ChatGPT, le coach pro qu’on n’avait pas vu venir

13 mars 2025

5min

ChatGPT, le coach pro qu’on n’avait pas vu venir
auteur.e
Romane Ganneval

Journaliste - Welcome to the Jungle

contributeur.e

Éviter les nœuds au cerveau, poser ses idées à plat, affûter ses arguments : et si ChatGPT était ce coup de pouce discret mais redoutablement efficace qu’on n’attendait pas ? Pas un gourou du développement personnel ni un consultant hors de prix, juste un copilote toujours dispo, capable de débroussailler une pensée, d’aiguiser une prise de parole ou de donner un petit coup de boost aux journées trop denses. Pierre, Jessica et Adrien nous racontent comment ils ont transformé ChatGPT en coach pro.

La première fois que Pierre a utilisé ChatGPT, il ne cherchait pas un renseignement anodin ni une aide technique. Il était seul, face à son écran, et il hésitait. Quitter sa copine avec qui il partageait sa vie depuis cinq ans ou s’accrocher encore un peu ? Il aurait pu en parler à un ami, s’allonger sur le divan d’un psy, mais ce soir-là, il a choisi une autre voie. Il a tapé son histoire sur son clavier d’ordinateur. Les débuts heureux, les frictions, les disputes dont il ne savait plus très bien l’origine, mais dont il connaissait trop bien l’issue. Il a pesé le pour et le contre, organisé ses pensées. Puis, il a posé cette question à ChatGPT : « D’après tout ce que je t’ai raconté, est-ce tu penses que je devrais rester avec elle ?» L’intelligence artificielle a analysé. Recoupé. Synthétisé. Et répondu, sans détour : « À long terme, cette relation a peu de chances de fonctionner. » Un verdict net qui tenait plus du constat que du conseil. Une évidence froide, mais à laquelle il n’a pas su opposer d’arguments. Il a suivi la réponse et ne l’a jamais regretté. Deux ans ont passé. Pierre a appris à dompter l’outil. Plus de confidences sentimentales. Moins d’états d’âme. Plus d’efficacité. Un mail à formuler, une stratégie à affiner, une nouvelle compétence à acquérir ? ChatGPT est devenu un réflexe. Une présence discrète, mécanique, qui n’interroge pas ses motivations, ne juge pas ses décisions. Juste un allié silencieux qui l’aide à faire les bons choix.

Un moyen simple et efficace d’obtenir des feedbacks

Il n’est pas seul à se reposer sur l’intelligence artificielle. Loin de là. Dans les bureaux feutrés comme dans les open spaces bruyants, ChatGPT n’est pas un simple gadget. Il s’est glissé dans le quotidien des salariés et des managers, jusqu’à s’imposer comme un coach silencieux, un conseiller, une boussole dans la jungle du travail. En novembre 2024, une étude de Google Workplace a mis des chiffres sur cette réalité : 82 % des jeunes adultes occupant des postes de direction utilisent régulièrement l’IA dans leur travail. Chez les Gen Z, ils sont 93 % et chez les millenials, 79 %. Loin d’être un simple assistant numérique, l’outil devient un levier d’apprentissage, une aide précieuse pour prendre du recul. D’ailleurs, 86 % des sondés estiment qu’il pourrait permettre aux dirigeants de devenir de meilleurs managers, 98 % le considèrent comme un atout pour structurer et organiser leur travail.

Jessica, manager dans une agence parisienne, ne cache pas son enthousiasme : « Ce qui est fascinant avec l’IA, c’est qu’elle n’a ni émotion ni biais.» Elle a toujours eu conscience que son regard sur son équipe n’était pas neutre. « Il y a des personnes que j’apprécie, d’autres avec qui j’ai plus de mal. Cela influence forcément mon jugement, surtout au moment des entretiens annuels. » Alors, pour s’imposer une rigueur, elle entre des données objectives – dossiers traités, taux de satisfaction client – et laisse ChatGPT en tirer une synthèse. Un garde-fou contre la subjectivité. Mieux encore, son assistant virtuel lui fournit des arguments, une trame, des éléments concrets si elle doit justifier ses décisions auprès de son équipe. Un filet de sécurité dans une fonction où l’erreur d’appréciation coûte souvent très cher.

