Comment trouver un travail adapté quand on est en situation de handicap ?
13 juin 2024
8min
_Un taux de chômage près de deux fois supérieur à la moyenne et un taux d’activité quasiment deux fois plus faibles que le reste de la population… Les chiffres de l’INSEE sont édifiants : trouver un emploi adapté lorsqu’on est en situation de handicap est un défi. Heureusement, il existe un arsenal de ressources pour ouvrir les portes du marché du travail.
« Le sujet de l’emploi et du handicap n’est plus tabou, confirme Patricia de Kermoysan, fondatrice de l’agence de recrutement spécialisé pour les travailleurs en situation de handicap, DefiRH. Bien sûr, on peut faire plus. Mais les lois poussent pour l’embauche de travailleurs handicapés. Certaines entreprises mettent en place de gros aménagements pour les accueillir. Et les évolutions technologiques facilitent le travail des TH. » Alors, comment trouver un emploi adapté, aujourd’hui, si vous êtes en situation de handicap ? Voici un guide complet pour bien vous orienter.
Pourquoi le taux de chômage est-il supérieur chez les personnes en situation de handicap ?
Quelques détails statistiques d’abord… La France compte 2,9 millions de personnes reconnues handicapées (sur 41 millions de Français âgés entre 15 et 64 ans). Parmi elles, 44% sont en activité (contre 74% pour l’ensemble de la population) et 12% sont au chômage (contre 7% pour l’ensemble de la France). « Pour comprendre cette situation de sur chômage, il faut d’abord se rendre compte que la grande majorité des handicaps arrivent au cours de la vie et impliquent donc des reconversions », justifie Patricia de Kermoysan. Voici un cas typique : vous travailliez dans la logistique, vous portiez des charges lourdes et vous ne pouvez plus le faire à cause d’un problème de dos ou d’un accident. Vous devez donc envisager une reconversion, donc un nouveau travail, donc une nouvelle formation. « Quand on doit changer de métier, forcément, c’est plus long et plus compliqué de se réintégrer », confirme Patricia de Kermoysan. D’autant qu’en France, la moitié des travailleurs handicapés ont entre 50 et 64 ans (contre moins d’un tiers pour l’ensemble des actifs occupés). Ils occupent souvent des postes d’employés ou d’ouvriers et ils sont moins diplômés. Âge et manque de qualification, une combinaison qui ne facilite pas la transition vers une nouvelle carrière. Heureusement des solutions existent pour faciliter l’inclusion.
Législation et droits des travailleurs handicapés
Qu’est-ce que la RQTH ?
Vous êtes handicapé et vous voulez trouver un travail adapté ? La première étape est de comprendre vos droits et les dispositifs existants. Parmi ceux-ci, la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) joue un rôle central. Cette reconnaissance officielle de votre handicap est délivrée par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH). Elle vise justement à vous aider à trouver et à conserver un emploi adapté à votre situation.
Pourquoi la RQTH est-elle importante ?
Au delà de la reconnaissance du handicap, la RQTH permet :
Un accès prioritaire aux dispositifs d’accompagnement : avec la RQTH, vous bénéficiez de services spécialisés comme ceux proposés par Cap Emploi (réseau national de 98 organismes). Ces structures offrent un accompagnement personnalisé pour faciliter votre recherche d’emploi.
Des aménagements de poste : la RQTH vous permet de bénéficier d’adaptations spécifiques de votre poste de travail, telles que des équipements ergonomiques, des outils spécialisés ou des horaires flexibles. Ces ajustements sont souvent soutenus par des subventions pour l’employeur. Elles rendent donc votre embauche plus attractive et facilitent votre intégration.
Des aides financières pour les employeurs : les entreprises qui recrutent des personnes reconnues RQTH peuvent aussi recevoir des incitations financières visant à encourager l’embauche et le maintien en emploi des travailleurs handicapés. Là aussi, votre candidature peut donc devenir plus attrayante.
Des accès à des formations adaptées : la RQTH vous permet d’accéder à des formations spécifiques pour développer vos compétences via votre Compte Personnel de Formation (CPF).
Comment obtenir la RQTH ?
Obtenir la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), ce n’est pas le parcours du combattant, mais c’est quand même loin d’être simple. « Et c’est surtout très long, ajoute Patricia de Kermoysan. Il y a beaucoup de demandes. Heureusement, ces 10 dernières années, les processus ont été simplifiés. Les durées restent néanmoins très variables selon les handicaps et les régions dans lesquelles vous faites votre demande. »
Voici les étapes à suivre pour constituer et déposer un dossier :
- Constitution du dossier : vous remplissez un formulaire de demande et fournissez un certificat médical récent ainsi que d’autres documents pertinents décrivant votre situation.
