Le télétravail entre potes, à refaire ou pas ? Bilan du premier confinement
02 nov. 2020
7min
Journaliste indépendante
Vous êtes partis en vacances avec eux, vous avez fait les 400 coups ensemble au lycée ou pendant vos études, vous avez été à leurs côtés dans les meilleurs moments comme dans les pires… Bref, vos potes, vous les avez déjà pratiqués dans toutes les circonstances possibles. Mais avez-vous déjà travaillé avec eux ? Si certains sont rentrés chez leurs parents pour le premier confinement, d’autres avaient décidé de se confiner avec leur deuxième famille pour télétravailler, c’est-à-dire… leurs potes ! Alors que vos collègues puissent devenir vos amis, jusque-là rien d’anormal, mais comment cela se passe-t-il quand votre meilleur ami devient soudainement votre co-worker ? Témoignages sur ce que peut donner le travail confiné entre potes, entre fous rires, ambiance auberge espagnole, et petites tensions. Cela vous donnera peut-être un aperçu de ce que vous vous apprêtez à vivre si vous avez décidés de passer ce reconfinement entre amis… ou de ce que vous manquez !
Confinés entre colocs : Anaïs, 30 ans, confinée avec Quentin 27 ans, et Louis, 26 ans
Pour ceux qui vivaient en coloc, le premier confinement a parfois été une véritable épreuve de force. Mais quand les colocs s’avèrent être de super potes, ces huit semaines avaient permis de se rapprocher encore plus, et de partager coups de gueule et petites joies à travers le prisme de la vie professionnelle. Retour d’expériences confinées avec Anaïs, qui avait partagé ces huit semaines avec son coloc Quentin, et leur guest spécial confinement, Louis.
« Ça fait un peu plus d’un an que je vis en coloc avec Quentin, avec qui j’étais amie avant, et ça se passe super bien. En mars, à l’annonce du confinement, on s’est retrouvés tous les deux au chômage partiel, et le meilleur ami de Quentin, Louis, qui vivait seul, est venu se confiner avec nous. On a un grand appart, donc la cohabitation s’est bien passée. Moi, je travaillais de ma chambre et les garçons du salon. On travaillait tous à temps partiel le matin, et au déjeuner ou le soir on débriefait sur nos tâches respectives, sur la façon dont nos boîtes géraient le télétravail, on partageait nos ressentis sur nos façons de travailler… C’était intéressant de pouvoir comparer nos méthodes d’organisation pendant le confinement dans nos boîtes respectives.
C’était la première fois pour tous les trois qu’on était en télétravail, donc ça aurait pu déraper, mais non. On a fait attention à ne pas se déranger, on respectait le travail des autres, on se prévenait quand on avait des conf-call… J’avais une petite appréhension quant à ma productivité en télétravail, mais tout s’est avéré facile et fluide, il n’y a eu aucun conflit à signaler.
C’était marrant de voir mes colocs sous un jour professionnel, de les voir changer de voix pour passer leurs appels, etc. En bossant ensemble on a aussi assisté aux coups de gueule des uns et des autres, sur les conditions de chômage partiel notamment, et je me suis rendue compte qu’ils avaient des métiers que je ne pourrais vraiment pas faire, essentiellement centrés sur le profit, avec toutes les exigences que cela comporte. Travailler ensemble permet de voir ses potes dans une autre situation, ça aide aussi à les voir sous une autre perspective, de mieux comprendre d’où peuvent venir certaines tensions liées à leur boulot aussi. »
Confinés entre couples : Florian, 31 ans, confiné avec sa femme Gaëlle, son meilleur ami Florent, sa compagne, et son petit garçon
Se confiner huit semaines avec son +1 : pas simple. Se confiner huit semaines avec son +1 et un autre couple : dangereux. Mais alors se confiner avec son +1, un autre couple, et leur enfant, est-ce suicidaire ? Détrompez- vous ! Florent et Florian, meilleurs potes, n’ont regretté en rien cette décision. Retour sur un confinement qui a pris des airs de vacances à la campagne, entre piscine, balades champêtres, et boulot au calme (quand même).
« On revenait de notre voyage de noces avec ma femme, quand le premier confinement a été annoncé. Son père est originaire d’un village à côté de Nîmes, où elle a une maison de famille, donc on a tout de suite pensé aller se confiner là-bas, mais on avait peur d’être un peu isolés en ne bougeant que tous les deux. Du coup on a pensé à proposer à Florent, mon meilleur pote, qui était aussi mon témoin de mariage, de nous rejoindre. Surtout que sa copine a un enfant de 4 ans, donc on se doutait que ça serait difficile pour eux de rester dans un deux pièces à Paris. On se connaissait tous très bien et la maison était assez grande, donc on savait qu’on pouvait s’isoler en cas de besoin. Ils ont tout de suite été partants, et trois jours après on prenait la route !
Au début ce n’était pas facile de se mettre dans le rythme, parce qu’on aime aller au bureau, voir les collègues, on n’est pas de gros télétravailleurs tous les deux. Les filles étaient toutes les deux au chômage partiel total, et nous on télétravaillait. On était sur le même rythme de journée de boulot donc c’était cool, on se levait vers 8 heures, et à 9 heures on était en train de bosser, chacun dans une pièce parce qu’on avait beaucoup de calls et de visios. On se laissait pas mal d’espace en fait. Les midis, on déjeunait tous ensemble, on discutait.
