Êtes-vous un "insecure overachiever", un surperformant angoissé ?

20 mars 2019

4min

Êtes-vous un "insecure overachiever", un surperformant angoissé ?
auteur.e
Elsa Andron

Psychologue du travail et psychologue clinicienne

Vous êtes de nature stressée et jamais totalement satisfait de votre travail malgré les bons retours que vous en avez ? Vous êtes sûrement ce qu’on appelle un “insecure overachiever”. Rarement considéré comme un profil difficile à manager ou qui risque de développer un syndrome d’épuisement professionnel, le “perfectionniste anxieux” n’a pas forcément une relation très saine avec le travail. En effet, son mode de fonctionnement peut le pousser à se surinvestir, physiquement et émotionnellement, dans sa vie professionnelle, parfois au détriment de sa vie personnelle. Ce qui peut, dans certains cas, mener à un mal-être psychique voire à un syndrome d’épuisement professionnel.

Insecure overachievers : qui sont-ils ?

L’ “insecure overachiever” ou perfectionniste anxieux est ce collègue performant, voire surperformant, qui n’est jamais satisfait de ses performances ni de ses succès. Mais si, vous savez bien, c’est ce collègue un peu agaçant qui a réussi en un mois à décrocher le plus gros contrat jamais signé dans votre agence mais qui continue à dire qu’il aurait pu “mieux faire” ou “faire plus” et qu’il a eu de la chance. Constamment à la recherche du dépassement de soi et du prochain défi à relever, il est sans cesse rongé par l’angoisse de “mal faire” et de décevoir son environnement professionnel (mais également lui-même) et d’être ainsi “démasqué”. Bref, aucune réussite n’est assez grande pour calmer son mal, pire : plus il réussit, plus il angoisse à l’idée d’échouer dans le futur.

Comment devient-on un perfectionniste anxieux ?

On retrouve dans les causes principales de ce type de comportement : une faible estime de soi et un manque de confiance, innés ou liés des expériences personnelles, scolaires ou professionnelles. Au fur et à mesure, ce manque de confiance crée des schémas de pensée négatifs et pousse à des comportements de surperformance. Il vient aussi soutenir la croyance du perfectionniste anxieux qu’il n’est jamais suffisamment bon et que sa réussite est dûe à des éléments extérieurs - tels que la chance ou l’échec de ses collègues - et non à ses compétences. On parle dans ce cas de syndrome de l’imposture : plus il rencontre le succès ou évolue dans sa carrière, plus il angoisse d’être “démasqué” à la moindre erreur.

Être un “insecure overachiever”, quelles conséquences ?

Souvent perçu comme un trait de personnalité, ce perfectionnisme anxieux est rarement décrit comme insatisfaisant et douloureux par ceux qui en souffrent avant qu’il ne dégénère et mène, par exemple, à un burn out.

Si c’est votre cas, sachez que cette quête infernale de performance est souvent coûteuse même si elle a aussi des avantages. On fait le point.

Conséquences négatives

  • Perte de vie sociale et personnelle : constamment préoccupés par leurs performances au travail et au fait de “bien faire”, les perfectionnistes anxieux s’investissent bien souvent de manière trop importante dans leur vie professionnelle au détriment de leur vie personnelle et sociale. Ils font souvent des amplitudes horaire très importantes et ont une grande difficulté à se couper de l’environnement professionnel. Cela peut se traduire par des envois de mails professionnels en soirée, le week-end, pendant leurs congés ou le congé de leurs collaborateurs.
  • Dégradation de l’estime de soi et de la confiance en soi : comme pris dans un cercle vicieux, les personnes souffrant de perfectionnisme anxieux dégradent constamment leur estime d’eux même et leur confiance en eux. Effectivement, leur insatisfaction chronique et le sentiment qu’ils nourrissent d’être des imposteurs va renforcer leur faible estime d’eux-même.
  • Impact sur la santé physique et mentale : ce comportement comporte bien évidemment un risque pour la santé physique et mentale des individus car il pousse à un investissement toujours plus important et à un dépassement de soi sans limites pouvant mener dans certains cas à un syndrome d’épuisement professionnel appelé aussi burn-out.

Conséquences positives

Il est primordial de comprendre que pour qu’un comportement persiste chez l’individu c’est que les gains qu’il perçoit (consciemment ou inconsciemment) à travers son comportement sont supérieurs aux pertes perçues (bien souvent minimisées ou déniées).

  • Ne pas décevoir les attentes de l’environnement professionnel : le but premier du comportement est pour le perfectionniste anxieux de maintenir l’illusion en surperformant pour compenser - croit-il - son manque de compétences ou de capacités. Ainsi, le comportement a pour but de ne pas décevoir les attentes que son environnement professionnel attend de lui.
  • Reconnaissance sociale importante : bien souvent le comportement est socialement valorisé car il est parfois confondu avec le respect de la valeur “travail” et est donc perçu comme une forme de droiture morale. Il est d’ailleurs souvent récompensé par des évolutions de carrière ou des compensations salariales. Ainsi, consciemment ou inconsciemment, ces compensations permettent le maintien du comportement et le renforcent.

Quelques conseils pour travailler sur ce syndrome de perfectionnisme anxieux :

  • Faire le bilan : une prise de conscience du déséquilibre qu’entraîne ce comportement et de ses réelles conséquences - positives comme négatives - est une première étape nécessaire pour un meilleur équilibre psychologique au travail. Rappelez-vous qu’être perfectionniste anxieux n’est pas un trait de personnalité mais bien une construction liée à vos expériences passées, notamment scolaires et professionnelles. Ce n’est donc pas une fatalité et vous pouvez travailler dessus.
  • Performer oui mais à quel prix ? : la deuxième étape est de comprendre son besoin à faire toujours plus ou toujours mieux, et de tenter de se rassurer sur ses compétences et sur sa valeur ajoutée dans l’entreprise. On peut alors se poser ces questions : Pourquoi suis-je si exigeant avec moi-même ? Et pourquoi ne suis-je jamais réellement satisfait ? Est-ce réellement satisfaisant ? Quel est mon rapport à l’échec ? Pourquoi me fait-il si peur ? Ce questionnement peut être aidé ou guidé par un professionnel comme un psychologue.
  • Avancer pas à pas vers plus d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : Après avoir pris conscience des dangers et entamé un travail d’apprentissage sur soi, il est alors temps de passer à l’action pour retrouver un équilibre plus sain. Cela peut prendre la forme d’engagements concrets - comme celui de ne pas rester au bureau au-delà d’une certaine heure ou de couper son téléphone professionnel après le travail. Mais cela peut aussi être de prendre le temps d’investir d’autres choses à l’extérieur de sa vie professionnelle comme ses relations sociales et prendre du temps pour des activités qui nous font plaisir et qui nous nourrissent.

Les “overachievers” ont une perception d’eux-mêmes et de leurs performances faussée qui les pousse à toujours plus se dépasser. Ce comportement peut-être la source d’une réelle souffrance psychique et entraîner des conséquences importantes. Une fois que l’on a pris conscience de ce comportement et de la souffrance qu’il entraîne il peut être intéressant de se faire aider dans la compréhension de ce mécanisme par un travail thérapeutique avec un psychologue. On ne devient pas “overachiever” par hasard mais on peut se comprendre et engager un changement positif à tout âge et à tout moment de sa carrière.

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Photo by WTTJ

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