Comment venir en aide à un collègue au bord du burn out ?

02 juil. 2020

5min

Comment venir en aide à un collègue au bord du burn out ?
auteur.e
Emma Cullinan

Psychotherapist and writer

Votre sentez votre collègue exaspéré ? Il ou elle est à bout, a des accès de colère, fait preuve de cynisme au travail et a souvent l’air déprimé ? Vous vous demandez s’il s’agit juste d’une phase un peu pénible ou si c’est plus grave (surtout que ce n’est pas son genre) ? Ces comportements peuvent être autant de signes d’un burn out. Voici quelques clés pour adopter la bonne attitude et aider votre collègue en détresse.

Qu’est-ce que le burn out ?

Une personne souffrant de burn out se sent dépassée, vidée sur le plan émotionnel et stressée par le fait de devoir constamment lutter pour se maintenir à flots dans le travail. C’est la définition qu’en donne Herbert Freudenberger, celui qui a démocratisé le terme dans un livre paru en 1974 aux Etats-Unis et traduit en français quelques années plus tard. Il a fallu attendre 2003 pour que le burn out entre dans la liste des syndromes établie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En 2019, l’institution met à jour sa définition, résumée ainsi :

  • un sentiment de manque d’énergie ou d’épuisement ;
  • un retrait vis-à-vis du travail ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés au travail ;
  • une perte d’efficacité professionnelle.

Pourquoi on fait un burn out ?

Si c’est le collaborateur qui en pâtit, beaucoup (l’OMS, Herbert Freudenberger et de nombreux autres experts) s’accordent à dire que le burn out est majoritairement le fait des organisations et du management. L’OMS parle ainsi d’un « syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré. » Dans leurs travaux de recherche, publiés dans la revue World Psychiatry, Christina Maslach et Michael P. Leiter déroulent la liste des causes possibles : « trop de travail, journées trop longues, manque chronique d’effectifs, environnement administratif hostile, absence de soutien suffisant de la part du management. La mauvaise qualité des relations avec les supérieurs hiérarchiques et la direction est également un facteur plus ou moins direct de burn out. »

Un management défaillant dessert les salariés et l’entreprise. Le stress lié au travail concerne des centaines de milliers de personnes en France et représente un coût de 2 à 3 milliards d’euros annuels selon l’INRS (institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles). Cela représente en moyenne 21 jours d’arrêt de travail par personne et par an. Le stress, l’anxiété et la dépression liés au travail sont à l’origine de 50% à 60% des journées de travail “perdues”.

Ce que vous pouvez faire si vous êtes manager

Que faire si l’un de vos collaborateurs présente des signes d’épuisement professionnel ? Le burn out des salariés étant souvent dû à des problèmes d’organisation ou de management, il est plus facile (et préférable) de n’intervenir que si vous êtes en mesure de faire bouger les choses à votre niveau. Vous pouvez par exemple réunir l’équipe pour évoquer la question, aller voir les RH ou consulter un élu CSE (ex-délégué du personnel) si vous en avez.

L’employeur, souvent via ses managers, est légalement tenu de faire de la prévention en matière de stress, rappelle l’INRS. Il doit en effet « évaluer les risques et prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, ce qui implique de prendre en compte le stress au travail. »
Herbert Freudenberger est assez clair sur le sujet : il invite les responsables d’équipe à réduire le temps de travail, à prévoir une rotation régulière des missions, à organiser la formation et la supervision continue des équipes. On a beau le savoir, la mise en pratique reste rare, comme le soulignent Christina Maslach et Michael Leiter : « de manière générale, l’accent est mis sur les stratégies personnelles plutôt que sociales ou organisationnelles », expliquent-ils dans leur étude.

Ce que vous pouvez faire si c’est un collègue

Si vous êtes au même niveau hiérarchique que la personne manifestant un vrai malaise, il est fort possible que vous subissiez les mêmes conditions de travail. Il est alors utile de connaître un peu mieux ce qu’est le burn out. Bob, enseignant, témoigne : « Personne n’a jamais employé ce terme devant moi. En revanche quand j’entends “je suis complètement stressé”, c’est un signal. J’invite alors la personne à prendre un café ou marcher un peu pour parler du boulot. »

