Salaire et télétravail : les deux critères indispensables de vos offres d'emploi ?

Offre d’emploi, le détail qui « tue » votre expérience candidat ?

En pleine guerre des talents, recruter est devenu un calvaire pour un grand nombre d’entreprises : actuellement, 22 % d’entre elles cherchent à embaucher, mais 6 % seulement ne rencontrent aucune difficulté à recruter, selon une grande consultation réalisée par OpinionWay pour CCI France.
Face à cette adversité conjoncturelle, RH et recruteurs s’échinent à trouver des idées innovantes (gaming, événementiel, journée immersive…) afin d’attirer les candidats devenus la ressource rare du XXIe siècle.

Et si la différence se jouait ailleurs ? À commencer par l’offre d’emploi. Trop basique ? Peut-être, néanmoins, elle reste l’outil le plus convoité par les candidats (91 %) et les recruteurs (96 %). Sans compter qu’entre 2021 et 2022, on observe une hausse de 72 % du volume d’offres － une hausse, également observée par Pôle emploi en 2022 －, conjuguée à une baisse de 49 % du volume de candidatures. Soit une moyenne de 0,88 candidatures par offre. Hypothèse n°1 : les offres d’emploi semblent boudées par les talents. Comment alors les rendre plus attractives ?

Léo Bernard, cofondateur du bootcamp Tshaped et expert du Lab, a tenté de répondre à cette question en menant une expérience empathique sur l’expérience candidat : il s’est mis dans la peau d’un·e candidat·e en postulant auprès de 50 entreprises dans divers secteurs et villes de France, allant de la PME à la start-up en passant par les grands groupes. Son terrain de jeu ? L’offre d’emploi. Léo Bernard les a décortiquées, analysées, parfois raillées (c’est le jeu !) jusqu’à mener une restitution inédite de son expérience lors de notre événement annuel « Human after all ». De cette expérience, nous avons réalisé un ebook, au sein duquel cet expert en recrutement dévoile les trois grands paradoxes qui, selon lui, « plombent » vos offres d’emploi. À commencer par deux critères qui deviennent plus qu’essentiels pour vos candidats : le salaire et le télétravail.

Salaire et télétravail : l’Arlésienne du recrutement

Ce qu’on retrouve (encore trop) souvent

90 % des 50 annonces auxquelles Léo Bernard a postulé n’indiquent pas de salaire. Or, la rémunération est une attente forte des candidats. Si bien que près de la moitié d’entre eux (45 %) affirment être moins susceptibles de postuler en l’absence de cette mention phare. Qu’on se le dise, les mentions « Salaire : à définir selon profil », « Salaire : en fonction de l’expérience » ou encore « Salaire (vraiment) attractif/motivant » ne suffisent plus ! Car que lit-on en filigrane ? « L’entreprise assume de dire qu’elle paie à la tête du/de la candidat·e et qu’elle en est fière… Mieux vaut alors, au moins, mettre une fourchette », préconise l’expert en recrutement.

Même chose s’agissant du télétravail. Parmi l’ensemble des annonces auxquelles Léo Bernard a postulé seules deux expliquent, de manière précise, les conditions de télétravail. Pour les autres, si la possibilité est évoquée, le cadre de sa mise en oeuvre reste flou ou inexistant. Or, selon une étude réalisée par MonitoHR en mars 2022, les offres qui ne mentionnent pas la possibilité de travailler en remote sont beaucoup moins attractives : sur un échantilllon de plus de 6 300 offres analysées, 80 % de celles n’ayant généré aucune candidature sont localisées n’autorisent pas le télétravail. Un critère pourtant encore sous-estimé par les entreprises, puisque seules 22 % d’entre elles pensent que l’absence de télétravail constitue un frein majeur à leur attractivité selon les travaux croisés de l’Anact et l’Apec.

