Assessment center : la méthode d'évaluation des candidats en situation réelle
18 avr. 2023
5min
Trouver le profil parfait pour un poste donné, c’est le lot quotidien de nombreux RH et managers. Un outil semble néanmoins se démarquer pour les aider à déceler les compétences clés des candidats : l’assessment center. Là où l’entretien traditionnel jauge les profils pour ce qu’ils sont, ce processus les évalue pour ce qu’ils peuvent être et faire en situation réelle. Le graal sur le papier, mais qu’en est-il en vérité ?
L’erreur : voilà la crainte qui gouverne tout processus de recrutement. Et pour cause, perte de temps et d’argent conséquente, elle a également un impact en matière d’engagement des équipes, de marque employeur ou encore de développement de l’entreprise. Toutes les méthodes, ou presque, sont donc bonnes pour limiter ce risque. D’autant plus face à la pénurie de talents à laquelle font désormais face les entreprises - 58 % des recrutements sont jugés difficiles actuellement. Certaines d’entre elles se tournent ainsi vers l’assessment center dans l’espoir de flirter avec le risque 0. À tort ou à raison ? Éléments de réponse avec nos experts du Lab Céline Méchain et Léo Bernard.
L’assessment center, une méthode aux facettes multiples
L’assessment center (ou centre d’évaluation, en français) est une technique prédictive qui cherche à évaluer les capacités d’une personne dans une situation professionnelle déterminée. Le tout en faisant abstraction d’autres paramètres éventuels - et le plus souvent à l’origine de biais - comme l’âge, le niveau d’études, les diplômes obtenus, etc. Lors de questionnaires d’aptitudes cognitives, de tests de personnalité et/ou d’exercices collectifs (en binôme ou en groupe), vont être analysés les comportements et réactions des candidat·es dans le cadre d’une prise de poste. Le but ? Parvenir à observer leur personnalité, leurs compétences mais surtout leurs aptitudes futures.
Généralement sollicité lors d’un recrutement ou d’une mobilité, ce procédé peut être mis en place, sur un ou deux jours le plus souvent…
Directement par le service RH de l’entreprise : « Chaque année, L’Oréal doit recruter de nombreux stagiaires pour chacun de ses départements. Pour les départager, les équipes RH convient une soixantaine de personnes présélectionnées à une journée de tests. Les candidats sont accueillis par le CEO avec présentation de la vision de l’entreprise et des différentes marques… S’ensuivent des speed datings avec les managers puis des travaux en groupe, avec des étapes de sélection et d’élimination : à la fin de la journée, après les différentes sélections, les meilleurs repartent avec une offre de stage », explique Léo Bernard, cofondateur du bootcamp Tshaped recruiter et expert du Lab.
Par un prestataire externe : « Dans ces cas de figure, on invite toute une journée un ou une candidate dans un cabinet extérieur pour lui faire passer un panel de tests : mise en situation, personnalité et logique. Ce sont généralement pour des postes stratégiques qui nécessitent une large palette de compétences », décrit Céline Méchain, consultante RH et experte du Lab.
La méthode d’évaluation exige quoi qu’il en soit une préparation globale. « Pour comprendre nos besoins en termes de compétences, notre partenaire a effectué une analyse de poste et du profil avec l’équipe RH ainsi qu’une immersion métier », souligne Léna Basile, directrice développement RH et formation chez la Banque Populaire. La communication, la diffusion des annonces comme l’identification des candidat·es méritent notamment d’être anticipées par le partenaire et/ou l’entreprise. « Le Jour J, nous avons convié une dizaine de candidats au sein de nos locaux qui ont effectué une série de mises en situation, d’interviews, de jeux de rôle et de cas pratiques en individuel et collectif. Le jury était composé de managers de la Banque Populaire, de membres de l’équipe RH ainsi que des évaluateurs de notre partenaire », ajoute-t-elle. À la clé pour les personnes sélectionnées : une promesse d’embauche.
Assessment center : l’outil idéal en pleine crise du recrutement ?
Gain de temps, inclusion, attractivité… des bénéfices au long cours
« Nous nous heurtons à trois difficultés majeures : le recrutement de conseillers clientèle particuliers, l’attractivité du secteur bancaire et le turnover de certains métiers en tension », explique Léna Basile. Dans ce contexte, l’équipe RH a décidé d’ouvrir ses recrutements à des profils « atypiques », à savoir non issus du secteur bancaire, en reconversion ou avec un bagage académique différent, par le biais de la méthode d’assessment center. La raison ? À bien des égards, cette dernière peut être considérée comme un « bon investissement RH ». « C’est un dispositif qui permet de rationaliser le choix d’un profil, en décryptant le fameux “gut feeling”, ce sentiment que l’on a quand on rencontre quelqu’un », analyse Céline Méchain.
