Alternance : l'incroyable boom
11 mars 2021
5min
AT
Rédactrice
Record battu ! En 2020, malgré la crise du Covid-19 qui a lourdement impacté l’emploi des jeunes, le nombre de contrats d’apprentissage signés dans le secteur privé a bondi de 40 % par rapport à 2019, s’élevant ainsi à 495 000. La barre symbolique des 500 000 contrats a donc été largement dépassée si on inclut les employeurs publics. Ce mode de formation, qui alterne cours théorique à l’école et enseignements professionnels en entreprise, fait des émules dans la sphère étudiante comme professionnelle. La réforme de l’apprentissage de 2018, née de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, avait déjà commencé à populariser l’alternance. « Auparavant, une réglementation lourde limitait la déclaration des formations en apprentissage. La réforme de Muriel Pénicaud a libéralisé le dispositif, notamment chez les filières post-Bac », explique Olivier Gauvin, délégué général de l’association WALT (We Are Alternants), qui édite une plateforme rapprochant candidats et entreprises.
En 2020, les entreprises ont fait fi du contexte sanitaire et ont donc continué à se tourner vers l’alternance. « Chez Mazars, nous accueillerons une cinquantaine d’alternant.e.s d’ici le mois d’août 2021, dans l’audit, l’expertise comptable et le conseil », détaille Charlotte Gouiard, responsable RH Tech & Experience Candidats chez Mazars. « À la rentrée 2021, nous accueillerons 103 alternant.e.s. C’est une pratique d’apprentissage qui est très ancrée dans notre groupe. Les besoins émanent de nos managers, qui sont nombreux.ses à réclamer ces étudiant.e.s », enchérit Elizabeth Amado, consultante en développement RH chez APICIL.
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Les TPE et PME drivent les embauches
Ce plébiscite de l’alternance se retrouve principalement chez les entreprises de petites tailles. D’après le ministère du Travail, dans deux cas sur trois, ce sont des sociétés de moins de 50 salariés qui ont conclu des contrats d’apprentissage en 2020. Ces TPE et PME ont représenté, à elles seules, 322 000 contrats d’apprentissage signés. « Ces dernières années, les OPCO (Opérateurs de compétences des entreprises de proximité, ndlr) ont fait la promotion de l’apprentissage auprès de leurs TPE et PME, qui se sont montrées intéressées par le dispositif. Il leur permet parfois de recruter des profils pointus qu’elles n’auraient pas pu embaucher de manière traditionnelle », analyse Olivier Gauvin. Un boom de la formation en alternance qui concerne l’ensemble des secteurs d’activité, dont le commerce de détail (hors automobile), le BTP et les industries alimentaires, qui forment le trio de tête des plus gros pourvoyeurs de postes en apprentissage. « Il y a encore quelques années, certaines entreprises évoluant dans des secteurs réglementaires comme la santé et la sécurité privé n’avaient pas la culture de l’apprentissage. Les blocages ont, au fil des années, été levés », assure Olivier Gauvin.
Les aides gouvernementales stimulent les employeurs
Les mesures incitatives du gouvernement semblent avoir joué un rôle primordial dans la résistance de l’alternance face à la crise du Covid-19. Pour éviter que les jeunes se retrouvent en marge du marché de l’emploi, l’exécutif a lancé en juillet 2020 le plan « 1 jeune 1 solution » qui prévoit notamment une aide à l’embauche pour les entreprises. Ce coup de pouce, qui a été prolongé jusqu’à fin mai, permet aux employeurs de toucher une prime de 5000 euros pour le recrutement d’un.e étudiant.e mineur.e en apprentissage et de 8000 euros pour un.e étudiant.e majeur.e. « Grâce à cette prise en charge financière de l’État, nous estimons entre 5 et 10 % le volume d’alternants que nous avons recruté en plus. En période de crise, c’est difficile d’en accueillir davantage dans la mesure où il nous faut leur trouver des tuteur.e.s en région », explique Dominique Barbé. « Toutes les entreprises, de la TPE à la multinationale, quel que soit le diplôme recherché, ont pu bénéficier de cette aide. Celles qui ne l’ont pas touchée étaient celles de plus de 250 salariés qui ne respectaient pas le quota des 5 % d’alternant.e.s obligatoire dans leurs effectifs », décrypte Olivier Gauvin. Résultat : même dans l’automobile, un secteur très fragilisé par la crise sanitaire, le nombre d’apprenti.e.s formé.e.s en 2020 a grimpé de 12 % selon le CNPA. Et pour cause : « grâce à cette mesure, le coût de recrutement d’un.e apprenti.e est quasi nul la première année », rappelle Olivier Gauvin.