N’hésitez pas à parler avec votre collègue — la communication et l’écoute sont toujours de bons moyens d’aider quelqu’un — et profitez-en pour prendre la température. Est-ce un problème passager ou quelque chose de plus sérieux ? Pour cela, essayez de repérer les signes d’épuisement professionnel tels que décrits plus haut puis de voir comment vous pourriez l’aider.
Mais plus concrètement encore, comme le suggèrent Christina Maslach et Michael Leiter, proposez-lui les solutions suivantes :

  • Rompre avec le rythme habituel des journées. Par exemple, travailler moins, faire plus de pauses, éviter les heures supp’, viser un meilleur équilibre vie pro/perso.
  • Développer des compétences de gestion du stress.
  • Aller chercher du soutien auprès de ses collègues et de son cercle social
  • Adopter des techniques de relaxation
  • Entretenir sa bonne santé et sa forme physique
  • Apprendre à mieux se connaître, grâce, par exemple, à un travail sur soi, seul ou avec l’aide d’un psy
  • S’adresser aux RH ou au CSE (comité social et économique, ex-CE)
  • Se prendre un break, en prenant des vacances ou un arrêt maladie
  • Gagner en maîtrise et en autonomie
  • Essayer d’accorder de la valeur à ce qu’on fait, par exemple en voyant comment son propre travail aide les autres
  • (Se) fixer des limites, éviter de s’éparpiller. Apprendre à dire non.
  • Faire appel à sa créativité.

Et si je suis en télétravail ?

Il est alors moins facile de proposer son soutien en direct, mais il existe d’autres manières de dire à votre collègue que vous êtes là. Lui apporter votre soutien, ne serait-ce qu’en reconnaissant ce qu’il ou elle traverse, peut vraiment faire la différence, et même vous faire du bien à vous aussi.

Sarah, qui travaille dans la publicité, a trouvé du réconfort et de la solidarité auprès de ses collègues. « Ma cheffe est parfois hyper autoritaire, voire insultante. Sur Zoom, il suffit que je mène un peu l’échange pour qu’elle m’alpague et me critique – comme si elle était jalouse. Un jour, j’ai remarqué qu’elle faisait pareil à mon collègue du social media. Une fois, lorsqu’il a quitté la conversation (c’était prévu comme ça), elle n’a même pas daigné lui dire au revoir, elle est la seule à ne pas avoir ouvert la bouche. Il m’a envoyé un texto pour me dire “Elle n’a pas été foutue de me dire au revoir, carrément”. Depuis ce jour-là, on se serre les coudes tous les deux. »

Par son témoignage, Sarah nous montre que le télétravail n’empêche pas le soutien mutuel. Et vous pouvez certes parler du travail, mais aussi faire d’autres activités ensemble, histoire de vous faire penser à autre chose et de vous apporter un bon bol d’air. Tout cela fait du bien au moral. Vous pouvez, par exemple, proposer une balade ou un cours de gym sur la pause de midi, ou du yoga en afterwork. Et si vous ne pouvez pas vous déplacer, faites-vous une « watch party » sur une plateforme de streaming ou inscrivez-vous ensemble à un cours en ligne.
Si, dans la liste des solutions proposées par Maslach et Leiter, l’option « créativité » vous a tapé dans l’œil, pourquoi ne pas lancer l’idée d’un groupe d’écriture ou d’un cours de dessin auprès de vos collègues ?

Connaître le fonctionnement de l’entreprise est un vrai plus

Parce qu’ils connaissent l’entreprise de l’intérieur et savent ce qui est faisable, les collègues peuvent être d’un vrai soutien pour ceux qui traversent un burn out. Logiquement, vous ne proposerez pas à votre collègue qui craque sous le poids des dossiers de faire plus de pauses, de zapper les heures supp’ ou d’investir plus de temps dans sa vie perso, si vous savez que ce n’est pas réaliste au vu de vos conditions de travail.
Idem si vous cherchez à résoudre le problème en passant par les RH ou les élus CSE. Là encore, tout dépend de l’organisation de l’entreprise et de la situation alors avisez et n’hésitez pas en parler avec votre collègue, voir ce qui est faisable ou pas et lui prêter main forte si nécessaire.

Pourquoi tout le monde en sort gagnant

Le burn out est une mauvaise nouvelle à tous les niveaux : pour la personne concernée, pour ses proches, pour l’ambiance au travail et la bonne santé de l’entreprise. En tendant la main à un ou une collègue en difficulté, vous ne faites pas que l’aider. Votre gentillesse et l’attention que vous lui portez peuvent avoir des répercussions positives sur d’autres, y compris vous-même.

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Photo d’illustration by WTTJ

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