5 méthodes pour recruter des profils qui ne rentrent pas dans les cases
28 mars 2023
6min
Chers recruteurs, à l'heure où certains secteurs peinent à trouver des candidats, pourquoi ne pas ouvrir vos chakras et aller chercher des profils atypiques ?
D’abord, qu’entend-on par « profils atypiques » ? Eh bien, ce sont ces personnes qui n’ont peut-être pas le diplôme ou le background qui vous rassurent, mais qui constituent un vivier de talents sous-exploité… Mais pour les trouver, encore faut-il (parfois) changer d’approche. Zoom sur 5 méthodes pour recruter des profils qui ne rentrent pas dans les cases, avec Carole David, experte en recrutement.
Recruter des profils qui ne rentrent pas dans les cases : bonne ou mauvaise idée ?
Recruter des candidats qui ne rentrent pas dans les cases peut être une excellente manière d’apporter de la diversité et de la richesse à une entreprise. En offrant un regard différent sur le métier, éclairé par des expériences dans d’autres domaines, ils peuvent encourager la créativité et l’innovation. « Le recrutement consiste à trouver la bonne personne, pour le bon poste, au bon moment. Ce n’est donc pas toujours celle que l’on a sous la main, ni le copier-coller de celle qui vient de partir », soulève Carole David.
Mais ne nous mentons pas : bien souvent, recruter des profils atypiques n’est pas un choix, c’est une nécessité. Carole David en a fait l’expérience lorsqu’elle travaillait au sein de l’atelier de production d’un célèbre maroquinier en Vendée : « Nous devions recruter de nouveaux maroquiniers et maroquinières chaque année. C’est un métier qui ne court pas les rues. Dans ce type de situation, s’intéresser à des profils qui n’ont pas nécessairement suivi le cursus classique mais possèdent les qualités nécessaires au métier est souvent la meilleure (et la seule) option », explique-t-elle. Oui, mais comment faire pour identifier les personnes qui auront ces fameuses compétences, sans les expériences pour l’attester ?
Les clés du recrutement de profils atypique
Recruter des profils qui ne rentrent pas dans les cases demande un peu de doigté.
1. Combattre ses biais de recruteur
« Le premier obstacle, c’est d’être capable de changer sa propre perception. De repousser ses habitudes, de contraindre ses réflexes », confie Carole David. Bref, d’oublier ce que tout recruteur apprend sur les bancs de l’école. À savoir, lire un candidat à travers son CV, son niveau d’expérience ou son diplôme.
2. Trouver le « dénominateur commun »
Pour notre experte en recrutement, il faut ensuite identifier le « dénominateur commun » des personnes qui performent dans un métier. Puis la manière de l’évaluer. Elle illustre cette deuxième clé par une anecdote : alors qu’elle cherche à recruter des sourceurs (des recruteurs spécialisés dans l’identification des candidats, ndlr), Carole David est confrontée à des candidats issus de formations RH qui semblent venir vers ce métier par défaut. Parce que la curiosité et la capacité à trouver des informations sont de vrais marqueurs de leur métier, elle crée un jeu d’enquête qui met à profit ces compétences. « Il a porté ses fruits et permis d’intégrer des profils très différents – issus du design, du marketing ou encore de la restauration – mais dont les compétences transverses et l’envie ont permis de les former. Ils sont aujourd’hui des sourceurs incroyables ! », ajoute-t-elle.
5 méthodes de recrutement à expérimenter
Alors, maintenant les secrets du recrutement des profils atypiques révélés, quelles méthodes utiliser pour trouver des talents au-delà des bons diplômes et des backgrounds tout tracés ?
1. Les tests logiques et techniques
- « Les tests de logique m’ont parfois permis de détecter des aptitudes intellectuelles chez des candidats qui n’avaient pas le diplôme demandé, et qui ne seraient pas forcément passés auprès de mes clients », explique Carole David. Ces tests, quand ils sont reconnus et validés scientifiquement, sont des outils très intéressants à utiliser en complément d’un processus de recrutement.
- Les tests techniques – permettant de mettre à l’épreuve les aptitudes des candidats – sont une autre manière de détecter des talents chez les personnes qui n’ont pas le « bon » parcours. « Chez les maroquiniers, le fameux dénominateur commun était la dextérité. L’entreprise avait mis en place des tests qui impliquaient de manipuler de la matière et des outils pour réaliser des opérations moins complexes que la réalité, mais suffisamment délicates pour que certains profils fassent la différence », raconte-t-elle.
- C’est également une méthode de recrutement de Pôle emploi – appelée MRS (Méthode de Recrutement par Simulation) – qui permet d’évaluer et de tester l’ensemble des capacités nécessaires pour réaliser un travail, sans tenir compte de l’expérience ou du niveau de diplôme. Ces exercices reproduisent par analogie le poste de travail et mettent ainsi les candidats en situation de démontrer concrètement leur capacité à tenir le poste.