Popularité en croissance chez les étudiant.e.s
Le dynamisme traduit par les chiffres de l’année 2020 s’explique par d’autres facteurs dont l’engouement croissant des étudiant.e.s pour l’apprentissage. À juste titre puisque le dispositif est un tremplin vers l’emploi. Selon Adecco, 9 apprentis sur 10 décrochent un poste dès leur arrivée sur le marché de l’emploi. « Pour les jeunes, ce mode de formation est un excellent moyen de se former tout en mettant un premier pas dans le monde de l’entreprise. Étant donné que les contrats s’inscrivent dans la durée – généralement 1 à 2 ans – les étudiant.e.s acquièrent des compétences solides qui leur permettent d’être plus opérationnels et autonomes lorsqu’ils cherchent un premier poste », explique Dominique Barbé, délégué emploi et développement RH chez GRDF. En moyenne, chaque année, le distributeur de gaz propose un CDI à 20 à 25 % de ses 700 alternant.e.s « dont un quart pour nos postes de techniciens/ciennes, qui exploitent nos réseaux », précise-t-il. Un pourcentage qui monte jusqu’à 80 % chez Mazars. « Les jeunes que nous embauchons en CDI à l’issue de leur contrat d’alternance obtiennent le grade d’auditeur expérimenté, non celui de débutant », précise Charlotte Gouiard. Pour les étudiant.e.s, l’alternance constitue également un bon moyen de financer leurs études. Et c’est un argument de taille. « Le coût des écoles de commerce est de plus en plus élevé, en moyenne entre 12 000 et 13 000 euros par année », rappelle-t-elle.
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L’enseignement supérieur en tête
L’intérêt pour l’alternance s’explique également par la part croissante de contrats signés pour préparer un diplôme de l’enseignement supérieur, donc pour accéder à des postes plus qualifiés. En 2020, 22 % des contrats d’apprentissage concernaient la préparation d’un diplôme de niveau Bac+2, 17,5 % d’un diplôme de niveau Bac+3/+4 et 18 % un diplôme de niveau Bac+5 ou plus, selon le ministère du Travail. Des chiffres qui devraient tordre le coup à quelques idées reçues. « Auparavant, on considérait l’apprentissage comme une voie de garage destinée aux élèves en échec. Lorsque toutes les images d’Épinal seront combattues, c’est la formation initiale qui deviendra un second choix », prédit Olivier Gauvin. Les partenariats que tissent les entreprises avec les écoles et les universités illustrent ce rééquilibrage entre les basses et les hautes qualifications. « Nous travaillons avec l’ESSEC, Audencia, Neoma… qui proposent des rythmes d’alternance qui sont adaptés à la saison de l’audit financier, qui a lieu entre janvier et mars », illustre Charlotte Gouiard. Plus étonnant, « l’alternance est tellement montée en puissance qu’elle s’apprête à prendre le pas sur le stage de fin d’études », remarque la responsable RH de Mazars. Un avis qui n’est pas encore partagé par Caroline Attané, responsable recrutement chez Wavestone. « Dans les écoles de management, les places ouvertes à l’alternance sont encore restreintes. Nous accueillons donc jusqu’à 500 stagiaires chaque année et moins de 100 alternant.e.s », confie-t-elle.
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S’entourer des compétences de demain
Nul doute que l’alternance a donc encore de beaux jours devant lui. « Les aides mises en place par le gouvernement incitent nos entités à recruter des alternant.e.s. Nous avons lancé, en 2020, un « Pacte Alternance » dont l’un des objectifs est d’arriver à 2500 alternant.e.s d’ici 2023, soit 5 % de notre effectif », précise Manuèle Lemaire, directrice de l’alternance chez Veolia. Même enthousiasme chez Schneider Electric. Le groupe mise sur ce dispositif pour sourcer des jeunes aux compétences potentiellement pénuriques. « En 2021, nous poursuivrons notre politique en matière d’alternance et nous accueillerons 1000 jeunes de niveau BEP à Master 2 sur des métiers en tension dans le digital, la R&D, l’analyse de données… Notre démarche est quasi citoyenne, nous ne voulions pas que cette génération impactée par la crise soit laissée sur le bord de la route », conclut Emmanuelle Le Merrer, VP Talent Acquisition chez Schneider Electric.
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