Managers : comment accompagner un collaborateur en sous-performance ?

11 févr. 2025

9min

Managers : comment accompagner un collaborateur en sous-performance ?
auteur.e
Sarah Torné

Rédactrice & Copywriter B2B

contributeur.e

Comment agir face à un collaborateur qui ne remplit pas ses objectifs ? De l’analyse des causes à la mise en place de solutions adaptées, sans oublier, parfois, la prise de décisions difficiles, cette situation exige quoi qu’il en soit du manager autant de méthode que de bienveillance.

Un collaborateur en sous-performance, c’est un peu comme un joueur clé qui enchaîne les mauvais matchs. Dès lors, son coach observe les difficultés rencontrées, analyse les pistes de solution pour y remédier et ajuste sa stratégie pour remettre le joueur sur la voie de la réussite. Mais est-ce aussi simple dans le monde professionnel ? La gestion de la sous-performance est l’une des responsabilités les plus délicates pour un manager. Car, derrière chaque baisse de performance, on trouve souvent des causes complexes, allant d’un manque de compréhension des attentes à une perte de motivation plus profonde.

Et si l’objectif ultime est de permettre à chaque collaborateur de retrouver sa pleine capacité, cela nécessite des méthodes structurées et beaucoup de patience. Alors comment accompagner un collaborateur en sous-performance ? Comment identifier les causes profondes de ses difficultés ? Quels leviers un manager peut-il activer pour l’aider à retrouver sa pleine capacité ? Et comment agir avec justesse lorsque les efforts ne suffisent pas ?

Sous-performance : mieux comprendre pour mieux agir

Qu’est-ce que la sous-performance ?

La sous-performance se manifeste par un écart entre les résultats attendus et ceux effectivement obtenus. Pour être détectée et traitée correctement, elle nécessite un cadre clair : des objectifs définis, des indicateurs mesurables et un référentiel partagé. Sans ces éléments, la sous-performance devient une notion floue. « Sans métrique, on ne manage pas, on devine », défend Alexis Eve. Pour cet expert et coach en management, impossible de viser une victoire aux 100 mètres sans chronomètre ou de perdre du poids sans balance. Malheureusement, ce manque de cadre est fréquent dans les équipes où les attentes sont implicites ou mal communiquées, rendant toute évaluation hasardeuse.

Pourtant, Alexis Eve insiste : « On peut toujours mesurer, quelles que soient les spécificités d’une équipe. Même si c’est difficile, il y a toujours un indicateur possible. Si vous êtes perdu, demandez à votre supérieur ou regardez comment fonctionnent les entreprises plus structurées. Une équipe Produit peut suivre le nombre de fonctionnalités livrées, une équipe R&D le nombre de papiers de recherche publiés… Il ne faut pas se cacher derrière l’idée qu’on apporte une valeur “indirecte”. » Ainsi, dans une équipe commerciale, la performance peut être mesurée par le nombre de prospects générés ou les ventes conclues, et dans un service client, les métriques incluent souvent le nombre de tickets résolus ou le temps moyen de réponse.

Reste qu’établir de telles métriques est essentiel pour plusieurs motifs :

  • Donner un cadre objectif : les métriques permettent aux collaborateurs de savoir ce que l’on attend d’eux, sans ambiguïté. Tandis que l’absence de chiffres clairs ne fait qu’ajouter une couche de subjectivité.
  • Donner un cadre clair : comparer les performances au sein de l’équipe, au marché ou aux attentes de l’entreprise aide à définir ce qui est acceptable ou non.
  • Donner un cadre mesurable : les données offrent une base concrète pour mesurer les efforts et ajuster les plans d’action. « Une équipe sans métriques est une équipe sans repères. Si vous mesurez mal la performance, ou pas du tout, vous laissez place au ressenti, et le ressenti n’a rien d’objectif », complète Alexis Eve.