Honnêtement, c’était super de vivre à quatre, surtout qu’on était dans un cadre très sympa , les week-ends on pouvait se faire des balades dans la campagne, profiter de la piscine. À terme, évidemment, il y a toujours des petites habitudes qui finissent par énerver, mais rien d’important, tout le confinement s’est super bien passé. On s’est même fait un petit album photo du confinement en souvenir ! »
Pour Florent, même son de cloche (heureusement !) Là où gérer un enfant aurait pu compliquer les choses, ce dernier y a, au contraire, vu une façon d’amener de la gaieté en plus à une situation qui aurait pu s’avérer parfois un peu oppressante. Et, comme Florian, si c’était à refaire, il repartirait sans hésitation.
« Avec Florian on est potes depuis une dizaine d’années. Quand avec sa femme ils nous ont proposé de partir ensemble dans le Sud on n’a pas hésité une seconde, je savais qu’ils avaient de bons caractères tous les deux, on était déjà partis ensemble en Australie, donc on ne s’est pas posé de questions.
Comme on était en télétravail tous les deux et les filles au chômage partiel, ça créait un bon équilibre, personne ne restait sur le carreau. Moi je venais de commencer un nouveau boulot donc j’étais un peu stressé, je savais que j’avais besoin de faire mes preuves, mais on a pu s’installer des bureaux chacun dans une pièce, et pour les visios on s’organisait pour aller dans une chambre à tour de rôle. Les midis on pouvait échanger sur nos boites, voir comment ça se passait de chaque côté, mais au final on ne parlait pas tant de boulot que ça.
On a eu des galères de Wi-fi, d’Internet mais ce sont les seuls points noirs… Même si à la fin, le fait de ne pas avoir de collègues nous pesait un peu. Enfin, on a quand même eu un coup de blues une semaine avant de rentrer ! Le fait qu’il y ait eu le fils de ma copine avec nous, ça a mis de la vie aussi : il était très joyeux, donc dans les moments d’annonces gouvernementales, ou d’incertitudes par rapport au confinement, il rendait l’atmosphère plus légère.
Même si on a beaucoup bossé, pour moi on a plutôt passé deux mois de vacances que deux mois de confinement, et si c’était à refaire je le referai sans hésiter ! D’ailleurs je suis en télétravail chez un autre pote dans le Nord là, je trouve que c’est l’occasion de passer plus de temps avec ses amis, même si on bosse, plutôt que d’être juste de passage un week-end… »
Confiné avec son meilleur pote : Mathieu, 26 ans confiné avec Jean
En colocs ou en couples, le confinement entre potes a cela de rafraîchissant qu’il permet de ne jamais se sentir seul, et de partager sa vie pro avec différents profils. Mais être confinés uniquement à deux, n’est-ce pas plus risqué ? Pas nécessairement selon Mathieu, autrefois confiné avec son meilleur ami Jean pendant deux semaines, et qui a arrêté l’expérience non pas faute de bonne entente, mais faute de productivité.
« Quand le confinement a été annoncé en mars, on s’est dit avec mon meilleur ami que c’était un peu bête d’être chacun de son côté, et on a décidé de se confiner ensemble. Je ne l’aurais pas forcément fait avec d’autres, mais on était déjà partis en vacances ensemble, je le connais depuis plus de dix ans, donc je savais que ça se passerait bien.
Lui est expert-comptable et moi je suis dans l’IA, on s’était toujours parlé de nos tafs respectifs, mais sans savoir ce que chacun faisait vraiment, c’était assez marrant de voir comment l’autre gérait en temps réel. Les premiers jours n’ont pas été super productifs, au début on a eu un peu du mal à trouver notre rythme. On était dans la même pièce, lui avait un bureau et moi j’étais sur la table basse, et on échangeait de place de temps en temps. Heureusement, on avait des casques car on avait pas mal de conf-calls chacun ! On était à peu près sur les mêmes horaires de travail, donc on s’arrangeait pour avoir nos temps libres en même temps.
C’était marrant de voir comment ses collègues le percevaient, moi j’avais l’image du mec plutôt rigolo, sans filtre, ça fait plus de dix ans que je le connais, mais ses collègues le considéraient vraiment comme un mec complètement barré ! Entendre ses collègues parler de lui comme ça, c’était assez marrant.
Mais au bout de deux semaines, on a finalement arrêté la cohabitation parce qu’on n’était vraiment pas assez productifs, on jouait aux jeux vidéo les midis, et la pause déj devenait de plus en plus en longue… En fait, on développait plus la vie en coloc que la vie pro !
J’ai retrouvé un vrai pic de productivité quand je suis rentré chez moi. Et même si niveau taf la période ensemble n’a pas été la plus productive, ça m’a permis de me rendre compte que j’étais en fait tout à fait capable de bosser à distance, seul de chez moi… et que faute d’être des collègues efficaces, on aurait été de très bons colocataires ! »
Confinés entre copains, Anais, Quentin, Louis, Florent, Florian et Mathieu en ont tous retirés un bilan très positif, leur permettant de vivre un confinement moins solitaire, et (pour la plupart), tout aussi productif. Tous soulignent néanmoins l’importance de bien se connaître avant de s’enfermer ensemble pour travailler, et ajoutent qu’ils n’auraient pas fait cette expérience avec n’importe lesquels de leurs amis. Si vous décidez de vous reconfiner entre amis, vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous a pas prévenus !
Photo d’illustration by WTTJ
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