Ces entreprises US qui misent sur le congé paternité pour faire la différence
09 sept. 2019
4min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Et si le congé paternité était devenu la nouvelle frontière en matière de marque employeur ? Aux Etats-Unis, la parentalité est peu protégée par la loi. Pas de congés payés par la Sécu ! Ce n’est que depuis 1993 que les femmes américaines ont droit à 12 semaines de congés… non rémunérées. Et les hommes n’ont droit à presque rien. Seuls quelques Etats (dont la Californie) prévoient un congé pour les pères.
Pas facile de combiner travail et parentalité dans ces conditions. Mais cette absence de protection sociale laisse beaucoup de marge de manœuvre aux employeurs. La parentalité et la paternité en particulier sont donc devenues des sujets de marque employeur différenciants. AmericanExpress, Lenovo, Spotify, Etsy, Twitter, Unilever, IBM, Netflix… Certaines entreprises américaines se battent pour devenir la « meilleure entreprise pour les papas ». Et elles ouvrent la voie pour toutes les autres…
Un peu de contexte…
Les études sont sans appel, les inégalités se creusent lorsque les femmes deviennent mères. Juste après la naissance d’un enfant, les revenus des mères ont tendance à diminuer (y compris au Danemark !), tandis que ceux des pères augmentent. En toute logique, beaucoup d’entreprises tentent donc d’offrir plus d’avantages aux mères pour combler le fossé. Puisqu’il n’y a pas de congé maternité rémunéré aux Etats-Unis, les entreprises soucieuses d’attirer les talents féminins offrent des congés maternité rémunérés. Presque toutes le font.
Et les pères ? Plusieurs études récentes ont montré que c’est en offrant plus aux pères qu’on stimule le plus la diversité sur le long terme. L’implication des pères dans les premiers mois de la vie d’un enfant a des effets de long terme : ceux qui sont plus présents au début seront plus présents par la suite. En d’autres termes, une des clés de la progression des carrières féminines, c’est le congé paternité.
Comme la loi américaine ne prévoit presque rien pour les nouveaux pères, au mieux, ils prennent quelques jours de vacances – et ils ne le font pas souvent car les Américains en général ne prennent en moyenne que16 jours de vacances par an. Au pire, ils doivent travailler encore plus lorsqu’ils deviennent pères…pour compenser la perte de revenus de leur conjointe.
Le congé paternité : un moyen de booster sa marque employeur
Aujourd’hui, les entreprises sont peu nombreuses à offrir des congés paternité généreux. Le chiffre est en progression, mais seulement 15% des employeurs américains offrent un congé aux jeunes pères sous une forme ou une autre (19% des grandes entreprises et 14% des PME). Celles qui sont les plus généreuses en la matière peuvent donc donner un sacré coup de pouce à leur marque employeur et se démarquer des autres.
C’est un choix payant pour le recrutement des talents des jeunes générations car davantage d’hommes souhaitent être des pères présents. Une étude d’un think tank américain montre que les hommes sont aujourd’hui aussi nombreux que les femmes à affirmer que la parentalité est constitutive de leur identité (57% pour les hommes, 58% pour les femmes). Mais ils sont 48% à regretter ne pas pouvoir s’occuper davantage de leurs enfants.
Les entreprises championnes
Depuis 2015, le média américain Fatherly établit chaque année le classement des « 50 meilleures entreprises pour les papas » (parmi les entreprises de plus de 1000 employés). Plusieurs critères sont pris en compte : congés paternité offerts (durée et pourcentage du salaire couvert), mais aussi flexibilité du temps de travail, crèches d’entreprise… et comment les pères se sentent dans l’entreprise. Le média célèbre un « changement culturel profond vis-à-vis de la place des pères ». Les entreprises qui se placent en tête de cette liste sont des pionnières qui jouent un rôle important dans ce changement culturel.
Voici les 6 meilleures dans le dernier classement Fatherly :
AmericanExpress compte 20 000 employés aux Etats-Unis (et 32 000 à l’international). L’entreprise a radicalement amélioré ses politiques RH à destination des parents à partir de 2017. 20 semaines de congés payés sont proposées aux nouveaux parents (hommes et femmes). Des campagnes de communication (#dontmissamoment) poussent les pères à prendre leurs congés. Ces derniers trouvent dans l’entreprise des groupes de discussion pour apprendre à mieux jongler vie privée et vie professionnelle. Avant même qu’ils ne deviennent parents, les employés d’Amex peuvent bénéficier de 35 000$ pour leurs traitements médicaux (fertilité) ou leurs démarches d’adoption. L’entreprise subventionne également une partie des frais liés à la garde d’enfants.
Lenovo compte un peu plus de 4000 employés aux Etats-Unis (et 50 000 à l’international— c’est une multinationale chinoise). 8 semaines de congés payés sont offerts aux pères américains. L’entreprise se distingue surtout par la flexibilité du temps de travail et sa volonté de mener des politiques pour l’inclusion des pères et des parents de même sexe. Chaque année, un grand événement annuel est organisé pour tous les enfants des employés. En 2018, Lenovo a reçu la meilleure note duHuman Rights Campaign’s Corporate Equality Index.
Spotify est une startup suédoise qui compte environ 4 000 employés, dont une partie aux Etats-Unis, à New York City. Pas étonnant que l’entreprise ait voulu partager la culture suédoise pro famille avec ses quelques employés américains, notamment en proposant des congés parentalité exceptionnels. 6 mois de congés sont offerts aux jeunes parents. Des aides sont également proposées pour la garde d’enfant. Fatherly ne dit pas combien de pères profitent de ce congé…
Etsy a un peu plus de 1 000 employés, basés à Brooklyn. L’entreprise propose jusqu’à 26 semaines de congé parental. Elle n’a pas de programme pour aider les employés à faire garder leurs enfants, mais propose des aides aux parents d’enfants handicapés. Beaucoup des programmes pour le « bien-être » profitent aussi aux jeunes parents.
Twitter compte environ 3 300 employés dans la Silicon Valley. L’entreprise a été l’une des premières à offrir de nombreux avantages aux parents. Ils ont droit à 20 semaines de congés payés. Quand ils reviennent de congés, ils peuvent rejoindre le groupe des « parents Twitter » qui leur donne accès à des groupes de discussion et d’entraide, et à de nombreuses réductions sur des produits et services pour les parents.
Unilever North America : les 7800 employés d’Unilever au New Jersey bénéficient de 8 semaines de congés parentalité qui peuvent être pris n’importe quand au cours de la première année, et de nombreux avantages, comme le remboursement des frais d’adoption d’un enfant (jusqu’à 7000$), une crèche d’entreprise et une certaine flexibilité du temps de travail.
En ce qui concerne la parentalité, les Américains n’ont aucune leçon à donner en matière de politique publique et de protection sociale. C’est l’un des pays où la réglementation et l’offre publique sont les plus déficientes du point de vue des parents. Mais, sans doute pour cette raison, les entreprises ont une carte à jouer et certaines innovent en faisant de la parentalité un levier de leur marque employeur. On trouve donc dans ce pays des employeurs éclairés qui semblent avoir compris que le soutien aux pères est l’une des clés essentielles de la diversité. Ce sont là des sources d’inspiration pour les entreprises européennes.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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