Que mettre dans son CV ? Les informations qui intéressent vraiment les recruteurs
25 janv. 2022
6min
Journaliste indépendante
Vous êtes-vous déjà demandé, alors que vous êtes en train de faire votre CV, combien de temps celui-ci allait-il véritablement être examiné par la personne à qui vous l’enverrez ? Selon une étude menée par Tilkee en 2019, une start-up spécialisée dans le “tracking” des documents, les recruteurs ne passeraient que 34 secondes en moyenne à survoler un CV. Plutôt déprimant quand on a passé des heures à l’élaborer ! Mais est-ce vraiment le cas à chaque fois ? Cela dépend-il du poste recherché ? Que mettre dans son CV ? Et quelles informations sont checkées en priorité ? Pour nous faire une idée, nous avons demandé à plusieurs recruteurs de nous livrer leurs petits secrets.
Un premier coup d’œil (très) rapide
Globalement, ne vous faites pas d’illusions, aucun recruteur ou chargé de recrutement ne passera une demi-heure à parcourir votre CV. « Le temps que je passe à examiner un CV ou un profil LinkedIn dépend du poste pour lequel je recrute, précise Camille, Talent Acquisition Manager dans une start-up à Londres. Mais la première vérification me prend en moyenne 10 secondes. » Même son de cloche chez Delphine, chargée de recrutement en cabinet de conseil RH. « En quelques coups d’œil, on sait si cela vaut le coup de s’attarder ou non sur un profil. Je dirai que j’y passe rarement plus de 45 secondes. » Si ces durées peuvent paraître très courtes, c’est avant tout parce que Delphine, comme Camille, s’intéresse directement aux informations clés. « Il y a deux choses que je regarde en priorité : le nombre d’années d’expérience, et les entreprises dans lesquelles le candidat a travaillé. Nous faisons du e-commerce, donc si je me retrouve avec un candidat qui n’a que des expériences dans des secteurs très éloignés, ça ne va pas coller », explique Camille.
Selon les entreprises, certains recruteurs vont également repérer différents mots-clés, qui vont leur permettre de savoir rapidement si le candidat peut faire l’affaire : le titre de poste, mais aussi des noms de logiciels ou d’outils sur lesquels le salarié a pu travailler. « Quand je regarde un CV je filtre selon des mots-clés qui correspondent à ce que je recherche, en l’occurrence dans mon secteur j’ai souvent besoin de personnes qui ont fait de la gestion de projet, donc je vais rechercher des mots comme « pilotage », « cadrage », « audit »…. » explique Delphine.
Des critères différents selon le type de profil
Nécessairement, quand le profil est plus senior, l’examen du CV prend un peu plus de temps. « Les profils juniors vont être examinés plus vite, car il y a moins d’expériences sur le CV, alors que pour un profil plus senior on va aller un peu plus dans le détail, ce sont des gens qui ont eu le temps d’accumuler plusieurs postes et on va observer comment s’est construite leur progression de carrière », expose Delphine. Ainsi, face à des candidatures plus matures, les recruteurs s’intéressent de plus près au contenu des différents postes par lesquels est passé le candidat. « Quand je recrute pour un poste de manager senior par exemple, j’y passe plus de temps, car je regarde plus précisément ce que le candidat a fait : quel type d’équipe il a managé, combien de personnes… », détaille Delphine.
Est-ce à dire que les profils juniors sont regardés moins attentivement ? Que nenni, les critères sont justes différents. « Dans des entreprises comme la mienne, qui sont encore assez jeunes et sont en pleine expansion, nous recrutons beaucoup de juniors. Du coup, comme ils ont forcément moins d’expérience, je prête beaucoup d’attention aux « soft skills » sur leur CV. C’est vraiment important, car même si la personne manque de compétences techniques, si elle est très motivée, autonome et apprend vite par exemple, cela peut en faire une super recrue pour l’équipe ! » affirme Camille. Les soft skills, ce sont ces petites lignes que vous rajoutez parfois à votre CV, et qui dressent la liste de vos compétences humaines et sociales : « autonome », « passionné », « persévérant » « aime travailler en équipe » ….
Si celles-ci ne sont pas indispensables, et sont loin d’être ce qu’un recruteur va regarder en premier, dans le cas d’un profil plus junior, elles peuvent faire la différence. « Les soft skills se vérifient surtout dans un second temps, explique Delphine. Comme elles ne sont pas mesurables, ce n’est pas la première chose que l’on examine, on va d’abord s’intéresser au savoir-faire technique et aux expériences passées du candidat, mais c’est toujours intéressant de les mettre. »
Car les quelques secondes passées sur un CV ne constituent que le premier « tri » : si votre candidature est retenue, un « pré-entretien » vous sera sûrement accordé, pendant lequel les recruteurs prendront mieux le temps de vous connaître… et de vérifier ces fameuses soft skills. « Les softs skills, à vrai dire, je les vérifie surtout par téléphone, reconnaît Camille. Quand un profil m’intéresse, je le mets de côté, et passe un coup de fil au candidat d’une vingtaine de minutes pour qu’il me parle de lui, de ses expériences… C’est là que j’en profite pour lui poser des questions comme « si vous vous retrouvez seuls face à un projet, que faites-vous ? » « Comment gérez-vous le stress ? » ce genre de choses… »
Stalking or not stalking ?