D’ailleurs, la trentenaire ne se contente pas d’utiliser l’intelligence artificielle pour affiner sa gestion d’équipe. Elle s’en sert aussi comme un miroir, un outil pour prendre du recul sur son propre travail. Car si la culture du feedback progresse en France, elle reste encore largement confinée à l’entretien annuel. Or, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 98 % des collaborateurs se désengagent en l’absence de retours, et 53 % affirment ne jamais recevoir de feedback réellement utile à leur progression. « Quand tu deviens manager, ton travail est moins visible. Les résultats de ton équipe comptent, bien sûr, mais toi, en tant que manager, qui te dit si tu fais bien ton job ? » Elle s’est heurtée à ce vide, cette absence d’évaluation concrète qui laisse place au doute. Alors, elle s’est tournée vers ChatGPT. « Je lui pose des questions, j’essaie d’anticiper les galères, de prendre du recul sur mes décisions. C’est un peu comme un coach sur qui je peux compter n’importe quand. Ça ne fait que quelques mois que je suis à ce poste, et gérer une équipe, franchement, c’est pas toujours simple, surtout quand t’es hyper empathique. Ça m’aide à poser des limites », avoue Jessica. Loin du simple assistant numérique, l’IA devient pour elle un interlocuteur patient, une source de réflexion, une aide pour structurer ses idées et ajuster sa posture. « Les dirigeants en devenir ne se contentent pas de défendre l’IA, ils la déploient. Que ce soit pour améliorer la communication avec leurs équipes ou dégager du temps pour des tâches stratégiques », expliquait Yulie Kwon Kim, vice-présidente des produits chez Google Workspace à Quartz. Un assistant sur-mesure. Sans émotions, sans biais, sans hésitations.

Un outil d’amélioration continue

Dans la région de Biarritz, où il pilote la communication d’une PME dans le secteur des sports nautiques, Adrien a vite compris qu’il devait se débrouiller seul pour rester à jour. Ici, personne n’a vraiment le temps de suivre les tendances du marché, encore moins de se plonger dans des rapports d’analyse. Alors il a trouvé son raccourci : ChatGPT. Une aide discrète, rapide, efficace. « L’IA reformule, synthétise, ouvre des perspectives insoupçonnées, comme le ferait un mentor qui me pousserait à aller toujours plus loin, confie-t-il. Tout ça en gagnant du temps ! Comprendre une nouvelle approche du management sans passer des heures à lire des études qui se contredisent ? Saisir en quelques minutes les tendances qui redessinent son secteur sans se perdre sur LinkedIn ? En quelques secondes, l’IA me donne une réponse. »

Mais l’apprentissage ne s’arrête pas à la théorie. Pour lui, l’IA est un terrain d’entraînement, une sorte de simulateur professionnel à portée de main. Quand il doit préparer une présentation sur l’impact des réseaux sociaux, il ne part plus de zéro. Il interroge ChatGPT, récupère une synthèse des meilleures stratégies du moment, s’inspire d’exemples concrets. Un communiqué sensible à rédiger ? Il teste plusieurs tons, affine son message, évite les formulations maladroites. Et quand son patron lui demande un résumé des dernières tendances marketing, il n’a plus besoin de fouiller pendant des heures : le logiciel lui mâche le travail. L’IA s’invite naturellement dans le quotidien, sans contrainte ni prise de tête. Plus besoin de poser une demi-journée pour une formation ou d’attendre le prochain séminaire. L’apprentissage devient fluide, instantané, toujours disponible quand on en a besoin.

Et puis, il y a toutes ces questions qu’on n’ose pas vraiment poser en réunion, celles qu’on garde pour soi de peur d’avoir l’air dépassé. Comment recadrer un collaborateur sans le braquer ? Relancer une réunion qui s’éternise sans plomber l’ambiance ? Gérer un conflit sans jeter de l’huile sur le feu ? Là encore, ChatGPT fait le job. Pas de jugement, pas de regard en coin, juste des réponses claires, des pistes à explorer. Un outil qui ne remplace pas l’expérience, mais qui permet de gagner du temps, de tester des approches, d’affiner son instinct.

Garder un œil critique

Adrien, Pierre et Jessica le savent : ChatGPT ne remplacera jamais un vrai coach. Pourquoi ? Parfois, l’outil se trompe. Souvent, il manque de nuance. Il produit des réponses trop générales ou, au contraire, trop tranchées. « Mais pour rien au monde, je reviendrais en arrière », admet Pierre. Parce que ChatGPT est le soutien qu’ils attendaient tous. Celui qui leur fait gagner du temps, qui leur évite de s’épuiser sur des tâches répétitives, qui stimule leur créativité en les poussant à aller plus loin, qui leur offre un regard neuf, qui les aide à structurer leurs idées.

Et pour les jeunes managers comme Jessica, c’est aussi un garde-fou. Un moyen d’adopter une certaine neutralité quand il faut trancher, d’éviter de laisser l’affect prendre le dessus, de poser des limites sans se perdre en justifications et de prendre un peu plus confiance. Un assistant toujours dispo, jamais dans le jugement, toujours prêt à challenger une réflexion, à tester un raisonnement, à donner un coup de pouce sans imposer de réponse toute faite.

Alors oui, il faut garder un œil critique, recouper les infos, ne pas tout prendre au pied de la lettre. Mais dans un monde où le feedback se fait rare, où les questions sur l’avenir, le travail et son sens se multiplient, avoir un outil qui éclaire, qui bouscule et qui accompagne, c’est déjà une petite révolution. ChatGPT ne pense pas à leur place. Mais il leur évite de tourner en rond. Et ça, c’est précieux.

Article édité par Gabrielle Predko ; Photo de Thomas Decamps

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