Les impacts de la sous-performance

La sous-performance d’un collaborateur ne se limite jamais à une simple question de résultats individuels. D’autant plus que ses conséquences peuvent se faire sentir à plusieurs niveaux :

  • Pour le collaborateur concerné : elle est souvent une expérience douloureuse. Ne pas atteindre les objectifs fixés peut engendrer une perte de confiance en soi, de l’anxiété, voire une démotivation durable. Ce cercle vicieux peut s’intensifier si le problème n’est pas rapidement adressé. « La sous-performance n’est jamais neutre pour la personne concernée. Sans accompagnement, elle se transforme rapidement en un sentiment d’échec qui freine toute tentative de progression », souligne Alexis Eve.
  • Pour l’équipe : elle peut générer des frustrations, car les collègues se retrouvent souvent à devoir compenser les lacunes du collaborateur en difficulté. Cette surcharge de travail peut, à son tour, alimenter des tensions internes, notamment si le problème persiste sans être abordé.
  • Pour l’entreprise : les résultats financiers peuvent en pâtir, tout comme la compétitivité, si des objectifs stratégiques ne sont pas atteints. Mais les impacts les plus insidieux concernent la culture d’entreprise : lorsque la sous-performance est ignorée ou mal gérée, elle envoie un message négatif aux équipes.

Pourquoi il est souvent difficile d’adresser la sous-performance ?

Adresser la sous-performance d’un collaborateur est une tâche complexe, non seulement sur le plan pratique, mais aussi sur le plan émotionnel.
Plusieurs freins peuvent empêcher d’agir efficacement :

  • Les biais humains : l’une des principales raisons qui freinent les managers est la tendance à croire en un potentiel illimité chez les collaborateurs, même lorsque les signaux d’alerte sont clairs. « On ne veut pas se dire qu’un collaborateur n’est pas fait pour le rôle qu’il occupe, alors on se persuade qu’avec un peu plus de temps, de formation ou de motivation, il finira par s’améliorer. Mais tout le monde ne progresse pas à la même vitesse, et tout le monde n’a pas les mêmes capacités pour atteindre les résultats attendus », renchérit Alexis Eve. Or, ce biais pousse souvent les managers à prolonger inutilement des situations problématiques. La conviction que « tout le monde peut y arriver avec suffisamment d’efforts » est certes bienveillante, mais elle peut se révéler contre-productive si elle empêche de poser des limites réalistes.
  • Le manque de courage managérial : retarder une discussion difficile ou une décision importante sous prétexte de « laisser une chance » est une tentation courante. Pourtant, cette approche peut aggraver la situation. « Ce qui nous freine souvent, c’est l’idée de blesser un collaborateur que l’on apprécie ou la peur de dégrader la relation. Mais en agissant ainsi, on oublie que notre responsabilité est avant tout envers l’équipe et l’entreprise. Laisser traîner une sous-performance, c’est pénaliser tout le monde », explique Alexis. La peur de paraître injuste ou trop sévère conduit certains managers à contourner le problème, à éviter les conversations directes ou à minimiser l’ampleur des difficultés. Pourtant, adresser la sous-performance dès les premiers signes est souvent la clé pour prévenir des conséquences plus lourdes, aussi bien pour le collaborateur que pour l’équipe.

5 étapes incontournables pour prévenir et remédier à la sous-performance

Étape n°1 : poser les bases

Adresser la sous-performance est toujours plus efficace lorsqu’elle peut être anticipée et cela passe par des fondations managériales solides. L’un des premiers leviers pour prévenir la sous-performance est la communication. Dit autrement, cela consiste à définir et partager des objectifs clairs, mesurables et compris par tous. Trop souvent, les managers supposent que leurs collaborateurs savent exactement ce qui est attendu d’eux, alors qu’un manque de clarté est fréquemment à l’origine des écarts de performance.

Les bonnes pratiques qui peuvent faire la différence :

  • Instaurer des rituels réguliers : les OKRs (Objectives and Key Results) sont un excellent outil pour aligner les équipes sur des objectifs communs. Organiser des revues semestrielles ou trimestrielles permet aussi de mesurer les progrès et d’ajuster les attentes si nécessaire.
  • Répéter et simplifier les messages clés : en reprenant régulièrement les objectifs et les critères de performance, vous réduisez les risques de malentendus. L’objectif est de rendre les attentes impossibles à ignorer ou être mal interprétées. Il ne s’agit pas seulement d’annoncer une fois les règles du jeu, mais de s’assurer qu’elles sont intégrées et comprises.

