Confinés, mais engagés : les salariés d'associations témoignent

07 avr. 2020

5min

Confinés, mais engagés : les salariés d'associations témoignent
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Lundi 30 mars, Édouard Philippe a appelé à un « effort de solidarité nationale » pour lutter contre le coronavirus. Face à cette situation d’urgence, l’accent est mis sur l’unité des citoyens et la capacité de chacun à apporter sa contribution. Si depuis l’annonce du confinement total, les projecteurs sont mis sur les entreprises et travailleurs, obligés de s’adapter en ces temps de crise, la question des associations et de leurs bénévoles, est beaucoup moins centrale. Aujourd’hui, plus de 13 millions de bénévoles et 1 million de salariés d’associations se retrouvent, eux aussi, à devoir redéfinir les lignes de leurs activités. Qu’en est-il pour eux ? Pour ceux qu’ils protègent ? Comment poursuivent-ils leurs actions ? Et pour ceux que le confinement laisse sans activité, l’engagement est-il un recours possible pour éloigner l’ennui ?

Confinés mais détérminés

Mardi 31 mars, 8h du matin, Maryse devine Plume au fond du pré, couché dans la brume du petit matin. Chaque jour ce cheval, comme les 25 protégés de l’association, est choyé, nourri ou soigné, selon ses besoins, par l’un des bénévoles. L’organisation habituelle, entre vétérinaires, soins et visites, est réglée comme du papier à musique, pour faire en sorte que ces équidés, sauvés de l’abattoir, coulent des jours heureux. Alors à l’annonce du confinement, Maryse a « tout de suite compris que ce serait compliqué (de poursuivre les activités, ndlr). On a tout fait pour rapidement s’organiser. On s’est référés aux conseils des ligues, fondations et des organisations. »

Pour cette petite association du Limousin, difficile de prioriser et de savoir qui des 30 bénévoles pourrait ou non poursuivre son engagement. « L’association a mis en place plusieurs règles pour respecter le confinement. J’ai moins de 70 ans donc j’ai le droit de continuer les visites aux chevaux… mais ce n’est pas le cas de tout le monde ! » explique la bénévole. Désormais, 22 d’entre-eux peuvent continuer « d’assurer le strict minimum lors des visites aux chevaux : remplissage des bacs, changement de l’eau, quelques caresses et à demain ! »

Bien que les missions nécessaires pour assurer la bonne santé des animaux soient maintenues, la question de celles demandant plus d’engagement humain sur le terrain reste sans réponse. Des associations, collectifs et fondations se sont rapidement mobilisés pour entamer un dialogue avec le gouvernement. Comme l’association Ethics for Animal et le collectif Chats 100% sterilisation obligatoire, qui ont adressé une pétition au gouvernement, concernant la poursuite des missions des associations de protection animale.

Le collectif réunit 602 associations engagées pour la protection des chats libres. Au-delà du nourrissage et des soins, la principale mission de ces associations reste le recensement, la stérilisation et la remise en liberté de ces chats. Gorete de Doras Neves, dirigeante du collectif, s’inquiète : « en temps normal, nous sommes déjà à flux tendus. Les changements climatiques provoquent des dérèglements chez la reproduction des chats, on se retrouve avec une saison des naissances qui démarre plus tôt, et qui en compte davantage. Si on doit tout arrêter pour rester confinés, quand on va sortir, ce sera ingérable. »

L’engagement et la détermination paient puisque le collectif a pu entrer en contact avec le gouvernement. Soutenu par près de 80 000 signataires, la pétition a porté ses fruits : les stérilisations peuvent reprendre, mais un flou subsiste autour de l’autorisation de déplacements.

Garder une activité pour limiter les dégâts

Des bénévoles surmotivés, il y en aurait encore des centaines, voire des milliers, sur le territoire. Comme, Étienne, volontaire de la Banque Alimentaire qui a redoublé d’engagement pour venir en aide au plus grand nombre « Comme le magasin dans lequel je travaille à fermé, j’ai plus de temps à donner. En tant que bénévole d’une grande association, on peut continuer d’intervenir dans de bonnes conditions sanitaires. » Engagé depuis 2018 dans l’un des 5 800 points de distribution de l’association, le jeune homme de 26 ans raconte la situation inédite : « nous avons dû nous adapter pour être en règle : on fonctionne comme un drive, c’est assez cocasse, les bénéficiaires nous demandent en direct ce dont ils ont besoin, puis on met dans les sacs et on donne. Évidemment on a des gants, masques… bref on s’adapte ! »

