L’impact du full-remote, ou 100% télétravail, sur la santé mentale

28 mars 2020

7min

L’impact du full-remote, ou 100% télétravail, sur la santé mentale

Le full-remote est un terme particulièrement doux à l’oreille de celui ou celle qui estime passer trop de temps au bureau. Pourtant, parmi les personnes ayant déjà eu la chance d’en faire l’expérience, certain(e)s espèrent ne jamais avoir à la renouveler. Que ce soit à cause de la distance avec ses collègues, d’un environnement de travail non-adapté ou même d’un ras-le-bol de Skype qui plante, le télétravail systématique ne plaît pas à tout le monde et peut avoir des conséquences plus ou moins graves sur le moral et la santé mentale en général. En cette période de confinement et avec l’appui de ceux qui le pratiquent depuis longtemps, nous vous livrons quelques pistes pour vous aider à éviter les pièges, et limiter les effets négatifs du full-remote sur votre santé mentale.

Le full-remote, à double tranchant

En 2018, près de 30% des salariés ont pratiqué le télétravail de façon occasionnelle ou régulière selon une étude Ifop publiée l’année dernière pour le compte du groupe de protection sociale Malakoff Médéric. En retard, en comparaison aux autres pays européens, il n’en reste pas moins que 77% des interrogés en ont dressé un bilan positif. Des données encourageantes à l’heure où nous sommes nombre à travailler depuis chez nous en cette période de confinement.

Mais le télétravail est bien différent du full-remote, une méthode de travail qu’affectionnent un bon nombre d’entreprises internationales et qui consiste à laisser le choix aux employés de travailler quand ils veulent et d’où ils veulent, sans jamais avoir à passer par les bureaux de l’entreprise (quand il y en a). À noter qu’il faut différencier deux types de full-remote :

  • le full-remote total : tous les employés travaillent en full-remote.
  • le full-remote partiel : des bureaux existent et seuls quelques employés travaillent à distance.

Lucile a 24 ans lorsqu’elle obtient son diplôme de Master en Marketing et décide de rejoindre Doist, “The Fully remote company” : 60 personnes venant de 28 pays différents qui travaillent d’où ils veulent. Plutôt attractif, non ? Naturellement, sur le moment, le télétravail ne semble présenter que des avantages. Mais Lucile qui l’a beaucoup pratiqué dans son parcours professionnel, met tout de suite en garde : « Le premier risque lié au travail en full-remote, c’est de ne pas réussir à être efficace, que ce soit par manque de motivation ou de contrôle, tout simplement. Mais le principal danger, c’est l’isolement. »

Lucile est loin d’être la seule à avoir connu les côtés négatifs du travail en remote. En effet, sans un cadre et une bonne connaissance de soi, le travail à distance peut rapidement impacter la santé mentale du télétravailleur. En 2017, une étude réalisée par l’Organisation Internationale du Travail et s’appuyant sur des recherches effectuées dans 15 pays, tirait la conclusion que l’excès de télétravail pouvait être dangereux. Le full-remote est, par définition, un excès de télétravail, pouvant créer une situation dans laquelle la santé mentale peut être impactée.

Le mal-être

L’avantage le plus couramment cité lorsque l’on parle de télétravail ou de full-remote, est l’équilibre entre la vie privée de la vie professionnelle. Mais il peut très vite prendre une autre tournure et se transformer en un inconvénient majeur : les horaires des télétravailleurs étant bien plus flexibles, le risque de voir s’estomper la limite entre “vie pro et vie perso” est considérable. Quand on est en full-remote et qu’on aime son travail, il n’y a personne pour nous arrêter à part nous-même. Bien que les entreprises en full-remote encouragent leurs collaborateurs à ne pas travailler plus d’heures qu’ils ne devraient et à déconnecter le week-end, le fait est qu’on est seul devant son ordinateur à décider, ou non, de poser cette limite. Résultat, le risque de burn-out ne disparaît pas de l’équation.

Le conseil de Lucile

« Il est important d’apprendre à compartimenter sa vie professionnelle et de se créer une discipline. Avoir un espace dédié au travail (un co-working ou un espace bureau chez soi) et arrêter de travailler quand on en sort est une façon de compartimenter. » Il est même possible d’aller plus loin pour éviter ce chevauchement entre vie privée et vie professionnelle : en séparant vos outils de travail tels que le smartphone ou l’ordinateur, de vos outils personnels pour pouvoir couper totalement lorsque vous avez fini votre journée.

télétravail

L’isolement

Des chiffres tirés de la même étude IFOP révèlent cette seconde complication liée au télétravail, et donc au full-remote : le risque d’isolement. « Ma première année et demi s’est super bien passée. Je vivais à Lyon où j’avais des amis et de la famille donc, quand je ne travaillais pas, je n’étais jamais seule. Ça, c’était jusqu’à ce que mon copain et moi partions vivre en Nouvelle-Zélande. Une fois là-bas, je me suis retrouvée à travailler de chez moi, seule, sans faire de rencontre, et la seule personne que je retrouvais le soir était mon copain. J’ai rapidement souffert d’isolement, qui a entraîné de l’anxiété et de la dépression. Il a fallu créer une nouvelle routine, aller au co-working et faire du sport en groupe pour rencontrer du monde et combattre ce sentiment », nous confie Lucie.

