L’aménagement du travail pour les employées enceintes
02 juil. 2019
4min
AD
Fondateur, auteur, rédacteur @Word Shaper
Dans de nombreuses professions, les missions au quotidien sont parfois fatigantes, voire franchement pénibles lorsqu’elles s’accompagnent de stress, de nombreux déplacements, de positions inconfortables, de la répétition de mouvements entraînant des douleurs ou encore de l’exposition à des produits toxiques, par exemple. Comment les employées enceintes peuvent-elles adapter leur travail en période de grossesse et comment les entreprises les aident-elles dans cette démarche ?
Que dit le Code du travail ?
Il est inscrit dans le Code du travail que l’employeur se doit de protéger les employées enceintes des risques liés à leur poste. La loi indique, d’après l’article L1225-12, que « l’employeur propose à la salariée qui occupe un poste de travail l’exposant à des risques déterminés par voie réglementaire un autre emploi compatible avec son état, lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté. »
L’employeur peut proposer un aménagement temporaire du poste occupé si cela est logistiquement possible à mettre en place ou affecter l’employée à un autre poste selon les indications et contre-indications du médecin. Ces ajustements ne doivent pas conduire à une réduction du salaire. Il se peut que l’entreprise soit dans l’incapacité de mettre en place une alternative au poste occupé. Dans ce cas, le contrat de travail de l’employée est suspendu mais elle bénéficie d’une garantie de rémunération, assurée par l’allocation journalière versée par la Sécurité Sociale d’une part et l’indemnité complémentaire à la charge de l’employeur d’autre part.
Les métiers qui nécessitent un reclassement de la part de l’employeur sont ceux qui imposent à la salariée enceinte un contact avec des produits toxiques, les postes de nuit qui peuvent être reclassés en poste de jour à la demande ou sous les recommandations du médecin. Plus globalement, toute salariée enceinte rencontrant des difficultés à son poste de travail peut obtenir des aménagements durant sa grossesse après avoir rencontré la médecine du travail. Cependant, si les risques présentés ne sont pas des risques professionnels décrétés par le conseil d’État et si aucun aménagement n’est possible, l’employée peut obtenir un arrêt maladie. Dans ce cas, elle est indemnisée uniquement par la Sécurité sociale.
Dans la pratique, que font réellement les entreprises ?
Si une employée est enceinte et n’est pas en capacité de travailler, elle peut quoi qu’il arrive se faire arrêter sur décision de la médecine du travail ou de son médecin généraliste. Pour les femmes qui le peuvent et qui souhaitent continuer à travailler le plus longtemps possible, de plus en plus d’entreprises essayent de s’adapter. Pour les postes dits “de bureau”, il est difficile de trouver des postes alternatifs dont les conditions de travail seraient moins contraignantes. Margaux, consultante dans le cabinet d’audit PwC et enceinte de son deuxième enfant, raconte son expérience positive : « Je dois accoucher dans quelques semaines et je viens seulement de m’arrêter complètement. Au cours des mois précédents, mon entreprise m’a laissée gérer mon emploi du temps et m’a octroyé jusqu’à trois jours de télétravail par semaine afin de limiter au maximum mes déplacements. L’essentiel était que mon travail soit fait, j’ai pu m’organiser vraiment librement et cela m’a grandement soulagée. À aucun moment, je n’ai été stressée, j’ai apprécié de voir que l’on me faisait confiance tout en me permettant d’aller chercher ma fille à la crèche et de travailler aux horaires où j’étais le moins fatiguée. »
À l’heure du tout digital, le télétravail représente effectivement un aménagement plutôt simple à mettre en place pour les employées enceintes. Même son de cloche pour Caroline, manager d’une petite équipe dans l’agroalimentaire, enceinte depuis six mois : « Le télétravail ne s’est pas encore complètement démocratisé dans notre entreprise. En tant que manager, j’appréhendais de ne pas être là à temps plein, inconsciemment j’avais peur qu’on me le reproche et que cela porte préjudice à tout le monde. Finalement, nous avons discuté longuement avec ma chef et avons décidé de mettre en place un planning à la carte. Je suis présente pour les réunions et échéances importantes, et je travaille depuis chez moi quand j’en ressens le besoin. Généralement, j’ai plus d’énergie le matin, alors on m’a autorisée à ouvrir les locaux plus tôt que d’habitude, à 8 h au lieu de 9 h, et quand je commence à avoir un coup de mou en milieu d’après-midi, je rentre et je poursuis chez moi. »
L’hôpital de Thuir, le cas d’école
Dans certains secteurs d’activité, le présentiel est inhérent au poste ; travailler à distance n’est donc pas pertinent. À Thuir, l’hôpital a instauré un dispositif spécial pour les employées enceintes : pour les docteures, les infirmières, les aides-soignantes, certaines tâches sont pénibles. Sophie Barre est la directrice adjointe de l’établissement et elle œuvre depuis 2013 pour l’égalité hommes-femmes au sein de la structure. Depuis 2016, elle porte donc le projet de proposer des missions alternatives aux employées enceintes.
