En vidéo : le shadow board à l'épreuve de la réalité
23 nov. 2020 - mis à jour le 26 déc. 2023
Aider l'équipe dirigeante à innover en réunissant les jeunes talents de l'entreprise au sein d'un « conseil fantôme », c'est la promesse faite par le shadow board. Découvrons ce concept en vidéo.
Le shadow board compte parmi les exemples d’initiatives marquantes, illustrant le leitmotiv “think outside the box” (penser en dehors de la boîte, ndlr). En réunissant de jeunes profils, divers tant par leur formation, leur métier que leur culture, les entreprises s’offrent un souffle d’innovation et de créativité au cœur de leur stratégie, en acceptant d’être challengées par les jeunes générations. Comment initier efficacement et sans bullshit cet empowerment des collaborateurs ? Dans cette chronique Work In Progress, Leslie Dehant, directrice des ressources humaines, revient sur cette initiative menée chez Adecco avec un groupe de réflexion baptisé « l’Advisory Board », composé d’une dizaine de jeunes talents issus de toutes les filiales du groupe : « C’est vraiment un laboratoire d’idées, un regard différent et une contribution aux réflexions et aux orientations stratégiques du groupe », confie-t-elle notamment. Zoom sur le shadow board.
Le shadow board, un « coup de jeune » stratégique
Le shadow board (ou shadow comex) est un terme anglais qui signifie « conseil d’administration fantôme ». Constitué de jeunes talents sélectionnés en interne, son but est d’apporter des idées nouvelles aux décisionnaires de l’entreprise. Inspiré des « Shadow cabinets » de certains partis politiques britanniques, le concept part d’un constat simple : les têtes pensantes des grandes entreprises sont majoritairement – sinon exclusivement – des profils seniors. Selon les données analysées par Zippia, 89 % des CEO d’entreprises aux États-Unis ont 40 ans ou plus. Un chiffre qui tombe à… 0 % pour les 20-30 ans. Ces statistiques n’ont rien d’étonnant, car c’est essentiellement l’expérience qui détermine l’accès aux fonctions dirigeantes. Mais cela a un effet pervers, puisque cela limite l’hétérogénéité des points de vue dans le processus de prise de décision. Dans un monde où les consommateurs sont volatiles et où les tendances changent rapidement, une marque a vite fait de se laisser dépasser. Pour éviter que la vision stratégique d’une entreprise prenne la poussière, il existe donc une solution : le shadow board. « Le constat, notamment pour les grandes entreprises, c’est qu’on peut parfois être déconnecté de la réalité, des nouvelles tendances et des nouvelles technologies. Le shadow board permet alors aux jeunes talents d’influer sur l’entreprise ». Le conseil d’administration continue bien sûr à statuer sur les grandes décisions, mais s’inspire des idées fraîches du shadow board pour innover.
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Comment fonctionne un shadow board ? L’exemple d’Adecco
Beaucoup de grandes entreprises se sont lancées dans le shadow board, avec plus ou moins de succès. C’est notamment le cas d’Arval, une branche de BNP Paribas, mais aussi d’Havas, Accor, Macif, Saint-Gobain, Deloitte et Adecco, dont la DRH, Leslie Dehant, a accepté de nous parler de l’initiative lancée par le groupe. « L’Advisory Board » regroupe une douzaine de jeunes talents qui représentent toutes les marques de l’entreprise, et qui ont un mandat d’1 an, à l’issu duquel l’équipe dirigeante décide ou non d’implanter les idées générées par ce shadow board : « L’Advisory Board se regroupe 1 fois par mois pour se pencher sur la gouvernance du groupe », explique Leslie Dehant. Le but ? Porter un regard différent sur les réflexions et les orientations stratégiques du groupe. Les membres du shadow board sont sélectionnés suite à un processus en 3 temps :
- d’abord avec un questionnaire de personnalité et de motivation ;
- ensuite un entretien avec un jury composé d’anciens membres de l’Advisory Board ;
- puis la sélection finale, qui est faite par le comité de direction.
Le fonctionnement des shadow boards diffère selon les entreprises. Certains font participer leurs membres aux réunions du comité de direction, d’autres centrent leur objectif sur la transformation digitale, la RSE, le développement durable, etc. Chez Accor, par exemple, le shadow board est constitué de douze cadres de moins de 35 ans, de sept nationalités et de métiers différents. Avec l’aide d’un coach extérieur qui les aide à formaliser des propositions, ils ont 1 an pour émettre des idées, avant d’identifier deux remplaçants potentiels pour le comité de l’année suivante.
Shadow board : réel impact ou poudre aux yeux ?
Sur le papier, le shadow board est une belle initiative, qui offre la parole aux plus jeunes et démontre la capacité des équipes dirigeantes à s’ouvrir aux idées extérieures. Mais cela ne relève-il pas de la simple communication de la part des entreprises qui cherchent notamment à redorer leur marque employeur auprès des jeunes salariés ? Difficile de ne pas faire un parallèle avec le Parlement des enfants, qui permet à des élèves de CM2 de se réunir à l’Assemblée nationale pour se prononcer sur des propositions de lois. Un air de paternalisme qui, plutôt qu’atténuer le fossé qui sépare les dirigeants et les jeunes salariés, contribue en réalité à le creuser. Jasmine Manet, directrice générale de l’ONG Youth Forever, et à l’initiative de l’étude Jeunes & Pouvoir au travail, ne mâche pas ses mots vis-à-vis du shadow board : « Trop cher, trop chronophage, trop long pour voir des résultats, pas de méritocratie et beaucoup d’absentéisme… », affirme-t-elle.
Mais aux critiques qui ne voient en cela qu’un coup marketing, Leslie Dehant répond avec des résultats concrets : « Le shadow board a par exemple contribué à la création d’un dashboard de pilotage des indicateurs sociaux. De même, les travaux effectués par l’Advisory Board sur l’impact du télétravail sur l’organisation du travail sont aujourd’hui utilisés par l’équipe RH », souligne-t-elle. Le shadow board ne serait donc pas toujours ce « comité vitrine » qui est seulement là pour faire joli : « Chez nous, ce sont des jeunes qui sont confrontés tous les jours à des problématiques très opérationnelles, et qui du coup apportent un point de vue plus pragmatique sur le déploiement des orientations qu’on souhaite prendre », ajoute Leslie Dehant.
Cet exemple de réussite n’est heureusement pas le seul. Au sein du groupe Saint-Gobain, le shadow board créé en 2016 est toujours actif, en raison notamment de ses résultats encourageants : « L’une des leaders sur le sujet du feedback a piloté la mise en place d’un nouvel outil d’évaluation qui est toujours utilisé aujourd’hui », raconte Noëmi Boutet, General Manager dans une filiale du groupe. De son côté, la DRH d’Adecco a même décidé de pousser l’initiative encore plus loin en créant “CEO for a month”, qui permet à un jeune sélectionné d’accompagner le CEO d’Adecco pendant 30 jours : « C’est intéressant, car le lauréat participe également à tous les comités de direction. À la fin de la réunion, il fait ses propres retours, ce qui apporte vraiment un regard différent », s’enthousiasme Leslie Dehant. Nous sommes encore loin de laisser les commandes aux jeunes employés, mais on ne peut que se réjouir que le shadow board soit en pleine progression dans les entreprises.
Article édité par Ariane Picoche
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