En France, 92% des salariés en télétravail choisissent de le pratiquer depuis leur domicile. Encore une fois, travailler de chez soi occasionnellement ne présente aucun danger mais c’est lorsque cela devient systématique, que la réelle menace apparaît. Damien est développeur dans une start-up parisienne. À la différence de Lucile, son entreprise possède des locaux dans lesquels se réunissent ses collègues quotidiennement pour travailler. De son côté, il travaille en full-remote depuis maintenant un an d’un village à 30 kilomètres du Mans. Il témoigne : « Il m’arrive parfois, quand je passe aux bureaux parisiens, d’avoir l’impression d’avoir manqué quelque chose, comme quand on rentre d’une semaine de vacances et que tes collègues parlent de quelque chose que tu ne comprends pas car tu étais absent. Ça peut être une soirée ou simplement une private joke… »

Ne pas avoir de bureau où se présenter tous les matins réduit drastiquement les occasions d’interagir régulièrement avec des collègues que ce soit pour des interactions informelles ou des réunions de travail. Être le seul à travailler en full-remote peut donner l’impression de ne pas être totalement intégré dans l’équipe et de n’être qu’une adresse mail, un phénomène de déshumanisation dangereux et auquel il faut apprendre à remédier.

Le conseil de Damien

« Il m’a suffit de privilégier les sorties entre amis de mon côté, pour parler de tout et de rien ensemble, ce qui se fait généralement entre collègues autour d’un café. En ce qui concerne l’impression de manquer quelque chose, c’est plus compliqué, ça fait partie du travail full-remote et il faut juste l’accepter. Mais j’essaie quand même d’être présent autant que possible pour tous les événements organisés entre collègues. » En travaillant en full-remote, vous serez facilement privés des petites interactions de tous les jours. Il faut donc faire l’effort d’aller chercher du contact.

L’homme est un être social par définition et la solitude est l’un des plus grands maux de l’humanité. Vous travaillez en full-remote, vous n’êtes pas malade. Alors organisez des déjeuners et des afterworks avec des collègues ou des amis par visio. Et lorsque vous travaillez, privilégiez les contacts au téléphone plutôt que par mail, cela vous fera beaucoup de bien et participera au raffermissement de vos liens professionnels.

Le stress

Selon le rapport de l’OIT sur le télétravail, en 2017, 42% des personnes travaillant en permanence à domicile racontaient se réveiller plusieurs fois par nuit contre 29% chez celles travaillant sur leur lieu de travail. Un phénomène expliqué par les hauts niveaux de stress dont souffrent les employés travaillant à distance qui se mettent automatiquement la pression pour paraître occupés, particulièrement lorsqu’ils font partie d’une minorité travaillant à distance. N’étant pas présents dans un bureau, ils se sentent obligé(e)s de rester en ligne un maximum sur Slack ou Skype afin de prouver aux collègues qu’ils passent leur temps de manière productive. Vient s’ajouter le fait que l’esprit d’équipe est naturellement perturbé et que l’accès à une quelconque assistance devient plus compliqué : moins de possibilité de se glisser dans le bureau voisin pour demander un conseil rapide à un collègue.

Chez Doist, ils ont choisi de répondre à cette problématique en développant leur propre outil de communication. « Nos équipes ont créé Twist, un outil de communication où il n’y a pas d’indicateur de présence en ligne. Le présentiel disparaît et nos relations se basent donc sur la confiance : personne ne sait si je suis en train de travailler ou non. »

Par ailleurs, du point de vue de la direction, un collaborateur qui travaille de chez lui se doit d’être plus productif, du fait qu’il sera moins sujet aux distractions qu’un employé sur site - pas de discussion à la machine à café, aucun collègue à aider, moins de temps de transport, etc. Une pression supplémentaire dont ils pourraient se passer. Chez Lucile, cette pression disparaît logiquement étant donné que, dans son cas, tout le monde est logé à la même enseigne.

Nos conseils

Vous êtes chez vous, alors à la pause dej’, pourquoi ne pas se permettre une petite sieste ? Il a été prouvé que 15 minutes de repos suffisent à réduire fortement les niveaux de stress. Et rappelez vous que vous n’êtes pas seule(e). N’ayez surtout pas de réticence à vous rapprocher de vos collègues lorsque vous êtes en difficulté ; vous faites partie intégrante de l’équipe et vous gagnerez beaucoup à le comprendre. Vous réduirez considérablement votre niveau de stress si vous savez que vous pouvez compter sur vos collègues.

« Désormais équipée et organisée pour affronter les difficultés du travail en full-remote, je profite pleinement des avantages que m’offrent cette façon de travailler, sans stress, et j’ai toujours l’impression de faire partie d’une entité, même si je ne parle pas tous les jours à mes collègues. » Depuis son épisode compliqué en Nouvelle-Zélande, Lucile a réussi à trouver la solution en se disciplinant et en allant à son espace de co-working tous les après-midis. Elle a même été le moteur d’une initiative personnelle : aider son équipe à prendre soin de leur santé mentale par l’échange. Évidemmment, impossible de prendre son exemple actuellement pour aller travailler dans un co-working, mais cela nous montrer bien que la conservation du lien social est essentielles !

Cette période de confinement oblige une grande partie d’actifs à pratiquer le télétravail. L’occasion de considérer le full-remote qui peut sembler très attractif au premier abord. Pourtant, travailler à distance constamment ne s’improvise pas. Quand ses collègues travaillent depuis un bureau, le télétravailleur se perçoit en position de faiblesse par rapport à l’entreprise, comme si une faveur lui avait été accordée. La pression qui en découle naturellement alimente la volonté d’en faire trop et le risque d’être submergé. Pour conserver un rythme de vie sain, il devient alors essentiel de s’imposer une discipline adaptée et de s’y tenir.

Les nouvelles technologies continuant de faire évoluer nos méthodes de travail, le full-remote pourrait, dans les années - voire les mois ? - à venir devenir un modèle beaucoup plus courant. Alors autant s’y préparer dès aujourd’hui.

Et pour en savoir plus sur comment travailler en full remote, découvrez l’épisode de notre série vidéo HOW TO sur le sujet.

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Photo by WTTJ

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