Aides au logement : l'atout marque employeur qui casse la baraque ?

16 mars 2023

4min

Aides au logement : l'atout marque employeur qui casse la baraque ?
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

contributeur.e.s

Autrefois, le logement de fonction était un avantage en nature qui faisait des émules. Aujourd'hui, il a tendance à disparaître au profit d’autres dispositifs moins coûteux et engageants pour l’entreprise et les collaborateurs. Mais face à un marché du recrutement en tension, certaines organisations misent à nouveau sur la case « logement » pour se différencier auprès de leurs futurs talents. Pour le meilleur ou pour le pire ? Décryptage.

Une réponse à cette inflation qui inquiète ?

L’économiste Thomas Porcher alerte sur le fait que près d’un collaborateur sur trois craint que son salaire ne suive pas l’inflation des prix. Une inquiétude légitime qui aurait un impact direct sur leur productivité. « 88 % disent aussi que si leurs attentes en termes d’augmentation ne sont pas satisfaites, ils iront voir ailleurs. Donc, finalement, ce n’est pas fiable pour l’entreprise qui a investi dans ses salariés, qui les a formés, et qui vont aller se vendre au plus offrant s’ils en ont la possibilité », ajoute-t-il dans une interview pour Welcome to the Jungle. Outch.

C’est pourquoi Bénédicte Tilloy, DRH et experte du Lab, rappelle aux entreprises qu’elles doivent communiquer sur le sujet et montrer leur pleine conscience du problème. « C’est un signal envoyé aux salariés, qui prouve que l’on est attentif à ce que leurs conditions de vie restent acceptables compte tenu de la situation », explique-t-elle dans une table ronde.

Mais alors, quelles solutions concrètes proposer ? Car les avantages jusqu’ici mis en avant par les entreprises pour « faire la différence » - prise en charge complète de la mutuelle ou d’un abonnement à la salle de sport, flexibilité horaire… - semblent loin de répondre aux préoccupations actuelles de leurs équipes. Ce que veulent les collaborateurs, c’est pouvoir payer leurs factures, manger… et se loger correctement.

Aider ses salariés à se loger : le nouvel argument qui fait mouche

Programme « 1 % Patronal », prime au déménagement, prise en charge du dépôt de garantie, subventions de loyer, logement de fonction… La variété des dispositifs d’aide au logement à disposition des entreprises n’a d’égal que leur complexité. Pourtant, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans l’aventure, tant l’argument est devenu clé pour le recrutement et la rétention des talents.

Le logement de fonction : brillante idée ou retour à l’entreprise paternaliste ?

Le logement de fonction a connu ses heures de gloire, avant de disparaître progressivement au fur et à mesure de l’explosion des coûts de l’immobilier. Il fait cependant un retour timide, notamment dans les zones dans lesquelles le rapport entre les revenus du travail et le coût du logement freinent le recrutement. « Pour certains types d’employeurs qui disposent de parcs de logement de fonction existants, il est possible d’imaginer des solutions un peu innovantes qui permettent de mutualiser les coûts.C’est une piste intéressante pour recruter quand on y parvient pas», observe Laetitia Vitaud, autrice et conférencière sur le futur du travail.

Un atout pour le recrutement et pour la fidélisation des collaborateurs ? C’est certain. Mais la sécurité qu’offrent les logements de fonction a un coût… et pas seulement pour les employeurs. « Le rapport de dépendance à l’entreprise est énorme. Car si le logement représente un coût important et que c’est l’entreprise qui le prend en charge pour vous, il devient très difficile de partir », rappelle Jérémy Clédat, CEO de Welcome to the Jungle.

Entre l’investissement financier important pour l’entreprise et l’entrave à la flexibilité des salariés, tout porte à croire que le retour du logement de fonction reste et restera timide. Heureusement, les entreprises ont d’autres cartes en main, qui s’avèrent souvent plus faciles à jouer.

Aider ses collaborateurs à acheter leur résidence principale : la solution gagnant-gagnant ?

« D’un côté du spectre, on observe que l’indépendance financière est de plus en plus importante pour les jeunes actifs… mais aussi de plus en plus compliquée à atteindre. De l’autre, on est face à des entreprises qui se sentent souvent démunies face aux dispositifs d’aide au logement complexes, et qui pourraient pourtant les aider à attirer et à retenir leurs talents », confie Fleur Douet, Head of Coms and Brand pour la start-up Virgil.

C’est pourquoi la start-up facilite l’accès à un dispositif jusqu’ici complexe et réservé aux grandes entreprises. « Celles-ci peuvent bonifier l’emprunt de leurs salariés, à savoir d’assumer elles-mêmes une partie du coût du crédit », explique Charlotte Scalia, responsable de la solution. Concrètement, ce type de dispositif permet à une entreprise de prendre en charge, par exemple, 0,5 % d’un prêt à 3 %. « Et ce n’est pas anodin, car il faut savoir que quand les taux d’emprunt augmentent de 1 %, la capacité d’emprunt diminue de près de 10 % », ajoute-t-elle. Dans une récente étude, Virgil affiche d’ailleurs un chiffre choc : 63 % des talents seraient prêts à changer d’entreprise pour bénéficier d’une telle aide.

Une solution pour fidéliser les collaborateurs, qui s’avère moins contraignante qu’un logement de fonction. « Si on quitte l’entreprise, on revient simplement au taux contractuel initial », précise Charlotte Scalia. Pour l’organisation, c’est une alternative concrète et moins onéreuse qu’une augmentation de salaire généralisée, car plus ciblée.

Des solutions à petite et grande échelle

BNP Paribas, Danone, Orange… de nombreuses grandes entreprises françaises proposent déjà des aides pour les employés qui ont des difficultés à se loger près de leur lieu de travail. À la SNCF, par exemple, l’entreprise a mis en place une Garantie Logement pour les nouveaux embauchés en Île-de-France en poste depuis moins de 6 mois*. Elle s’engage à proposer une offre de logement ou un accompagnement à la recherche, dans un délai maximum de 4 mois et à moins de 20 km du lieu de travail.

Mais il n’est pas nécessaire de faire partie du CAC 40 pour imaginer des solutions inventives face aux difficultés de recrutement. En Moselle, où la difficulté à attirer des candidats frappe particulièrement les activités de l’hôtellerie-restauration, le groupe de travail de l’Umih (l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) propose une initiative aux entreprises du territoire : prendre en charge le montant du loyer durant la période d’essai, période pendant laquelle il est particulièrement difficile d’accéder au logement. « Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises font appel à des cabinets de recrutement ou des chasseurs de têtes. Personne ne s’étonne que cette prestation ait un coût. Financer un loyer durant une période d’essai doit être envisagé dans la même optique : c’est un outil supplémentaire permettant de recevoir des candidatures et de trouver le meilleur profil possible », explique Christophe Thiriet, président de l’Umih.

Car au-delà du recrutement, il existe aussi un lien étroit entre la sérénité dans sa capacité à se loger et la productivité au travail. L’accès au logement est l’un des besoins fondamentaux de l’être humain, et le fait d’avoir un logement stable, sain et confortable est essentiel pour assurer un bien-être psychologique et physique. « Communiquer sur son engagement pour l’accès à la stabilité financière est un vrai argument pour les entreprises aujourd’hui. Au-delà du pouvoir d’attraction et de rétention de ce type d’offre, cela offre davantage de sérénité face à l’avenir. Pour les collaborateurs, accéder plus facilement au logement, c’est une épine dans le pied en moins… et donc plus d’énergie à consacrer à sa carrière », conclut Fleur Douet.

Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ.

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