La marque employeur : concept à la mode ou véritable stratégie gagnante ?

03 juin 2019 - mis à jour le 24 oct. 2022

6min

La marque employeur : concept à la mode ou véritable stratégie gagnante ?
auteur.e
Solenne Faure

Rédactrice

contributeur.e

72 % des responsables RH à travers le monde pensent que la marque employeur a un impact significatif sur l'efficacité du recrutement dans une entreprise. Mais comment expliquer cet engouement pour un concept dont personne ne connaissait l'existence il y a peu ? À l'heure où il devient de plus en plus difficile de retenir les talents et où la (e-)réputation d'une entreprise joue un rôle primordial dans la recherche d'emploi, soigner son image d'employeur est devenu un incontournable.

Tout droit venue des États-Unis, la marque employeur« employer brand » – est un concept qui a émergé dès les années 90. Elle fut évoquée pour la première fois lors d’une conférence sur le management, durant laquelle Tim Ambler et Simon Barrow en ont défini les grandes lignes : « L’idée est d’appliquer les techniques du management de marque (le marketing) au management des ressources humaines ». Il existerait donc une synergie forte entre les métiers de la communication et les métiers de la gestion RH…

Concrètement, la marque employeur désigne l’ensemble des stratégies mises en place par une entreprise pour soigner son image auprès des candidats, fidéliser ses salariés et maîtriser sa réputation générale en tant qu’employeur. « Ce sont les principes du marketing de la grande consommation appliqués à l’univers du recrutement », nous explique Laetitia Vitaud, experte du Lab. Aujourd’hui, ce concept de marque employeur est en vogue. Les entreprises se retrouvent en effet face à de nombreux défis pour gagner en réputation, recruter et surtout fidéliser les meilleurs talents, notamment du fait de la montée en puissance du digital et d’une demande de plus en plus forte de transparence.

Pourquoi la marque employeur est-elle devenue si importante ?

Tandis que les consommateurs sont de plus en plus exigeants vis-à-vis des marques et de leur communication, les employés ne sont pas en reste. Laetitia Vitaud affirme que « depuis l’arrivée des réseaux sociaux – et plus globalement Internet –, il y a un brouillage très fort entre l’externe et l’interne, entre la publicité des marques et leur communication interne. Un certain nombre de frontières, qui étaient autrefois très claires, sont devenues extrêmement poreuses. Ce que les salariés vont raconter de leur entreprise, par exemple sur Glassdoor, invite à repenser complètement la communication des marques ».

D’après une étude réalisée par l’agence Link Humans, 84 % des salariés pourraient quitter leur poste actuel si une autre entreprise possède une meilleure notoriété. Ce qui en dit long sur l’importance de l’image que renvoie une marque en tant qu’employeur. D’ailleurs, la même enquête estime qu’une structure de 10 K employés pourrait économiser près de 8,6 millions d’euros en salaires en développant sa réputation – et donc son attractivité.

Après tout, pourquoi les salariés et candidats d’une entreprise ne pourraient-ils pas eux aussi vivre une expérience de marque au moment du recrutement ou une fois en poste ? Et si les entreprises avaient des histoires uniques à raconter concernant la vision qu’elles ont du métier ou de leur gestion de l’humain ? Oui, « à condition de ne pas tomber dans des éléments de washing, de packaging de surface », prévient Laetitia Vitaud. La démarche de marque employeur doit être authentique et refléter la réalité du quotidien de l’entreprise, et ne pas seulement servir des intérêts publicitaires. Sinon, ça se verra tôt ou tard.

  • Premier défi de la marque employeur : le recrutement

« La marque employeur, c’est attirer de nouveaux entrants en se faisant connaître grâce à l’univers médiatique », affirme Laetitia Vitaud. Et attention, il ne s’agit pas forcément de chercher la quantité, mais plutôt de travailler sur la qualité des profils. L’objectif n’étant pas de crouler sous les candidatures mais de travailler sur la bonne information auprès des candidats. Raconter au mieux ce que ces derniers pourront trouver au sein de l’organisation – de la rédaction de l’offre d’emploi au process de recrutement, en passant par la gestion des candidatures. Partager ses valeurs, son identité et ses méthodes de travail avec sincérité permet d’éviter les déceptions et les mauvaises surprises lors de la prise de poste. L’idée est louable : épargner à chacun une perte de temps. On encourage ainsi la communication et l’honnêteté, des deux côtés. D’autant que les candidats sont nombreux à se renseigner avant de postuler. Et leurs trouvailles ont un vrai impact sur leur candidature.

  • Deuxième défi de la marque employeur : la fidélisation

Remplacer un collaborateur sur le départ coûte cher. Une étude de l’APEC menée en 2016 estimait que cela représente entre 20 K et 200 K euros, selon le profil du salarié et son expérience dans l’entreprise. Il y a en effet beaucoup de dépenses : tout le process doit être relancé, du recrutement à l’intégration et la formation du nouvel élément. Alors quand on a réussi à attirer un bon profil dans son équipe, l’intérêt est de le garder le plus longtemps possible.