En effet, ces tests permettent de mettre en exergue de nombreuses informations, telles que les aptitudes individuelles comme la capacité à interagir avec les autres. Mais ils révèlent également certains comportements dans des situations professionnelles parfois exposantes (gestion d’un CODIR, conflit…), afin d’évaluer l’aptitude à résister au stress ou à prendre des décisions rapidement. « L’assessment center chez L’Oréal a un double intérêt : il offre une évaluation individuelle grâce aux entretiens menés par les managers. Et une vision plus collective car, tout au long de la journée, des recruteurs observent les compétences comportementales clés des candidats (l’entraide, la créativité, etc.). La décision se fait de manière collégiale en croisant les retours. À condition que ce soit bien effectué (bien préparé, non discriminant et juste pour les candidats), cette méthode peut fonctionner », considère Léo Bernard.
Autre atout non négligeable : le gain de temps. Le mode « promo » permet d’évaluer plusieurs candidat·es en même temps. Que dire du ROI ? : « Lors de chaque assessment, nous avons recruté un ou plusieurs candidats », affirme Léna Basile. Trois effets collatéraux positifs ont été également observés : « L’attractivité d’un vivier de candidats plus large et la mise en lumière des compétences plus que l’expérience promeuvent la diversité au sein de nos établissements. C’est un modèle qui casse les codes et permet de moderniser notre image employeur, ce qui impacte l’engagement de nos collaborateurs car nous démontrons notre utilité sociale via plus d’inclusion », souligne encore la directrice développement RH et formation chez la Banque Populaire.
Coût, effet dissuasif, lourdeurs… des à-côtés à ne pas minimiser
« Le coût et l’organisation ne sont pas négligeables ! Le dispositif exige une grande mobilisation en interne et un effort conséquent en termes de pédagogie auprès des équipes », alerte néanmoins Léna Basile. Léo Bernard, quant à lui, met un point de vigilance sur l’expérience candidat : « Si je me place d’un point de vue candidat, je ne recommande pas les tests classiques, sous-traités et sans âme. Ils sont assez déshumanisants : il y a un effet boîte noire car on ne sait pas pourquoi on doit passer par cette étape. Puis, les tests de personnalité sont peu impactants sur la performance future, c’est prouvé… alors pourquoi en faire ? »
Sans compter que cela tend à alourdir les processus de recrutement, déjà jugés trop longs : « Ils ont un effet dissuasif avec une portée limitée, surtout quand ils sont réalisés par des externes : la déperdition d’information est très importante ». Un sentiment partagé par Anne-Sophie Jarrige, recruteuse et coach professionnelle qui a récemment réalisé un assessment pour rejoindre un cabinet RH : « Le test m’a pris plus de trois heures. J’étais isolée face à mon ordinateur et je ne comprenais pas l’enjeu de certaines questions complètement décorrélées du poste visé. Cela m’a confortée dans l’idée que je ne voulais pas rejoindre ce cabinet ».
Assessment center : un outil d’orientation plus que de recrutement ?
Si l’assessment center peut rebuter, l’éradiquer du recrutement pourrait être dommage. La solution ? Le hacker ! En effet, il existe des alternatives innovantes qui s’affranchissent des limites des assessments version 2000. « La création de cas opérationnels “faits maison” est une troisième voie qui permet de s’intéresser à la manière dont réagit le candidat à une problématique et d’analyser son cheminement de pensée », propose Céline Méchain. Aussi, il existe des approches immersives en mode jeux vidéo qui apportent une autre vision du/de la candidat·e : les serious games tels que Yuzu proposent d’évaluer des soft skills clés telles que l’adaptabilité, la résistance au stress ou encore le leadership via des expériences personnalisées et ludiques.
Davantage, la méthode d’évaluation n’est-elle pas un outil idoine pour la mobilité, les reconversions ou les étapes d’orientation ? Anne-Laure Tapponier, consultante en accompagnement et RH en témoigne : « J’ai passé un assessment lorsque j’ai changé de poste au sein de mon ancienne entreprise : cela a permis d’identifier les axes d’amélioration pour réussir une prise de responsabilité à un niveau CODIR. Ensuite, j’ai pu bénéficier d’un coaching pour travailler sur ces points spécifiques ». Côté entreprise, c’est donc un excellent outil d’intégration, lors de l’onboarding, pour accompagner la montée en compétences : « Le manager d’équipe dispose d’une lecture des axes à travailler et des compétences comportementales ». À tester donc ?
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Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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