Trous dans le CV, tests de personnalité… 10 mythes sur le recrutement détricotés

25 sept. 2024

6min

Trous dans le CV, tests de personnalité… 10 mythes sur le recrutement détricotés
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Laure Ott Libera

Rédactrice et créatrice du podcast « Dis, c’est quoi ton travail ? »

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Au cœur des préoccupations des DRH, le recrutement fait couramment l’objet de mythes infondés. Entre décryptage et réalité, zoom sur 10 idées fausses à déconstruire.

Plus que jamais, le recrutement est un enjeu fort. Autour de lui, rumeurs et mythes persistent. Avec Lobna Calleja Ben Hassine, Chief People Officer et vice-présidente du Lab RH, nous avons choisi d’en démystifier 10. Voici ses convictions, à nuancer selon le contexte

1. Supprimer la période d’essai facilite les recrutements

  • Le mythe décrypté. Tout dépend du type de candidat. « Pour un talent qu’on approche, en poste depuis 5 ans, avec un crédit, des enfants, une stabilité, la période d’essai sera perçue comme un frein. La retirer fera la différence. À l’inverse, elle permet aux nouvelles générations de tester l’employeur, de le quitter rapidement si besoin. » Dans ce cas, la supprimer peut impacter l’image de l’entreprise de façon négative. « Cela peut aussi donner l’impression qu’elle a du mal à attirer et recruter ses futurs talents. »

  • La réalité. En France, la période d’essai est un droit du travail. « Les RH sont traditionnelles », souligne Lobna. « Dès qu’une pratique est ancrée, elle est rarement remise en question. Or, s’il est dans l’intérêt de l’employeur et de l’employé de passer outre et qu’il y a consensus, innover peut être pertinent. Tout en soignant son marketing et sa communication. »

2. Les candidats des grandes écoles sont plus performants

  • Le mythe décrypté. Un vrai sujet. « Chacun a un background. Mais c’est ce qu’il fait de ce background dans l’entreprise qui va déterminer sa valeur, mise en perspective avec une valeur marché. Les candidats issus de grandes écoles disposent certes de méthodes, d’un esprit d’analyse affuté. Des bénéfices déterminants les 4-5 premières années uniquement : s’ils ne s’adaptent pas aux codes, à la culture d’entreprise, ils seront moins performants qu’un autodidacte, par exemple. »

  • La réalité. L’essentiel est ce que le candidat aura appris durant ses années d’employabilité. « Dans nos annonces, nous avons ôté la mention “Bac + 5 Grande École” et ajouté “Donnez-nous envie de vous rencontrer, soyez vous-même”. La personnalité et l’envie font la différence. Considérer l’école n’a plus vraiment de sens. »

3. Mieux vaut recruter une personne en poste qu’un chômeur

  • Le mythe décrypté. « En France, culturellement, nous avons un problème avec le chômage. Le chômeur est perçu comme un assisté qui galère, déprime, n’est pas débrouillard. On se dit que s’il était bon, il serait en poste. » Des croyances infondées. « On a l’impression que les chômeurs sont des candidats de seconde zone. On se dit, à tort, qu’on préfèrerait un candidat de la Team A, issu de telle ou telle entreprise. »

  • La réalité. « Pour moi, il y a deux typologies de chômeurs », précise Lobna. « Ceux qui, sans jugement, vont mal vivre leur statut, être dilettant vs. ceux qui verront dans le chômage l’opportunité de réseauter, s’inspirer, se former. » Pour ces derniers, le gain entre la fin et le début de la période de chômage est réel. « Le candidat va pouvoir développer son réseau. Il devient un atout clé pour l’entreprise, qui plus est disponible rapidement. »

4. Le candidat doit rencontrer un maximum d’interlocuteurs

  • Le mythe décrypté. Oui et non. « Parfois, les personnes impliquées dans le processus n’ont aucun pouvoir de décision. Comme le courage managérial manque, personne ne veut assumer la responsabilité d’un mauvais casting. Conclusion, plus le candidat rencontre d’interlocuteurs, plus s’opère une dilution de la responsabilité, sous couvert de “On veut avoir d’autres avis et feedbacks” ou “Comme ça, le candidat aura différentes visions”. Il y a là un vrai sujet d’ownership et de responsabilité. » Avec un risque de process à rallonge, dans un contexte de guerre des talents.

  • La réalité. « On fait rencontrer au candidat des individus qui n’ont parfois aucun lien avec le poste, or si dès le second rendez-vous le talent sent un désalignement avec le poste décrit, il reculera. Au-delà de trois entretiens, on perd les talents. » Rencontrer trop de monde ? Non merci. « Avant, les candidats subissaient, n’ayant pas le choix. Aujourd’hui, le matching candidat-entreprise prime. »

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5. Les tests de personnalité sont des indicateurs fiables

  • Le mythe décrypté. « Beaucoup de tests sont scientifiques. Mais on touche à l’humain, au déclaratif, à l’évolutif. Personnellement, si on me dit “En situation de stress, gères-tu bien ou mal ?”, ma réponse sera biaisée par un phénomène de désirabilité sociale. » Et puis, difficile de se projeter dans une situation fictive.