Le parallèle entre la marque employeur et les marques commerciales est d’ailleurs intéressant et facile à faire : pouvoir s’appuyer sur une base de clients fidèles est toujours plus rassurant pour une entreprise. Celle-ci peut ainsi s’engager dans des projets à moyen terme puisqu’elle est sûre de ses fondations. Et la tâche n’est pas simple pour la marque employeur. Certes, les collaborateurs s’investissent dans leur entreprise, mais ils sont plus volatiles qu’avant, ils se lassent rapidement. En témoigne cette infographie. Saviez-vous que 75 % des interrogés trouvent qu’il est plus facile d’être fidèle dans sa relation de couple qu’avec son entreprise ? Un chiffre qui en dit long sur la facilité avec laquelle un salarié peut passer d’un job à un autre.

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Pourtant, comme pour les marques commerciales, des collaborateurs épanouis aident à augmenter la crédibilité du discours corporate. C’est ce qu’on appelle « l’employee advocacy ». Et des employés investis et engagés, c’est aussi bon pour recruter… la boucle est bouclée ! Néanmoins, il ne faut pas trop surestimer le pouvoir de la marque employeur en matière de rétention des salariés, comme le précise Laetitia Vitaud : « Si on reste dans une entreprise, c’est avant tout pour des critères comme les missions, l’ambiance avec les collègues et les managers, la qualité de l’organisation du travail, etc. Personne ne se dit : “Je reste car je trouve que la marque employeur est super !” ».

  • Troisième défi de la marque employeur : la différenciation (car la concurrence est partout !)

Une différence notable entre marque commerciale et marque employeur est à relever. La concurrence est beaucoup plus diffuse et large quand on est dans la communication RH. En effet, ici, il s’agit de parler métiers, profils… Par exemple, Carrefour se retrouve en compétition avec l’Armée de Terre pour donner envie à de jeunes candidats de postuler. Il faut donc des marques fortes, légitimes et crédibles pour pallier cette concurrence élargie et multi-dimensionnelle.

Comment dessiner les contours de sa marque employeur ?

Comme pour tout travail de branding, la marque employeur est définie selon différents paramètres. L’intérêt est de cadrer sa personnalité, un peu comme une fiche d’identité, afin d’apporter de la force et de la cohérence à toutes ses prises de parole et actes de communication.

  • Son combat ou sa vision : il faut ici réfléchir aux origines de la marque. Pourquoi a-t-elle été créée ? Dans quel but ? Quel changement veut-elle apporter sur son marché ? Et d’un point de vue marque employeur ? A-t-elle une politique de management différente ? Laquelle ?
  • Ses valeurs : il s’agit de faire ressortir les convictions partagées par l’entreprise et ses collaborateurs. Ce sur quoi elle ne transige pas. Mais attention, les valeurs doivent être impactantes et surtout en adéquation avec les actes.
  • Ses attributs : la marque employeur n’est rien sans preuves. On oublie les beaux discours et on se concentre sur ce qui fait concrètement notre force, notre différence. Pour cela, on ratisse large : recrutement, onboarding, fidélisation…
  • Son territoire : c’est l’univers dans lequel votre marque souhaite communiquer. L’idée ici est d’identifier les sujets sur lesquels vous allez pouvoir prendre la parole.

Vous l’aurez compris, une marque employeur est faite pour être partagée.

  • À l’interne, d’abord. Pour se sentir mobilisé, intégré et acteur d’une histoire forte. Une façon de fédérer et d’établir un sentiment d’appartenance. Mais aussi pour créer de la cohérence dans le langage et dans la présentation de l’entreprise.

  • À l’externe, notamment pour faire le pas de côté et attirer les meilleurs talents. Des candidats qui seront en phase avec vous et auront réellement l’envie de postuler et de rester. Et puis on évite toute déception en ayant pris le temps de poser ses points forts mais aussi ses axes de travail. Bref, on vise la transparence !

Quelques exemples de marques employeur inspirantes

Il n’existe pas de classement des marques employeur – contrairement aux marques commerciales. Pourtant, certaines arrivent à tirer leur épingle du jeu via des stratégies de déploiement originales ou un positionnement bien spécifique et différenciant.

Citons trois entreprises aux marques employeur inspirantes :

  • L’Armée de Terre. Elle réussit à se présenter comme un passage incontournable pour les jeunes et donne une dimension plus émotionnelle à ses métiers pour se distinguer des gros employeurs. Aussi, elle accompagne concrètement ses candidats au travers d’un parcours rondement mené.

  • Michel et Augustin. Cette marque commerciale joue de sa marque employeur et inversement. Elle met en scène le quotidien de ses employés et valorise leur énergie pour attirer les consommateurs tout en se rendant attractive auprès des candidats.

  • Décathlon. Outre son excellente réputation auprès des consommateurs, 81 % des 23 K salariés de l’enseigne sportive déclarent être « fiers » d’y travailler. Un excellent score qui doit beaucoup à une stratégie marque employeur intelligemment déployée. L’entreprise mise entre autres sur le digital pour attirer des jeunes qui partagent les mêmes intérêts (le sport) et ainsi créer une ambiance conviviale.

Les parallèles entre marque commerciale et marque employeur sont nombreux, tant les concepts sont proches. Parler d’humain, apporter des preuves à son discours, accompagner grâce à des outils et services… Tout laisse à croire que marque employeur et marque commerciale sont intimement liées et font face à un même contexte de communication.

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Article édité par Héloïse de Montety et Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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