Depuis la crise Covid, télétravail et salaire sont les deux critères qui ressortent le plus dans bon nombre d’études. « C’est la base de la pyramide de Maslow : ce n’est pas le critère qui va motiver les personnes à choisir votre entreprise, mais c’est ce qui fait qu’elles n’y postulent pas », explique Léo Bernard. On fait ici référence aux facteurs de satisfaction et d’insatisfaction de Frederick Herzberg : les facteurs qui conduisent à la satisfaction dans le travail sont différents de ceux qui conduisent à l’insatisfaction. Les facteurs qui conduisent à la satisfaction sont qualifiés de « facteurs de motivation » ou « valorisants » (autonomie, compétences…). Ceux qui amènent à l’insatisfaction sont envisagés comme des « facteurs d’hygiène » ou d’ambiance (politique d’entreprise, environnement physique de l’entreprise, télétravail, salaire…). Les réactions des individus sont différentes selon que l’on s’intéresse à leurs motivations au travail ou aux causes de leurs mécontentements. Le psychologue en a même fait une équation : pour motiver, il faut une absence d’insatisfaction et de la satisfaction. Motivation = absence d’insatisfaction + satisfaction. CQFD !

On fait comment, alors ?

1. Indiquer le salaire (ou au moins une fourchette) sur son annonce

Léo Bernard l’affirme : on observe 80 % de clics en plus sur une offre quand le salaire est affiché. Un gain non négligeable dans le contexte actuel de tensions du recrutement. En effet, 65 % des candidats évoquent l’absence de fourchette salariale comme principal drapeau rouge pour postuler. Dans cette mouvance, certains jobboards, tels que Indeed, exigent de mentionner le salaire, ou a minima, cette fameuse fourchette.

2. Préciser les conditions de télétravail en détails

Selon le baromètre du télétravail de 2021, 86 % des télétravailleurs souhaitent poursuivre le travail à distance avec une moyenne idéale de 2 jours par semaine. Du coup, pour Léo Bernard, le constat est simple : « C’est bien de dire qu’on fait du télétravail, mais c’est encore mieux de dire “comment” on le fait. »
Dans l’offre, il est donc utile de préciser les conditions pour permettre aux candidats de se projeter selon leurs propres attentes. Quelles sont les modalités : jours imposés ou liberté de choisir, conditions… ? Y a-t-il une possibilité de faire du remote à l’étranger ? Quid des frais de déplacement ? Est-ce que l’entreprise a mis en place une culture qui est alignée avec le travail asynchrone ?

3. Pas de télétravail ou de salaire attractif ? Optez pour le zéro complexe !

Quand on a ni salaire « motivant », ni télétravail à offrir, que fait-on ? « Peut-être faut-il s’interroger sur le pourquoi de cette dissonance avec le marché et en profiter pour revoir sa grille de salaire et les conditions de télétravail ? », préconise Léo Bernard. S’il est impossible de faire évoluer ces deux thèmes, il ne reste qu’à assumer ! Même si le recrutement est devenu une opération séduction, l’authenticité doit rester la ligne conductrice.

Deux stratégies sont possibles :

• Faire de l’humour : « Vous l’aurez compris, les salariés ne restent pas chez nous pour le salaire, à première vue. Mais voilà ce qui les motive au quotidien : xxxx » Vous pouvez expliciter tous les avantages et les conditions favorables pour le/la candidat·e (mutuelle, sport, évolution, responsabilités, vélo ou voiture à disposition, formation…). Pour appuyer vos déclarations, renvoyez vers les commentaires de vos salariés sur les réseaux sociaux ou votre site carrière ou profil entreprise au sein d’un site spécialisé.
• User de pédagogie : expliquez vos choix, vos enjeux en termes de télétravail avec transparence. Vous ne faites pas de télétravail ou peu : peut-être que vos métiers ne sont pas télétravaillables à plus de X % ? Peut-être que, justement, c’est un sujet en cours de discussion (accord ou charte en cours de création) ? Mettez l’accent sur le revers positif de la médaille : la convivialité ! Au bureau, vous organisez des événements, les déjeuners sont gratuits certains jours, des sorties sportives et culturelles sont prévues tous les vendredis…

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps