6 raisons de dire « stop » aux réunions dans la rue ou les transports !
23 juil. 2024
3min
Depuis une petite dizaine d'années, un fléau se répand dans nos rues et dans nos réunions : les échanges en visio qui se multiplient dans les espaces publics (trottoirs, métros, parcs…). La plaie gagne du terrain. Salariés, par pitié, restez dans un endroit fixe et calme pour échanger !
On est en 2016, La La Land sort au ciné et j’écoute les Twenty One Pilots à fond sous ma douche. En sortant dans la rue, je vois une femme se balader avec des brosses à dents dans les oreilles, ce qui ne manque pas de m’interpeler. Je mets quelques jours à comprendre qu’il s’agit des nouveaux Airpods, et non d’un produit d’hygiène au design douteux.
L’année suivante, l’apparition de Microsoft Teams et Google Meet sur téléphone complète le combo gagnant de ce que j’appelle la « rue-nion ». Je m’y suis frotté lors de mon premier stage en start-up, où ma boss prenait parfois la réunion du lundi sur le chemin du bureau. Je voyais son visage valser dans un angle peu avantageux, ce qui ne manquait pas de me faire pouffer. Depuis, j’ai cumulé les visios lunaires : un collègue dans la voiture sur le chemin des vacances, un manager dans le métro, et récemment la belle performance d’une visio en scooter (sans l’image, sauf pour faire coucou, à 40 km/h). Pour contrer cette infâmie moderne, voilà donc six bonnes raisons d’abolir les rue-nions :
Raison n°1 : Vous diminuez votre efficacité
Travailler en bougeant dans un lieu public fragmente votre attention. Deux professeures de sciences cognitives de l’Université de Montpellier ont étudié les distractions liées à notre environnement numérique (SMS, notifications…). Ces dernières nous font arrêter l’activité principale et démobilisent notre concentration au passage. En étant distrait·e par les gens que vous croisez, par le chemin à prendre, etc., vous finirez logiquement moins efficace dans cette réunion, ce qui fera de vous le relou de service (« pardon, de quoi on parle déjà ? »).
Raison n°2 : Vous diminuez votre espérance de vie
Les ruptures d’attention augmentent votre niveau de stress, votre sentiment d’épuisement et votre niveau de fatigue, toujours selon les mêmes chercheuses. Pas fou pour la santé. Si vous conduisez, la rue-nion fait même de vous un bandit : avoir des écouteurs en vélo, scooter ou voiture est interdit depuis 2015 car considéré comme dangereux, et passible de 135€ d’amende.
Raison n°3 : Vous créez de la confusion autour de vous
Côté digital, votre micro non coupé laisse vite place aux bruits parasites (voitures, discussion, transports en commun…), ce qui saoule franchement tout le monde. Côté rue, parler à voix haute vous rapproche de cette cultissime consultation thérapeuthique dans La Flamme : « Est-ce qu’on peut se dire les choses franchement ? Non, pas vous, en ligne, vous en face de moi. Oui, vous, non, pas vous. » Enfin, c’est pourtant clair !
Raison n°4 : Vous vous privez d’une déconnexion au travail essentielle
Travailler partout, tout le temps, ça s’appelle le micro-travail, et ce n’est jamais une chic idée. Notre experte Sandra Fillaudeau le dit très bien : optimiser chaque moment libre de la journée pour travailler conduit vite à une invasion du professionnel dans le moindre interstice de nos vies. C’est souvent une manière désespérée de rester productif à chaque instant, ce qui en réalité écrase votre créativité et développe votre stress.
Raison n°5 : Vous donnez mauvaise presse au télétravail
Le télétravail, pour beaucoup (re)découvert pendant le Covid, a des avantages dont il est difficile de se passer comme l’augmentation de la productivité, la réduction du stress ou la flexibilité du lieu de travail. À l’heure où beaucoup de directions RH réduisent progressivement le nombre de jours en télétravail, la rue-nion donne du poids à un argument redondant : « laisser cette liberté de télétravailler aux salariés, c’est la porte ouverte au grand n’importe quoi ». Ne faites donc pas n’importe quoi, s’il vous plaît.
Raison n°6 : Vous alimentez une culture du travail malsaine
Le masque social du professionnel qui n’a pas une minute à perdre peut être valorisant. Mais la rue-nion grignote votre vie privée et laisse peu de place pour profiter d’instants de vie plus légers, même si moins valorisés. Elle participe aussi à une idée reçue tenace qui associe le travail acharné au succès. « Il ne suffit pas de viser haut et travailler dur pour atteindre ses ambitions », rappelait avec justesse l’essayiste Nadia Shehadeh dans une interview !
Je vous propose donc de réserver la rue-nion en cas d’urgence perso et de ne surtout, surtout pas en faire une habitude. Notre monde ne s’en portera que mieux. Flâner sans pression aucune dans les transports ou dans la rue est précieux pour votre bien-être et votre créativité. Un vrai atout pour (par exemple) trouver des surnoms débiles aux réunions qu’on fait dans les lieux publics.
Article édité par Gabrielle Predko et Camille Perdriaud ; photo de Thomas Decamps
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