Le “side project” : peut-on avoir un projet personnel en étant en poste ?

18 juin 2019

6min

Le “side project” : peut-on avoir un projet personnel en étant en poste ?
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Quel est le point commun entre Under Armour, Etsy et Apple ? Ces entreprises n’étaient à l’origine que des “side projects”, c’est-à-dire des projets menés en parallèle des emplois de leurs créateurs sans but financier ou sans intention de développement.

Kevin Plank était un joueur de football de l’université du Maryland dans les années 1990. Constamment frustré de porter des maillots épais et chauds, il décide de se créer son propre vêtement de sport qui reste sec même pendant les entraînements les plus intenses. Ce fut une telle réussite qu’il décida de le vendre à d’autres sportifs. Aujourd’hui, Under Armour est l’une des 10 marques de sport les plus puissantes au monde.

Avez-vous déjà entendu parler du terme “side hustle” ? En anglais, celui-ci désigne un projet, une passion lancée ou en devenir dans laquelle on souhaite s’investir (hustle = tumulte – l’énergie que l’on dépense) sans pour autant abandonner son travail à temps plein.
Aujourd’hui, 4,5 millions de personnes en France, soit 16 % des actifs, cumulent plusieurs métiers par choix ou par obligation. Se lancer dans un projet professionnel en parallèle de son activité de salarié est possible, mais il faut pour ce faire respecter quelques obligations à l’égard de son employeur.

Qu’est qu’un side hustle ?

Ce terme, très employé dans les médias anglophones, désigne l’émergence d’individus qui souhaitent s’accomplir professionnellement en dehors de l’entreprise. Il incarne la quête d’un revenu supplémentaire, la fierté, la passion et, plus important, la joie de créer quelque chose par soi-même.

La plupart des individus ont une activité, un hobby ou une appétence, que ce soit dans le domaine de la musique, du code en open source ou de la couture. La différence entre un loisir et un véritable side hustle, c’est l’énergie dépensée pour construire ce projet. Car, oui, un side project est un travail en soi. Il faut y consacrer du temps, se fixer des objectifs et se donner les moyens de réussir.

Pourquoi avoir un side hustle ou side project ?

D’après un article de Fast Company, publié en mars 2019, les données de LinkedIn ont révélé que 71 % des employés déclarent avoir un side hustle pour des revenus supplémentaires et que 36 % poursuivent un projet lié à leur passion.

Une source de revenu complémentaire. Une raison à ne pas négliger pour ceux qui ont besoin d’un complément de revenu.

– Un moyen de développer sa passion. Souvent, des personnes passionnées laissent de côté leur passion car elles sont persuadées que cette dernière n’est pas compatible avec leur travail ou leur quotidien. Sarah, Freelance Experience Manager en CDI chez Comet, a décidé de prendre le temps de vivre sa passion pour la photographie.

« J’ai développé une vraie passion pour la photographie argentique et je suis impliquée dans plusieurs projets en lien avec celle-ci : reportages en free-lance, […] rédaction de photo essays, exposition de mes tirages, cours de photos au centre Jean Verdier. Je travaille en ce moment sur un projet de photographies argentiques aquatiques en lien avec le surf. »

– Une diversification de ses activités. Le side projet permet aussi de toucher à un domaine n’ayant aucun lien avec son emploi et de faire appel à des capacités différentes, comme la créativité. Artisanat, monde associatif, univers artistique… Les possibilités sont nombreuses. Marine, architecte en CDI, crée des compositions artistiques avec des insectes (papillons, libellules… ). Elle a un compte instagram qui expose ses créations.

« J’encourage ce genre de projet. Ce sont ces activités qui permettent d’enrichir sa journée et de sortir du train-train quotidien. Les marchés de créateurs sont désormais répandus et je trouve génial de rencontrer de nouvelles personnes. Je pense que l’on a tous un petit côté “chef d’entreprise” que l’on doit laisser s’exprimer. »

Sarah souligne également ce besoin d’un projet artistique épanouissant :

« C’est un besoin assez fort d’avoir ce côté artistique dans ma vie, de créer et de donner vie à mes idées. C’est aussi un refuge dans les moments compliqués, de la même manière que certaines personnes se réfugient dans le sport ou dans les livres. »

– Un moyen de s’épanouir. Le side project peut devenir une respiration dans un quotidien parfois angoissant ou répétitif.

« Lorsque j’ai commencé mon projet, je travaillais dans une agence où je ne me plaisais pas vraiment. Ce projet était une manière de m’épanouir autrement et de réaliser mes propres projets de A à Z. Depuis, j’ai changé d’employeur, mais ce projet est demeuré une activité extraprofessionnelle qui me permet d’enrichir mes journées », poursuit Marine.

– Un moyen d’acquérir de nouvelles connaissances. Se former au code, créer son site Internet, apprendre à coudre, découvrir la mécanique. L’apprentissage est aussi un side project.

– Une première étape vers l’entrepreneuriat. Entre un projet parallèle et l’entrepreneuriat, il n’y a qu’une étape à franchir, celle de se lancer à temps plein dans l’aventure. Avant de quitter son emploi et une situation stable, poursuivre son projet sur son temps personnel permet de ne pas brûler les étapes.