  • La réalité. Ces tests sont mal utilisés. « Les salariés n’ont pas toujours de feedback, les interprétations sont approximatives. En revanche je crois en la réalité virtuelle. Les solutions sont bluffantes, concrètes. » Les tests de personnalités ? « Oui, mais plutôt en fin de process, pour départager deux candidats par exemple. Ils sont un précieux outil d’aide à la décision. De mon côté, je mise sur les cas d’usage. » Capacité d’analyse, de synthèse, recherche d’informations… Ils fournissent de bons indicateurs.

6. Un CV créatif augmente les chances d’être recruté

  • Le mythe décrypté. Un mythe qui persiste. Or, il n’y a pas de règle. « Tout est lié à un contexte, un poste, une culture d’entreprise, un recruteur. Sur 10 DRH qui reçoivent un CV, 5 le trouveront génial, 5 n’aimeront pas les couleurs, la forme… » Suivant les métiers, un CV fun peut même faire peur. « Un CV d’analyste financier créatif aura tendance à moins rassurer qu’un CV créatif dans la communication, par exemple. »

  • La réalité. Selon Lobna, « un CV aujourd’hui, même s’il reste incontournable, ne signifie pas grand-chose. Dans un contexte de pénurie des talents, ne fermons pas des portes à partir de ce critère. Un candidat au CV original s’est donné la peine de faire un effort pour sortir du lot. Donnons-lui sa chance ».

7. Pas question de reprendre un collaborateur qui est parti

  • Le mythe décrypté. Comme dans une relation amoureuse, un départ peut s’apparenter à une trahison. « Or, les salariés boomerang sont une ressource inestimable pour le collectif. On se connaît et on sait à quoi s’attendre. Côté engagement et rétention des talents, ils vont s’inscrire dans la durée. » Ils ont appris autre chose, reviennent avec des compétences, une vision, des best practices neuves, et un réseau plus large. « Ma porte leur est grande ouverte, à condition qu’ils soient partis proprement. »

  • La réalité. « On ne peut pas se plaindre d’avoir du mal à recruter, et fermer la porte à des talents qui sont partis puis revenus », insiste Lobna. De l’importance de soigner l’offboarding et le post offboarding. « En réunissant une fois par an ses alumnis par exemple. Un vivier de candidats qui ont pu s’épanouir et développer de nouvelles compétences. » Et surtout, d’excellents ambassadeurs auprès de leur réseau, avec à la clé un vrai retour sur l’investissement pour l’entreprise.

8. Un trou dans le CV est toujours mal vu

  • Le mythe décrypté. On renvoie à nouveau les candidats à des croyances infondées. « Il n’a pas travaillé et a profité de son chômage » ou « Il a eu un problème dont il ne veut pas parler et qui va ressurgir ». Or, aujourd’hui, la frontière entre pro et perso est poreuse. On analyse différemment ces trous dans le parcours.

  • La réalité. « On accepte que les papas et mamans prennent un congé parental, que les gens puissent faire un break, un tour du monde pendant un an. Ce n’est plus un sujet mais une opportunité d’échanger. » À condition que le candidat puisse expliquer ce qu’il a fait et les bénéfices de sa démarche. « On ose poser la question, c’est plus sain. »

9. Le candidat parfait existe

  • Le mythe décrypté. Tout dépend du contexte. « Un candidat parfait pour ma boîte ne le sera peut-être pas ailleurs. Aura-t-il envie de travailler pour moi ? Il aura sans doute des attentes fortes : l’entreprise sera-t-elle à la hauteur ? Va-t-il fitter avec la culture, nos process, notre vision, nos valeurs, le manager ? » La perfection est une notion abstraite. On parlera plutôt de candidat idéal.

  • La réalité. En réalité, « les recruteurs devraient faire le deuil du candidat idéal, et aller vers le candidat qui matche le mieux. Mais attention, on parle d’humain. Il est fondamental de ne pas transiger sur les soft skills, la curiosité dans une entreprise apprenante, etc. ». Et de penser les individus en termes de potentiel. « Je crois en des candidats qui ont envie de progresser, même s’ils n’ont pas encore les hard skills », ajoute Lobna.

10. Plus d’expérience, c’est toujours mieux

  • Le mythe décrypté. Prudence. Le mieux est l’ennemi du bien. « Un talent sur-dimensionné pour le poste fera bien le travail, mais il risque de s’ennuyer et devra vite être remplacé. Mieux vaut éviter de générer de la frustration, de la rancœur et de la sous-performance. » Un mauvais cocktail. « D’un point de vue “Junior vs Senior”, mieux vaut opter pour un profil junior pour des postes d’exécution. Pour les postes exigeant davantage de réflexion, mieux vaut privilégier au contraire un candidat avec plus d’expérience. »

  • La réalité. Le vrai sujet : qui va s’épanouir le plus ? « Il est clé de rapporter le recrutement à la data, à la compétence, aux missions, aux livrables attendus tout en répondant aux drivers du salarié ». C’est l’alignement entre les besoins de l’entreprise et ceux de l’individu qui fera la différence.


Article écrit par Laure Ott Libera, édité par Ariane Picoche ; photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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