- Dépôt du dossier : vous déposez votre dossier auprès de la Maison - Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de votre département.
- Évaluation : une fois votre dossier déposé, il est examiné par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH).
- Décision et notification : si votre demande est acceptée, vous recevez une notification de reconnaissance RQTH. La durée de validité de la RQTH varie généralement de 1 à 5 ans, mais peut être attribuée sans limitation de durée si votre situation de handicap n’est pas susceptible d’évoluer.
À la recherche d'un job dans lequel vous développer ?
Chercher un emploi : ressources et stratégies
Si obtenir une reconnaissance officielle de votre statut de travailleur handicapé est une étape importante, elle ne vous garantit néanmoins pas un travail pour autant. Comme tous candidats en recherche d’un emploi, il faut ensuite faire preuve de proactivité et s’informer sur les offres disponibles. Reste encore à savoir où chercher. Voici quelques pistes.
Où trouver des offres d’emploi adaptées ?
Que vous soyez en situation de handicap ou non, la recherche d’emploi suit les mêmes étapes, mais avec quelques ressources supplémentaires à votre disposition. « Ne vous censurez pas et postulez à toutes les offres qui vous intéressent, qu’elles soient spécialement dédiées aux travailleurs handicapés ou non, conseille Patricia de Kermoysan. Si vous avez les compétences requises, il n’y a aucune raison de vous restreindre. Bien sûr, si une offre mentionne une mission handicap, cela montre la volonté de l’entreprise. C’est là que le statut de “TH” peut devenir un avantage. »
Des plateformes spécialisées comme Handicap.fr et Agefiph proposent des offres d’emploi spécifiques. LinkedIn peut également être utile pour entrer en contact avec des recruteurs déjà sensibilisés. Il y a aussi des agences de recrutement spécialisées comme DefiRH ou Aktisea, qui se concentrent sur l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés et offrent un accompagnement personnalisé.
Organismes, associations et ONG offrant un accompagnement spécifique
Lorsque vous cherchez un emploi, exploitez toutes les ressources disponibles pour maximiser vos chances. Des organismes, associations et ONG proposent des services d’accompagnement spécifiques. En voici quelques-unes…
Cap Emploi : spécialement dédié aux personnes handicapées, Cap Emploi offre un accompagnement personnalisé pour faciliter l’insertion professionnelle. Leurs conseillers peuvent vous aider à définir votre projet professionnel, à trouver des offres d’emploi adaptées et à bénéficier de formations. Ils travaillent également en collaboration avec les entreprises pour promouvoir l’inclusion et sensibiliser les employeurs aux avantages d’embaucher des travailleurs handicapés.
APF France Handicap : cette association offre un soutien complet, allant de l’accompagnement dans les démarches administratives à l’insertion professionnelle. Elle propose également des formations et des ateliers pour développer vos compétences.
AGEFIPH : l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées offre des aides financières et techniques pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Elle propose également des services d’accompagnement et des conseils.
Handi’Réseau : cette ONG propose un réseau de soutien et de partage d’expériences entre personnes handicapées. Elle organise des événements, des ateliers et des formations pour aider ses membres à trouver un emploi.
Quelles sont les entreprises qui embauchent des personnes en situation de handicap ?
Les grandes entreprises ont les plus grosses capacités de recrutement. Elles ont bien sûr des besoins plus importants, mais elles sont aussi poussées par la législation. La loi “handicap” de 2005 fixe un quota d’emploi obligatoire pour les travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 salariés, qui est de 6 %. Les entreprises ne respectant pas ce quota doivent verser une contribution financière à l’Agefiph.
«Au début, ce sont les lois qui incitent, admet Patricia de Kermoysan. Mais au fur et à mesure, une sensibilité se crée au sein de ces entreprises. Les personnes handicapées apportent beaucoup. Les autres salariés dédramatisent les soucis de leur quotidien. L’entreprise s’ouvre et cela apporte une énergie différente. »
Certains secteurs se montrent aussi plus ouverts à l’intégration des personnes handicapées parce qu’ils en ont tout simplement plus l’habitude, notamment ceux qui proposent des postes sédentaires. Exemple : la banque, les télécoms et l’informatique. Les domaines des transports et de la logistique sont en revanche plus compliqués à intégrer en raison des exigences physiques comme le port de charges lourdes. La vente physique peut aussi poser des défis, car elle nécessite souvent de rester debout toute la journée.
