Timide ou introverti : comment s’intégrer en entreprise ?

02 juil. 2019

5min

Timide ou introverti : comment s’intégrer en entreprise ?
auteur.e
Elsa Andron

Psychologue du travail et psychologue clinicienne

Ça y est, c’est fait, vous avez réussi toutes les étapes pour arriver au jour J : votre premier jour de travail à votre nouveau poste. Vous redoutez d’avoir la place la plus exposée de l’open-space ou encore la conversation que vous devrez engager à la machine à café ? En effet, chez les introvertis et les timides, le milieu de l’entreprise peut se révéler particulièrement anxiogène et l’intégration dans un nouveau travail représenter une véritable épreuve.

Notre modèle social met souvent en avant l’extraversion, perçue comme une sorte de sésame de la réussite professionnelle et sociale, conditionnant par là même, d’après Susan Cain, auteure de La Force des discrets, nos espaces de vie – écoles, entreprises –, qui sont conçus uniquement pour les besoins des extravertis. Cet état de fait est surprenant quand on pense qu’une personne sur trois, voire sur deux serait introvertie. Les introvertis et les timides ont de belles qualités qui peuvent faire la différence dans le milieu professionnel. C’est votre cas ? Faisons le point ensemble sur celles-ci et comment faciliter votre intégration dans une nouvelle équipe de travail.

Timide ou introverti ?

Car oui, les deux termes sont bien souvent confondus et mal définis.

Les concepts d’introversion et d’extraversion, qui ont été décrits par Carl Gustav Jung en 1921, réfèrent à la façon dont les individus répondent aux stimulations, notamment aux stimulations sociales. Et c’est deux traits de personnalité s’opposent : être introverti c’est avoir besoin de solitude pour pouvoir se ressourcer, là où être extraverti, c’est, au contraire, avoir besoin de l’autre pour recharger ses batteries.

Pour l’introverti, les échanges sociaux peuvent parfois paraître coûteux ; il préférera alors se tourner vers son monde intérieur pour avoir le temps de penser et de formuler ses idées. Il est plus calme, discret, moins dans la verbalisation et dans le partage émotionnel que ses pairs extravertis, et il a besoin de temps dans les échanges pour formuler ses idées. Cependant, contrairement aux idées reçues, l’introverti n’a pas forcément de difficultés dans ses rapports sociaux, qui seront en revanche plus compliqués pour le timide.

La timidité est quant à elle un trait de personnalité lié à l’anxiété sociale, qui se caractérise par la peur d’être jugé négativement en société. Le timide a donc peur du jugement de l’autre et va ainsi choisir de se retirer de l’interaction sociale en réponse à cette peur, et non par besoin de prendre du temps pour se tourner vers son monde intérieur. Ainsi, les introvertis comme les extravertis peuvent ressentir de la timidité, mais cette dernière n’est pas une composante de l’introversion.

Comment s’intégrer dans une équipe lorsque l’on est timide, introverti ou les deux ?

Les introvertis et les timides n’ont spontanément pas une bonne image au sein de nos sociétés prônant l’autopromotion, le dynamisme débordant et la capacité au storytelling. Pourtant, leur personnalité leur confère des qualités indéniables qui peuvent devenir de véritables atouts dans le monde du travail. Petit tour d’horizon des avantages et inconvénients à être timide ou introverti en entreprise.

Inconvénients

  • Manque de spontanéité : l’introverti comme le timide peut faire preuve d’un manque de spontanéité au sein d’une équipe. Un phénomène qui trouve des origines distinctes pour ces deux traits de personnalité. Le manque de spontanéité du timide reflète sa peur d’être jugé de ses pairs s’il exprime son opinion. L’introverti, en revanche, ressent le besoin de prendre le temps de réfléchir longuement avant de formuler une idée ou une opinion qu’il se sentira à l’aise ensuite de partager avec d’autres.

  • Retrait par rapport au groupe : les deux traits de personnalité partagent cette caractéristique. Les uns comme les autres se placent volontairement plus en marge des groupes et sont perçus parfois comme en retrait, voire effacés.

  • Difficulté à prendre des responsabilités : cette caractéristique correspond ici davantage aux timides qu’aux introvertis. Pour ces derniers, les responsabilités peuvent être un facteur supplémentaire d’anxiété sociale (car les responsabilités rendent plus visible) et sont en général évitées par les grands timides.

Avantages

  • Capacité d’écoute : les timides comme les introvertis, de par leur poste d’observation, sont en général de meilleures “oreilles” que leurs pairs extravertis. Attention cependant aux généralités, certains introvertis ne présentent pas cette qualité d’écoute.