Peut-on combiner son side project avec son emploi ?

Cela dépend du type de side project envisagé. Une activité non pécuniaire pose déjà moins de questions juridiques qu’une activité qui apporte un complément de revenu.

Cumul des statuts : que dit la loi ?

Se lancer dans un projet entrepreneurial tout en étant salarié est autorisé et tout à fait légal que ce soit sous la forme d’une microentreprise, d’une entreprise individuelle ou d’une société (EURL, SARL, SAS ou SASU).

Attention ! Certaines professions ne sont pas compatibles avec une autre activité. Les professions libérales réglementées par exemple sont incompatibles avec une activité commerciale. Sauf cas particuliers, les agents de la fonction publique ne peuvent pas cumuler plusieurs activités.

Le salarié doit également vérifier quelques éléments de son contrat de travail :
– Une éventuelle clause dite “d’exclusivité” qui interdit aux employés de l’entreprise d’exercer toute autre activité professionnelle simultanément.
– Une clause de non-concurrence.

Le salarié doit également respecter les conditions suivantes :
– Le salarié a une obligation de loyauté qui l’oblige à respecter son cadre de travail et à ne pas nuire à son entreprise à travers son activité.
– Le salarié ne peut pas non plus utiliser les ressources de son entreprise pour développer son activité (par exemple, en utilisant la base de données clients).

Sarah, par exemple, a un statut free-lance particulier du fait de son activité de photographe :

« J’ai un statut de free-lance auteur-photographe, que je gère avec Shine (banque et gestionnaire administratif en ligne des indépendants). Ce statut particulier signifie que mes photographies sont dédiées à une exposition ou à une publication. II m’autorise à agrandir mes propres créations pour les revendre. Les images sont considérées comme des photos d’art, le tirage est limité à 30 exemplaires et les photos doivent comporter ma signature, une numérotation et un certificat d’authenticité. »

Faut-il en parler à son employeur ?

La carte de la transparence sera toujours appréciée. Le salarié doit instaurer une relation de confiance avec l’entreprise et communiquer sur son activité. Dissimuler son projet peut générer de la défiance auprès de l’employeur.

« J’ai prévenu mon nouvel employeur de cette activité. Il n’y a vu aucun inconvénient dans le sens où mon projet n’empiète pas sur mon activité principale », confirme Marine.

Comment s’organiser soi-même et avec son entreprise pour que cela nuise pas à son travail ?

Il est strictement interdit de travailler à son side project pendant ses heures en entreprise.
De même, il faut éviter au maximum que son activité parallèle influe sur sa vie professionnelle (retard, fatigue, concentration). En effet, travailler sur son temps libre revient à est s’exposer à un éventuel surmenage qui peut nuire à son efficacité et à sa concentration. Le défi est donc de réussir à gérer deux activités de front et à hiérarchiser les priorités.

« Mon contrat indique que je ne dois pas être en situation de cumul d’emploi et le bon sens fait que mon side project ne doit pas influer sur mes conditions de travail. Je fais attention à me concentrer uniquement sur mon travail en journée et sur mes projets photo le soir et le week-end. Je n’aménage pas mon temps d’une manière bien définie mais mes semaines sont chargées et je dois me lever tôt le week-end. », comme l’explique Sarah.

L’intrapreneuriat, une opportunité d’entreprendre en entreprise

C’est la tendance qui réunit l’entreprise et le salarié autour de l’innovation. Google, la Société Générale, Nexity sont quelques-unes des entreprises qui autorisent leurs salariés à consacrer un jour par semaine à un projet autre que celui de leur mission.

L’intrepreneuriat consiste à favoriser la création de projets innovants par les salariés au sein de l’entreprise. Il s’agit d’une opportunité de développer un projet personnel tout en ayant le soutien (notamment financier) de ses employeurs.

Cette tendance est née à la fois d’un besoin d’innovation et de talents côté entreprise et d’une quête de sens côté salarié. L’intrapreneuriat permet de réinventer le rôle de l’employé en lui donnant du temps pour réaliser son side project en parallèle de ses missions habituelles.

Il ne faut pas oublier qu’un employé qui a lancé un side project est aussi un véritable atout pour l’entreprise :
– Il peut mettre de nouvelles compétences acquises dans un cadre personnel au service de l’entreprise.
– Il développe une plus grande flexibilité et une meilleure organisation.
– L’enrichissement tiré de son projet personnel peut compenser un passage à vide dans son travail quotidien ou un élément manquant dans son job (créativité, par exemple).

Pour ceux qui souhaiteraient se lancer, les ressources sont nombreuses sur la Toile. Shine a rédigé un guide à destination de ceux qui, comme Sarah, souhaitent développer leur projet artistique : Auto-entrepreneur vs artiste-auteur : quel statut social choisir pour les artistes ?

Le média Fast Company a même élaboré un agenda annuel de tâches et de grandes étapes à suivre pour construire son futur empire : Your 12-month guide to building your side hustle this year.

Merci à Sarah Witt et Marine Grieu pour leurs précieux témoignages.

Photo by WTTJ

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