Étape n°2 : prévenir plus que guérir

Le feedback est l’un des outils les plus puissants pour prévenir la sous-performance, à condition qu’il soit utilisé fréquemment. Trop souvent perçu comme une critique formelle ou un jugement, le feedback devrait plutôt être un réflexe naturel, orienté sur des actions spécifiques et accompagné de pistes d’amélioration. « Il faut désacraliser le feedback. Ce n’est pas une note de professeur, mais un retour sur un geste, une action. L’objectif est soit d’ancrer une bonne habitude, soit de modifier ce qui doit changer », pose Alexis Eve. Sans oublier qu’une culture du feedback efficace fonctionne dans les deux sens : le manager doit également encourager ses collaborateurs à exprimer leurs besoins et leurs retours sur son style de management.

Les bonnes pratiques qui peuvent faire la différence :

  • Donner des retours réguliers : pas besoin d’attendre une évaluation annuelle pour partager un feedback. Cela peut être intégré à des réunions hebdomadaires ou même adressé de façon informelle.
  • Orienter les retours sur des points précis : par exemple, au lieu de dire : « Tu n’as pas atteint tes quotas », mieux vaut expliquer : « Tu as perdu ce prospect parce que tu n’as pas géré cette objection. Voici une méthode pour mieux répondre dans ce cas. »

Étape n°3 : identifier les causes profondes de la sous-performance

Malgré les meilleures pratiques pour prévenir la sous-performance, il arrive qu’un collaborateur ne parvienne pas à atteindre ses objectifs. Dans ces moments-là, l’intervention du manager devient obligatoire. Avant toute action corrective, il est essentiel de comprendre pourquoi le collaborateur est en difficulté. Alexis Eve recommande de partir des fondamentaux : « Est-ce un problème de compréhension, de compétence, ou de motivation ? Si vous ne posez pas cette question, vous risquez d’agir à côté de la plaque. »

Les bonnes pratiques qui peuvent faire la différence :

  • Discuter ouvertement avec le collaborateur : organisez un entretien en tête-à-tête pour explorer les raisons de la sous-performance. Posez des questions ouvertes comme « Peux-tu m’expliquer ce qui te bloque en ce moment ? » ou « Y a-t-il des ressources ou des outils qui te manquent ? »
  • Vérifier la compréhension des attentes : une technique efficace consiste à demander au collaborateur de reformuler ce qu’il a compris des objectifs et de ses responsabilités. Alexis nuance toutefois : « À utiliser avec parcimonie, car cela peut sembler infantilisant, mais cela lève souvent les ambiguïtés. »

Étape n°4 : mettre en place un plan d’accompagnement

Une fois les causes identifiées, il est temps de construire un plan d’action personnalisé. Celui-ci doit être clair, réaliste et axé sur des résultats concrets. Julien (1), responsable commercial dans une PME, a fait face il y a un an à la sous-performance d’un membre de son équipe, Sophie (1), une commerciale junior recrutée huit mois auparavant. « Lors de son onboarding, elle était enthousiaste, impliquée, et ses premières semaines montraient un vrai potentiel. Mais très vite, ses résultats ont stagné et elle n’arrivait plus à atteindre ses quotas », se souvient-il. Après trois mois de sous-performance -elle peinait à atteindre 7 nouveaux prospects par mois, bien en dessous de l’objectif fixé à 12 pour son poste-, Julien décide d’intervenir à l’aide d’un plan d’accompagnement.

Les bonnes pratiques qui peuvent faire la différence :