2. Les sessions de recrutement collectives
Ici, il ne s’agit pas de créer une compétition nocive à la Hunger Games, loin de là. « Dans certains cas, regrouper les candidats permet surtout de passer plus de temps avec eux. Et donc d’aborder en détails la présentation du poste, des compétences nécessaires, de l’entreprise, des conditions de travail, du quotidien… », commence Carole David. Chez Murfy, où elle exerce aujourd’hui, l’étape collective intégrant un test technique a permis d’identifier et de recruter en CDI plus de 130 personnes en reconversion vers le métier de Réparateur Électroménager.
Car à l’inverse du recrutement d’un candidat au parcours « classique », les candidats en reconversion ou au background atypique n’ont pas toujours une connaissance fine de la réalité du métier. « Et c’est l’une des clés quand on recrute ce type de profils : prendre le temps de l’aider à se projeter dans son futur quotidien et lui permettre de s’assurer qu’il lui convient », ajoute-t-elle. Une session collective peut alors permettre d’évoquer le métier avec plus de précision, de prévoir une visite de site ou de faire intervenir plusieurs collaborateurs de l’entreprise pour témoigner.
3. Le recrutement ludique
Les escape game de recrutement, les compétitions sportives ou encore les chatbots immersifs ont connu leur heure de gloire. Mais pour Carole David, chacune de ces méthodes n’a de sens que si elle permet d’évaluer le fameux « dénominateur commun ». « Les approches ludiques peuvent être un bon moyen de faire parler d’une opportunité et de toucher des profils différents, si l’excuse de la gamification permet de sortir de sa sphère de communication habituelle. Mais encore faut-il qu’il y ait une vraie résonance avec le poste et les compétences demandées. Les candidats ne cherchent pas du fun, mais un recrutement juste et cohérent », rappelle-t-elle.
Alors, organiser une compétition de karting pour recruter des chauffeurs livreurs sur Paris : bonne ou mauvaise idée ? « A priori, leur quotidien demandera plutôt de la patience dans les bouchons et un sens de l’observation très fin pour trouver une place libre ! », rigole Carole David. Peut-être qu’un concours de puzzle serait, finalement, plus approprié.
4. L’open hiring, le recrutement sans CV ni entretien
L’open hiring nous vient tout droit des États-Unis, et se développe progressivement en Europe. La méthode consiste à recruter des profils habituellement « laissés-pour-compte » : chômeurs de longue durée, ex-détenus, personnes sans diplôme ou sans expérience, seniors… Le tout, sans CV ni entretien. Le jour de son arrivée dans l’entreprise, le nouvel employé est guidé par un collègue qui lui explique les tâches qui lui incombent.
« Derrière ce terme, j’ai le sentiment que ce n’est pas si différent de la méthode employée pour pourvoir certaines missions d’intérim », analyse Carole David. À savoir, ces missions pour lesquelles les entreprises sont avant tout à la recherche de personnes sérieuses, ponctuelles et travailleuses. « La limite, c’est que cette méthode permet de recruter des personnes non qualifiées sur des postes non qualifiés, à un instant T. Cela n’a pas forcément vocation à développer les compétences des personnes qui prendront le poste pour évoluer sur des emplois plus qualifiés ensuite* », nuance l’experte.
5. Le recrutement via… Tinder ou Snapchat
En 2019, l’agence de publicité américaine Havas Worldwide Chicago s’est créé un profil Tinder pour recruter des candidats pour son programme de stages d’été. Tous les utilisateurs qui « matchaient » avec leur profil avaient l’opportunité d’entamer une discussion avec l’équipe de recrutement Havas, sur leurs compétences et leurs intérêts. De la même manière, quelques années plus tôt, l’une des plus importantes banques du monde, JPMorgan, souhaitait montrer aux jeunes diplômés qu’il n’est pas nécessaire de suivre une voie traditionnelle pour travailler pour une banque. Ils ont ainsi mis en avant des publicités Snapchat de 10 secondes présentant diverses compétences directement applicables à un emploi dans une banque. Voilà une méthode qui a de quoi surprendre ! « Finalement, pourquoi ne pas utiliser les réseaux sociaux ou Tinder pour initier un contact avec des personnes qui n’auraient pas nécessairement pensé à postuler. Après tout, autant aller chercher les candidats là où ils sont ! », ajoute Carole David. Alors, ça matche ?
Mais attention, l’experte alerte sur l’utilisation de méthodes trop atypiques pour recruter des profils atypiques. « Il ne faut pas chercher à être original pour être original. La priorité, c’est la pertinence par rapport à ce que cherche notre cible et à ce que l’on veut évaluer, ce n’est pas d’être original », alerte-t-elle. La méthode doit toujours être adaptée au poste pour lequel on recrute. « Car il serait dommage de chercher à contourner le biais du CV… en créant de nouveaux biais ! », conclut-elle.
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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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