Après un entretien avec les ressources humaines, chaque salariée enceinte peut choisir à la carte un poste temporaire correspondant à son profil. Il est possible de réaliser des missions administratives au secrétariat, de rédiger des protocoles de soins, de demander à être déplacée dans une structure annexe de l’hôpital qui est plus proche de son domicile, de participer à l’évaluation des machines et des produits. Bref, autant de missions qui permettent à la salariée de prendre du recul sur son poste habituel et de participer à en améliorer les conditions le temps de quelques mois. Pour l’établissement, l’expérience est positive également puisque cela permet de profiter des compétences et de l’expertise de ses employées, tout en prenant en compte leur condition particulière.
Les problématiques d’égalité au travail ne peuvent plus être ignorées aujourd’hui. Il est de la responsabilité des entreprises de se montrer souples et créatives pour aménager le poste des salariées enceintes, dans la mesure du possible et dans le respect du Code du Travail. Espérons que l’expérimentation réussie du centre hospitalier de Thuir inspire bien d’autres entreprises à l’avenir !
Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook pour recevoir chaque jour nos meilleurs articles dans votre timeline !
Photos by WTTJ
Inspirez-vous davantage sur : Rythmes de travail
« En Août, je n'ai pas pris de vacances... mais c'était tout comme ! »
Quand tout le monde met les voiles, certains se complaisent dans la période creuse de l'été et préfèrent rester au bureau. Témoignage.
02 sept. 2024
« Mi-salarié acharné mi-parent dévoué » : la double vie en garde alternée
« Je cale mes déplacements pro les semaines où je suis libre, et je pars à 17H30 quand j'ai les garçons... »
07 mai 2024
« C’est le métier qui rentre » : comment la culture de l'effort broie les corps
« Blessée à la cheville, j’ai jeté mon attelle devant mes collègues, histoire de montrer la « battante » que j’étais. »
30 avr. 2024
Retrouver un sentiment de liberté, s’évader : pourquoi se couche-t-on si tard ?
C'est ce que l'on appelle le "revenge bedtime procrastination", ou le fait de repousser l'heure du coucher pour profiter de la vie.
24 avr. 2024
« Plus qu'une règle d'or, partir à l'heure du bureau est devenu ma bataille »
Relégué au rang de mouton noir « désinvestit » au motif qu’il respecterait « trop » ses horaires réglementaires, ce salarié part en croisade.
09 avr. 2024
La newsletter qui fait le taf
Envie de ne louper aucun de nos articles ? Une fois par semaine, des histoires, des jobs et des conseils dans votre boite mail.
Vous êtes à la recherche d’une nouvelle opportunité ?
Plus de 200 000 candidats ont trouvé un emploi sur Welcome to the Jungle.
Explorer les jobs