  • Établir un suivi régulier : l’entretien individuel est une étape clé pour comprendre la situation sans la juger. Pour Julien, l’objectif est clair et le résultat au rendez-vous : « Je voulais qu’elle se sente écoutée, sans pression. Si elle était en difficulté, il fallait d’abord comprendre pourquoi. Ici, elle se sentait déstabilisée par certaines objections des prospects, une peur classique chez les juniors qui lui a fait perdre confiance en elle. »
  • Proposer des solutions adaptées : formations, mentorat, outils… Il est essentiel d’aider votre salarié à acquérir les compétences qui lui permettront de renouer avec la performance. « Chaque semaine, nous avons fait des simulations d’appels ensemble. L’idée était de travailler ses réponses aux objections, mais aussi de renforcer son assurance dans ces situations. Elle avait besoin d’outils concrets pour structurer ses réponses et d’un cadre rassurant pour gagner en efficacité. »
  • Poser des objectifs progressifs : au lieu de maintenir l’objectif initial, il peut être encourageant pour votre collaborateur de monter les marches petit à petit, à l’aide d’étapes intermédiaires. « On a commencé par viser 8 prospects, puis 10, avant d’arriver à 12. Ces paliers ont permis à Sophie de retrouver un rythme progressif sans se sentir écrasée par la pression. » Six mois après l’intervention, Sophie est l’une des meilleures commerciales de l’équipe : « Ce qui a fait la différence, c’est qu’on a travaillé ensemble. Elle savait qu’elle avait un filet de sécurité, mais aussi que les attentes étaient claires et justes. »

Étape n°5 : décider quand il faut envisager une séparation

Malgré les meilleures intentions et un accompagnement structuré, il arrive qu’un collaborateur ne parvienne pas à surmonter ses difficultés. Dans cette situation délicate, le manager doit se poser les bonnes questions pour trancher avec justesse. Une situation bien connue de Caroline, manager dans une entreprise de logistique : « Je me souviens très bien de Paul, un coordinateur d’équipe que j’avais embauché il y a quelques années pour superviser les opérations sur le terrain. Sur le papier, il semblait avoir toutes les qualités pour réussir. Mais, très vite, j’ai commencé à remarquer que quelque chose n’allait pas : les plannings qu’il gérait étaient souvent erronés, ce qui causaient des retards dans les opérations et des tensions au sein des équipes. » Malgré la simplification de ses tâches et l’organisation de sessions de coaching hebdomadaires, au bout de six mois, rien ne change. « J’ai compris qu’il était temps de mettre fin à cette collaboration. Ce n’était pas une décision facile, mais je savais que c’était la meilleure pour lui comme pour l’équipe », se remémore-t-elle.

Les bonnes pratiques qui peuvent faire la différence :

  • Se poser les bonnes questions :
    Mon collaborateur veut-il progresser ? : si ce dernier manque de motivation ou n’exprime pas de désir sincère de s’améliorer, vos efforts en tant que manager risquent de rester vains.
    Est-il prêt à faire les efforts nécessaires ? : ici, la volonté ne suffit pas toujours, il faut également que le collaborateur s’engage activement, accepte le feedback et applique les plans d’amélioration.
    A-t-on le temps pour cela ? : dans certains contextes, les contraintes opérationnelles ou stratégiques peuvent limiter la possibilité d’un accompagnement prolongé. Il faut évaluer si l’énergie et le temps nécessaires pour aider cette personne sont compatibles avec les priorités de l’entreprise.
  • Mettre fin à la collaboration avec respect : même avec les meilleures intentions, il n’est pas toujours possible de sauver un collaborateur. « On ne va pas à la dernière étape sans passer par toutes les autres. Mais parfois, la séparation est le seul choix pour protéger l’équipe et les objectifs de l’entreprise », résume Alexis Eve. Reste qu’il est essentiel d’y mettre les bonnes formes, à l’image du travail mené par Caroline. « J’ai proposé à Paul un préavis aménagé pour qu’il puisse chercher un autre poste sans pression immédiate. Je lui ai aussi rédigé une lettre de recommandation, car même si ce rôle n’était pas pour lui, il avait de vraies qualités. »

La gestion d’une situation de sous-performance, en ce qu’elle nécessite un équilibre délicat entre bienveillance et exigence, représente un défi majeur pour tout manager. Reste que derrière chaque situation de ce type, se cache souvent une opportunité d’apprentissage et de développement, tant pour le collaborateur que pour le manager. En créant un environnement de confiance et de soutien, ce dernier mise sur un investissement en temps et en énergie qui, bien mené, peut transformer une situation délicate en véritable succès collectif.

__

(1) Les prénoms ont été modifiés

Article rédigé par Sarah Torné et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

Les thématiques abordées