentez des diplômes délivrés par des institutions non reconnues par l’État ou les instances accréditées. Les écoles mentionnées peuvent parfois sembler légitimes, mais elles ne bénéficient pas de l’accréditation nécessaire pour conférer des titres officiels. Parfois aussi, les candidats inventent purement et simplement le nom des institutions qu’ils disent avoir fréquentés. « On voit d’ailleurs beaucoup de faux diplômes très mal faits, note Yohan Zibi. Exemple : des diplômes avec des tampons “République de mon diplôme”. On en reçoit plein. En fait, les candidats fabriquent cela sur un site habituellement conçu pour créer des diplomes humoristiques. Et si personne ne vérifie… »

Quels sont les diplômes les plus touchés ?

Le phénomène de falsification des diplômes touche particulièrement les Bac+3, Bac+5 et les BTS. « Le cas typique est celui des étudiants qui prétendent avoir terminé leurs études alors que ce n’est pas le cas », constate Yohan Zibi. Les grandes écoles, comme Polytechnique, sont moins concernées : « Quelqu’un qui montre un diplôme de Polytechnique, en général, il l’a vraiment obtenu », confirme l’expert.

Les fraudes se concentrent aussi sur les certifications professionnelles, en particulier dans des secteurs où la conformité et les normes de qualité sont incontournables. C’est le cas notamment de l’ingénierie, la santé ou la finance. Dans ces domaines, des certifications sont souvent exigées pour prouver l’expertise technique d’un candidat.

Pourquoi ce boom ?

Les faux diplômes ont envahi de nombreux secteurs, et tous les niveaux de formation. Et s’ils sont aussi répandus, c’est d’abord parce qu’obtenir un tel document n’a en fait jamais été aussi simple. Vous connaissez quelqu’un de doué en Photoshop ? En quelques heures, il peut créer un faux suffisamment convaincant pour tromper un employeur. Si vous n’avez pas ce talent dans votre entourage, pas de problème : des sites en ligne vendent des faux diplômes pour quelques centaines d’euros. Sur Snapchat, certains partagent même des astuces pour s’en procurer. Ajoutez à cela les “diploma mills” (ou « moulins à diplômes »), ces pseudo-universités qui délivrent des diplômes sans cours ni examen, allant jusqu’à en attribuer à des animaux. Dans ces systèmes, il suffit de payer pour obtenir un document « officiel », sans jamais passer par les étapes habituelles de formation.

La tendance aux faux diplômes est également liée à l’augmentation des normes de conformité imposées par les employeurs et les institutions. Exemple typique : la célèbre certification ISO 9001. Cette norme de qualité est reconnue dans le monde entier. Mais pour s’y conformer, les entreprises exigent des diplômes et certifications à leurs employés. Résultat : une montée des exigences réglementaires et donc des demandes de certifications accrues.

2. Les répercussions des faux diplômes

Face à la facilité de création d’un faux diplôme, vous êtes peut-être tenté d’ajouter un faux document à votre CV pour vous conformer aux attentes croissantes des recruteurs. Mais attention, les conséquences peuvent être lourdes.

Les conséquences pour les candidats

En France, présenter un faux diplôme pour un candidat, c’est risquer jusqu’à trois ans de prison et 45 000 € d’amende pour « faux et usage de faux ». » Dans la plupart des cas, les sanctions pénales restent rares, à moins que vous ne travailliez dans des secteurs sensibles comme la santé ou l’éducation. « Les faux infirmiers, par exemple, ont déjà conduit à des poursuites judiciaires », précise Yohan Zibi. En général, les actions en justice proviennent directement des institutions, moins d’entreprises privées.
Dans les secteurs moins critiques, le risque est en fait surtout d’ordre professionnel : l’employeur peut rompre votre contrat pour faute grave dès que la fraude est découverte, même si c’est des années après votre embauche. Pire encore, vous pourriez vous retrouver blacklisté des futurs recrutements, une tâche difficile à effacer dans le monde du travail.

Les risques pour les entreprises

Si les entreprises se montrent de plus en plus sensibles au phénomène, c’est parce que pour elles aussi, les conséquences de recruter une personne non qualifiée peuvent être lourdes. Le coût d’un mauvais recrutement est estimé entre 30 000 et 150 000 euros par poste, selon certaines agences. Dans des secteurs sensibles comme la santé ou l’éducation, les conséquences peuvent aller bien plus loin, avec des risques juridiques à la clé. « Imaginez apprendre que les personnes qui s’occupent de vos enfants n’ont aucun diplôme légitime ?, questionne Yohan Zibi. Aux États-Unis, embaucher sans vérifier les antécédents des candidats est carrément considéré comme une faute professionnelle. » Outre-Atlantique, le marché de la vérification des CV pèse près de cinq milliards de dollars. En France, on est encore loin de ces chiffres, mais les vérifications se développent de plus en plus.

3. Les solutions pour prévenir l’expansion des faux diplômes

Si le phénomène des faux diplômes est en pleine expansion, des outils existent pour repérer les fraudes.

Les solutions technologiques

Des établissements se tournent vers des systèmes de certification via la blockchain. Celle-ci permet de dématérialiser les diplômes et de garantir leur authenticité par un QR code, facilement vérifiable par les recruteurs en un clic.
Des initiatives sont également en cours pour faciliter la vérification des diplômes via des bases de données centralisées. Des solutions comme Verifdiploma permettent aux recruteurs de consulter une base de 19 millions de diplômés issus de 360 institutions françaises et internationales.

Les solutions humaines

Au-delà de la technologie, il y a aussi des solutions simples qui sont mises en place. Elles sont développées depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, pionniers en la matière. « En Angleterre, la norme est par exemple de signer son CV, note Yohan Zibi. C’est une manière de s’engager et de dire que ce qu’on raconte sur ce document est vrai. »

Le simple fait de vérifier les CV ou de rappeler aux candidats que ceux-ci sont vérifiés fait, là aussi, chuter drastiquement les taux de fraude. « En général, les processus de vérification débutent toujours par un email envoyé aux candidats pour obtenir leur consentement et demander des précisions », rappelle le cofondateur d’Everycheck. De quoi doucher une bonne partie des fraudeurs dès le départ…

Le phénomène des faux diplômes, c’est un peu comme le dopage dans le sport : une tentative risquée de booster sa carrière en contournant les règles. À court terme, cela peut sembler efficace, mais à long terme, les conséquences peuvent s’avérer désastreuses. En tant que candidat, la vraie question que vous devez vous poser est plutôt : pourquoi prendre ce risque ? Il existe en effet bien des moyens de se démarquer sur un CV sans avoir à tricher sur vos diplômes. Valoriser ses compétences, ses projets personnels, ou même envisager des certifications alternatives reconnues sont autant d’alternatives. À long terme, l’honnêteté dans la présentation de vos compétences reste toujours la meilleure stratégie pour réussir.


Article écrit par Geoffroy Bresson, édité par Aurélie Cerffond, photographie par Thomas Decamps

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