Pourquoi sous-estime-t-on toujours le temps nécessaire pour réaliser un projet ?
26 mars 2021
2min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
NOUS SOMMES TOUS BIAISES - C’est un fait : nous sommes tou·te·s victimes des biais cognitifs. Vous savez ces raccourcis de pensée de notre cerveau, faussement logiques, qui nous induisent en erreur dans nos décisions quotidiennes, et notamment au travail. Dans cette série, notre experte du Lab Laetitia Vitaud identifie les biais à l’oeuvre afin de mieux comprendre comment ils affectent votre manière de travailler, recruter, manager… et vous livre ses précieux conseils pour y remédier.
Explication
Nous avons tendance à surestimer notre rythme de travail et / ou sous-estimer le temps nécessaire pour réaliser une tâche ou un projet. Vous est-il déjà arrivé de promettre de finir un projet « d’ici la fin du mois » et de vous retrouver obligé en fin de mois, soit de faire des nuits blanches non prévues pour finir dans les temps, soit de devoir envoyer, tout.e penaud.e, un message à votre supérieur.e ou client.e pour demander plus de temps ? Si oui, vous n’êtes pas seul.e !
« L’illusion de planification » est la traduction française du concept de « planning fallacy » que l’on doit aux chercheurs Daniel Kahneman et Amos Tversky, qui l’ont mis en évidence en 1979. C’est une sous-catégorie du biais d’optimisme, le biais qui vous amène à croire que vous êtes moins exposé.e à un événement négatif que d’autres personnes (par exemple, que vous êtes moins à risque que les autres de développer une dépendance à l’alcool).
Ce qui est étonnant avec l’illusion de la planification, c’est qu’on en est victime même quand on a déjà fait à plusieurs reprises l’expérience d’un décalage entre le plan et la réalité. Parfois, pour des tâches identifiques, pour la réalisation desquelles on devrait pouvoir parfaitement quantifier le temps de travail nécessaire, on tombe encore et encore dans l’illusion de planification. Il en va de même pour l’estimation des coûts d’un projet, et l’estimation des risques encourus.
Le dépassement des coûts est donc l’une des conséquences fréquentes de cette illusion pour les entreprises. Il existe de nombreux exemples de projets qui en ont fait les frais. L’Opéra de Sydney devait être achevé en 1963, mais n’a finalement ouvert qu’en 1973 (avec un dépassement supérieur à 100 millions de dollars). L’aéroport international de Denver a coûté 2 milliards de plus que prévu. Le nouvel aéroport de Berlin a coûté plus de 8 milliards de plus que prévu, et n’est ouvert qu’en 2021 (14 ans après le début des travaux)…
Conséquences pour les ressources humaines
Les départements des ressources humaines sont particulièrement touchés par ce biais, tant la planification y a une place importante. On fait de la planification des besoins en personnel d’un point de vue quantitatif et qualitatif : « de combien de personnes a-t-on besoin ? » et « quelles sont les connaissances et compétences dont nos collaborateurs auront besoin à l’avenir ? ». Il peut aussi y avoir de la planification de réduction du personnel. Et la planification concerne aussi les formations.
On sous-estime souvent les difficultés qu’on aura à recruter le nombre d’individus prévu. On sous-estime les budgets dont on aura besoin. À l’échelle individuelle, les managers des RH ont aussi tendance à sous-estimer le temps qu’il leur faut pour accomplir leurs tâches.
Comment y remédier ?
Segmentez les tâches (et a fortiori les projets) en plusieurs petites tâches constitutives : c’est une méthode efficace pour remédier en partie à l’illusion de planification. En général, nous planifions de telle sorte que la somme des temps prévus pour toutes les micro-tâches est supérieur au temps prévu pour le projet dans sa globalité lorsqu’on ne le segmente pas.
Enregistrez les budgets / durées de chaque projet effectué. Pour planifier, reportez-vous systématiquement à ce qui a déjà été fait. À ce temps (ou cette somme, quand il s’agit d’un budget), ajoutez quelque chose pour prendre en compte l’imprévu et l’inflation.
Enfin, pensez toujours à sonder vos collègues et vos pairs pour une estimation plus juste.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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