Si les bénévoles comme Étienne restent mobilisés, il en va de même pour les salariés des associations. C’est le cas de ceux de la Croix-Rouge, près de 16 000 personnes en France. Du côté de Poitiers, Thierry Gheereart, directeur du pôle lutte contre les exclusions dans la Vienne, raconte que tous se sont proposés dès le début pour assurer les nouvelles missions. « Nous avons réorganisé notre fonctionnement afin d’être ouverts 24 heures sur 24 et pour pouvoir distribuer tous les repas aux plus démunis. » Ainsi, chaque salarié s’est engagé pour récolter les stocks de cantine et dons faits à l’association, ensuite redistribués dans les différents centres d’urgence.

Le centre de Poitiers a également ouvert de nouvelles places pour accueillir les sans domiciles fixes, passant ainsi de 40 à 52 lits disponibles. Thierry Gheereart complète : « Le confinement nous a conduits à réorganiser nos fonctions, nos équipes mais également nos pratiques, pour que nous puissions apporter la meilleure réponse possible aux personnes que nous accueillons. » Bien loin d’être concernés par le chômage partiel, les équipes de la Croix-Rouge ont au contraire besoin de toujours plus de renforts pour aider le maximum de personnes.

Trouver sa place pour se rendre utile

Si certains peuvent toujours agir sur le terrains, d’autres membres d’associations, dont les actions ne requièrent pas une présence physique, doivent trouver un autre moyen de rester engagés. Le gouvernement a ouvert la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, permettant ainsi à tous les citoyens de s’engager. Les missions d’ordre vitales sont priorisées : l’aide alimentaire et d’urgence, la garde exceptionnelle d’enfants de soignants ou d’une structure de l’Aide Sociale à l’Enfance, le lien avec les personnes fragiles isolées (personnes âgées, malades ou en situation de handicap) et la solidarité de proximité (courses de produits essentiels pour des voisins fragiles, isolés ou handicapés).

Sandra s’est rapidement inscrite sur cette plateforme pour pouvoir aider en étant en règle « dans mon immeuble, j’ai accroché des post-its pour proposer mon aide à mes voisins. En discutant avec un voisin policier, il m’a expliqué l’existence de cette plateforme pour que je puisse aider sans risquer une amende. » Depuis elle enchaîne les petits services pour pallier l’ennui causé par le chômage partiel : « au-delà de l’aspect utilitaire, ça me permet malgré tout de pouvoir sortir de mon studio et d’échanger avec des personnes à qui je rends service, tout en respectant les mesures de sécurité. »

Mais à l’ombre de la plateforme gouvernementale et des associations les plus connues, de nombreuses structures restent dans le besoin. Pour répondre à cela, l’entreprise sociale Vendredi a également ouvert sa propre plateforme pour relier les demandes et les besoins. Une initiative exclusive, nommée Tous confinés, tous engagés remportant un franc succès comme l’explique Héloïse, responsable de la communauté, « il y a eu un énorme élan côté citoyen : on recense près de 700 inscriptions en une semaine ! Surtout, le taux de réponse aux offres des entreprises est passé à 10%, alors qu’en temps normal on est plutôt autour de 3%. » Preuve de l’envie de s’engager en cette période particulière.

Les équipes de Vendredi accompagnent également les associations pour éviter au plus possible l’arrêt de leurs missions et la mise en chômage partiel de leurs salariés. « Beaucoup ont cru que c’était la seule possibilité, voyant leurs activités sur le terrain suspendues. Or il y a encore la possibilité d’agir, de faire évoluer les associations, leurs activités. Pour beaucoup par exemple, la mise en place d’un service à distance est possible, les structures ont besoin de personnes compétentes pour les aider à mettre tout ça en place. » Pour cette entreprise, la mission au travers de cette action est simple : faire en sorte que chaque association puisse continuer d’avancer, entourée de ses bénévoles, et que chaque aspirant bénévole trouve son utilité en leur sein.

Grâce à la capacité d’adaptation et de résilience des associations, les plus démunis ne pâtissent pas des conséquences de cette crise. Espérons qu’il en sera de même quand à la gestion de l’après qui, comme le rappelle Héloïse, doit être anticipée « on encourage nos associations et entreprises clientes à rapidement se pencher sur le sujet car, on le sait tous, cela risque d’être compliqué. »

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Photo d’illustration by WTTJ

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