Souvent, se pose la question pour le candidat de la vérification de ses expériences passées. Et force est de constater que cela est très dépendant de la culture d’entreprise. Chez Camille, à Londres, la vérification des références se fait systématiquement, mais une fois le candidat retenu. « Les candidats vont d’abord passer tout le process de recrutement, et si on leur fait une offre, là je vérifie leurs références. Concrètement, je leur demande de me donner les coordonnées de leur employeur le plus récent, ou celui juste avant, s’ils ne souhaitent pas que leur entreprise actuelle sache qu’ils s’en vont. Cela permet de s’assurer que la personne a bien travaillé dans ce secteur et à ce poste, et souvent j’en profite pour demander comment le candidat s’en est sorti niveau travail, et comment on peut le manager au mieux dans son nouveau poste. C’est très fréquent au Royaume-Uni d’appeler les anciennes boîtes. »
Delphine, en France, ne le fait que quand elle a un doute sur la véracité des dires des candidats. « On contacte les anciennes boîtes quand une expérience nous semble un peu floue, que l’on a du mal à bien comprendre la mission réalisée par un candidat, ou que quelque chose nous semble un peu louche…mais c’est plutôt rare. »
Quant à vérifier la situation familiale, cela est tout simplement illégal. « Nous n’avons pas le droit de poser des questions aux candidats concernant leur vie personnelle, mais, de fait, avec le télétravail, les gens sont souvent amenés à nous en parler, car nous allons leur demander s’ils sont à l’aise avec le fait de travailler à distance, ou si a contrario ils peuvent se rendre au bureau… du coup, naturellement, certains nous disent d’emblée qu’ils ont des enfants à charge, qu’ils vivent loin… » explique Camille.
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Recrutement sur profil ou sur mission
Si la France a souvent la réputation d’accorder beaucoup d’attention aux diplômes, cela n’est pas vrai dans tous les milieux. « Il y a très peu de formations en RH, donc très honnêtement je ne regarde pas vraiment les diplômes, avoue Delphine. C’est intéressant car cela peut donner des indications sur le type de profil, mais c’est tout. » Pour Auriane, ex chargée de recrutement en cabinet, au contraire, les diplômes prenaient une place démesurée dans l’examen des candidatures. En cause ? Les différentes façons de recruter.
En cabinet de recrutement, certains recruteurs vont en effet rechercher des « profils », c’est-à-dire des candidats dont le CV peut s’adapter à différents types de missions, et séduire diverses entreprises. D’autres, en revanche, vont recruter « sur mission », c’est-à-dire qu’ils sont mandatés pour trouver un profil adapté à une mission particulière. Auriane, qui a exercé les deux méthodes, y voit une différence dans la façon d’examiner les CV. « Quand je recrutais sur missions, j’avais un profil très précis en tête, avec des besoins spécifiques en termes d’outils, de maîtrise de certains logiciels… Donc le diplôme importait peu par rapport aux compétences techniques. Mais, sur profils, c’est un peu différent car on cherche des candidats qui vont pouvoir s’adapter à différentes missions, et qui vont pouvoir attirer différentes entreprises. Et je trouve que, dans ces cas-là, les diplômes prenaient une place démesurée ! Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai envoyé un candidat chez tel client parce qu’il aimait l’idée qu’il ait fait Polytechnique, et une fois sur place le candidat s’est avéré totalement inadapté… »
Autre nuance entre le fait de recruter sur mission ou sur profils, les objectifs fixés aux recruteurs… et donc le temps passé sur les CV. « Chez nous, nous avons un objectif d’une centaine de recrutements à l’année pour l’ensemble de l’équipe, que nous atteignons collectivement, nous n’avons pas d’objectifs au mois, raconte Delphine. À mes yeux, si l’on veut que le recrutement soit qualitatif et non quantitatif, on ne peut pas imposer de chiffres drastiques aux recruteurs. » C’est pourtant ce que déplorent certains recruteurs dans les gros cabinets de recrutement, à l’image d’Auriane. « De mon côté, j’avais un objectif de dix entretiens par semaine, et je sais que d’autres en avaient bien plus. Tous les mois, nous devions remplir un tableau avec le nombre d’entretiens d’embauche que nous avions fait passer. Avec le recul, je trouve ça contre-productif, car nous avions une pression énorme. Et nécessairement, dans ces conditions, nous faisions parfois passer des entretiens à des candidats qui n’étaient pas vraiment adaptés aux missions, juste parce qu’il fallait atteindre les chiffres et que nous n’avions pas assez de temps pour chercher le profil qui soit véritablement adapté. »
Finalement, si le temps moyen passé sur un CV ou un profil LinkedIn par les recruteurs peut sembler très court, celui-ci est grandement dépendant du poste recherché, et ne constitue qu’un premier coup d’œil avant un éventuel entretien plus poussé. Côté candidats, mieux vaut alors privilégier les mots-clés liés au poste recherché et au secteur, afin de mettre toutes les chances de son côté. Enfin, gardez en tête que mentionner quelques soft skills adaptées n’est jamais inutile !
Édité par Manuel Avenel, photographie par Thomas Decamps
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