Pour offrir des environnements de travail plus inclusifs, des structures spécifiques ont également été mises en place :
Les entreprises adaptées (EA) : ce sont des structures qui emploient au moins 55 % de travailleurs handicapés parmi leur effectif. Leur objectif est de permettre à ces personnes de travailler dans un environnement adapté à leurs besoins, tout en bénéficiant d’un accompagnement socio-professionnel. Les EA reçoivent des aides de l’État pour compenser les surcoûts liés à l’aménagement des postes de travail et à l’encadrement.
Les ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail) : ce sont des structures médico-sociales qui accueillent des personnes handicapées ne pouvant pas travailler dans une entreprise ordinaire ou adaptée. Les ESAT offrent à ces personnes un travail à temps partiel ou complet, accompagné de soutiens médicaux, éducatifs et sociaux.
Préparer et passer des entretiens d’embauche
Une fois que vous avez trouvé des offres d’emploi intéressantes, la prochaine étape est de préparer et passer les entretiens d’embauche. Ce processus peut soulever des questions délicates, notamment sur la manière d’aborder votre handicap.
Doit-on parler de son handicap ?
Pour vous intégrer sur le marché du travail, l’une des questions les plus difficiles à laquelle répondre est la suivante : dois-je parler de mon handicap ? Et si oui, quand et comment ? « Vous n’êtes tenu de le dire à tout le monde, précise Patricia de Kermoysan. Mais si vous ne parlez pas de votre situation, que vous avez un souci de santé qui nécessite quelques aménagements, votre état de santé peut s’aggraver. Les échecs se produisent souvent quand on ne veut rien dire. Il est important qu’il y ait une personne au moins dans l’entreprise qui soit au courant. Si vous avez le moindre souci, cela évite les situations compliquées. »
Quand parler de son handicap ?
Aucune règle n’est établie à ce sujet. « C’est du cas par cas, selon notre experte. Certaines entreprises sont engagées dans cette intégration et ça vaut le coup d’en parler tout de suite, d’autres moins. Mais si vous sentez que l’entreprise est fermée sur le sujet, ce n’est peut-être pas plus mal de ne pas l’intégrer. En termes d’accompagnement, elle n’aurait peut-être pas été à la hauteur. »
Que vous décidiez ou non d’intégrer une mention « reconnu travailleur handicapé » sur votre CV, que vous choisissiez ou pas d’expliquer votre handicap dès la lettre de motivation, l’important est avant tout de montrer que vous avez les compétences pour le poste : « Nous ne proposons pas une personne pour un poste parce qu’elle est en situation de handicap. Nous la proposons parce qu’elle est compétente. » Et c’est bien cela l’essentiel à mettre en avant.
Parler de son handicap en entretien
Montrer ses compétences est également le maître mot lorsque vous avancez dans le processus de recrutement. « On mène nos entretiens d’embauche de manière classique, détaille Patricia de Kermoysan. Nous abordons d’abord les compétences et les motivations des candidats. C’est cela que nous privilégions tout comme les entreprises. Dans un deuxième temps, nous parlons des aménagements par rapport au handicap. Mais si vous avez les compétences et que le poste est aménagé, il n’y a aucune raison que cela ne marche pas. »
Conseils pour vous préparer aux questions spécifiques sur le handicap en entretien de manière efficace :
- Préparez votre discours : avant l’entretien, réfléchissez à la manière dont vous allez aborder votre handicap. Préparez un discours simple et clair qui explique votre situation. Mettez l’accent sur votre capacité à accomplir les tâches du poste grâce à des aménagements appropriés.
- Soyez transparent et confiant : lorsque vous parlez de votre handicap, faites-le avec confiance. Expliquez comment vous avez géré des situations similaires dans le passé et comment vous pouvez continuer à être productif avec les bons aménagements.
- Soyez prêt à discuter des aménagements nécessaires : si l’employeur aborde le sujet des aménagements, soyez prêt à en parler de manière détaillée. Expliquez clairement ce dont vous avez besoin pour être performant. Cela peut inclure des équipements spécifiques, des horaires flexibles ou d’autres adaptations ergonomiques.
Les multiples témoignages de personnes situation de handicap montrent à quel point, malgré et parfois à cause des obstacles, la motivation est décuplée quand vous vous retrouvez sur le marché du travail. « Vous voulez encore plus prouver votre valeur, confirme Patricia de Kermoysan. Vous voulez montrer que vous êtes capable. » Alors si vous combinez cette détermination, aux ressources et dispositifs de soutien disponibles, vous vous donnez toutes les cartes en main pour relever les défis et vous épanouir professionnellement. À vous de jouer !
Article rédigé par Geoffroy Bresson, édité par Manuel Avenel, photographie par Thomas Decamps
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