  • Évaluation du risque : en raison de leur propension à favoriser la réflexion à l’action, les introvertis ont tendance à prendre moins de risques et à faire preuve de plus de prudence dans leurs décisions.

Ne s’expriment que lorsque leur réflexion est aboutie : l’introverti comme le timide parlent peu, mais leur réflexion plus élaborée est souvent plus pertinente.

Conseils pratiques : « Je suis introverti/timide mais je me soigne ! »

Il nous semble important de rappeler que les deux traits de personnalité présentés ici ne sont pas pathologiques. Les conseils suivants doivent être considérés comme des pistes à explorer qui vous aideront à assouplir votre fonctionnement et à prendre vos marques au sein de votre nouvelle équipe.

Prenez le temps d’analyser les types de personnalités des membres de l’équipe

Lors de votre arrivée au sein d’une nouvelle équipe, vos qualités d’observateur sont un atout pour comprendre la dynamique du groupe dans lequel vous devez prendre place. Cette phase d’analyse vous permettra de cerner les différents enjeux relationnels mais aussi de repérer le ou les collaborateurs ayant un fonctionnement similaire au vôtre et qui pourraient se révéler d’excellents alliés.

Mettez en place des rituels conviviaux

La place des rituels est importante au sein de n’importe quel groupe social. Que vous soyez introverti ou timide, cela peut parfois vous paraître coûteux mais votre participation, même discrète, est importante pour que vous arriviez à trouver votre place. Ainsi, si en arrivant vous constatez qu’aucun rituel n’est mis en place (chacun mange dans son coin, aucun d’afterwork n’est organisé…), il ne faut pas hésiter à être force de proposition. Pourquoi ne pas proposer que la réunion d’équipe du vendredi matin soit accompagnée de quelques viennoiseries ou proposer un déjeuner à vos collègues ? Cela vous paraît trop difficile ? La première étape peut être de suggérer un déjeuner au collègue dont vous vous sentez le plus proche.

Explicitez votre fonctionnement

Comme nous l’avons vu, l’introversion comme la timidité peuvent être mal perçues et engendrer des a priori négatifs. En effet, elles sont parfois assimilées à un comportement antisocial ou à de l’antipathie. Il peut être pertinent d’expliquer avec sympathie votre mode de fonctionnement de la façon suivante : « J’ai besoin de temps pour penser à ce qu’on s’est dit, mais je reviens vers toi après le déjeuner pour faire un point. »

Ménagez-vous des pauses

Intégrer une nouvelle structure se révèle souvent challengeant, surtout pour les timides ou les introvertis. Il est donc important de se ménager des pauses qui permettent de recharger les batteries et de se tourner vers soi. On peut par exemple prendre dix à vingt minutes au cours de la pause déjeuner pour aller marcher ou lire un livre dans le parc d’à côté.

Préférez le face-à-face

Vous êtes plus à l’aise lors d’interactions en tête-à-tête qui vous permettent des échanges souvent plus profonds ? Proposez des entretiens individuels lorsque cela est possible afin de pouvoir exprimer votre pensée sereinement.

Faites-vous aider si cela est trop handicapant

Si vous êtes fortement gêné par une timidité qui perturbe votre vie quotidienne ou une introversion qui interroge votre environnement, n’hésitez pas à consulter un thérapeute qui vous donnera des clés de compréhension et des axes de travail pour assouplir votre fonctionnement.

La prise d’un nouveau poste aussi excitante soit-elle apporte toujours son lot d’angoisse. Pour les introvertis et les timides, s’adapter à une nouvelle équipe et s’y intégrer peut se révéler compliqué mais, comme nous l’avons vu, des pistes de progression existent et aident à relever brillamment le défi ! Susan Cain, elle-même introvertie, propose trois pistes d’action pour changer notre regard sur l’introversion :
« Numéro un : arrêtez la folie du travail constant en groupe. […] Il nous faut beaucoup plus d’autonomie et de liberté au travail. […] Numéro deux : allez dans le désert, soyez comme Bouddha, ayez vos propres révélations. […] Numéro trois : examinez bien ce qu’il y a à l’intérieur de votre propre valise et pourquoi vous l’y avez mis. »
En d’autres termes, ne vous excusez pas d’être vous-même : chaque individu a quelque chose à apporter et c’est le travail collectif, alimenté par les forces et les faiblesses de chacun, qui font les belles équipes.

À voir :
Susan Cain, « Le Pouvoir des introvertis » (mars 2012)

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Photo by WTTJ