Sorcellerie et casse-têtes : des méthodes originales pour guérir d'un burn out

06 avr. 2021

7min

Sorcellerie et casse-têtes : des méthodes originales pour guérir d'un burn out
auteur.e
Joanna York

Journalist

Du repos, un peu d’exercice et un accompagnement psychologique sont conseillés en cas de burn out professionnel, une épreuve qui peut avoir des effets à long terme sur notre santé physique et mentale. S’agit-il cependant des meilleures solutions pour s’en sortir ? Et si la porte de sortie se trouvait plutôt en nous ? Nous avons recueilli les témoignages de professionnels ayant imaginé des remèdes originaux, ou surtout plus personnels, au burn out et retrouvé un vrai équilibre vie pro-vie perso.

Un phénomène reconnu…

Whitney Barkley est de ceux qui cherchent toujours à satisfaire les autres et qui, en temps normal, ont du mal à dire « non » à leurs collègues, leur boss ou leurs clients. Mais en 2020, une chose étonnante s’est produite : elle a eu encore plus de mal à dire « oui ». Cette spécialiste du content marketing, à la tête de sa propre entreprise, a soudainement été prise d’une sensation d’oppression à l’arrivée de nouvelles propositions de collaboration. « En les acceptant, j’avais l’impression de me trahir moi-même, comme si mon corps allait le payer très cher. »

Bientôt, elle vacille aussi psychologiquement. À mesure que se manifeste son aversion pour le travail, ses journées deviennent floues, son horizon se brouille. « Tout ce qui, jusque-là, me semblait évident et limpide ne l’était plus du tout. À chaque nouvel e-mail, je me recroquevillais sur moi-même. Je n’avais plus aucune envie de répondre. »

Ce que Whitney vit à cette époque porte un nom : un burn out, phénomène lié au travail, officiellement reconnu par l’Organisation mondiale de la santé, que cette dernière définit comme la résultante d’un « stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré ».

L’OMS en précise les symptômes :

  • Un sentiment de manque d’énergie ou d’épuisement,
  • Un retrait vis-à-vis du travail, des sentiments de négativisme ou de cynisme liés au travail,
  • Une perte d’efficacité professionnelle

Whitney coche toutes les cases : « Mes journées de travail m’épuisaient. Je rêvais de tout lâcher », nous confie-t-elle.

… et de plus en plus répandu

Il n’est pas rare que les salariés témoignent de ce genre de symptômes. En France, près d’un salarié sur deux se déclare en état de détresse psychologique, sur fond de stress au travail, d’anxiété et de dépression. Des chiffres qui ont bondi en 2020 durant le premier confinement. Le burn out n’est pourtant pas classé parmi les maladies par l’OMS. Peu de personnes consultent d’ailleurs leur médecin quand elles se sentent dépassées par le stress au travail, cherchant avant tout à s’en sortir par leurs propres moyens.

C’est ce qu’a fait James Hughes, alors directeur marketing chez un prestataire de musique pour les mariages, quand la crise sanitaire est soudainement venue bouleverser l’activité de son agence. En quelques heures, il reçoit plus de 150 e-mails de futurs mariés dévastés par la perspective d’un mariage gâché. « Et ça ne s’est pas arrêté. Je commençais mes journées à neuf heures et quittais le travail à minuit, sans avoir pu répondre à tout le monde. J’avais l’impression de tout donner, de m’épuiser à la tâche sans parvenir à quoi que ce soit. » Le confinement lui fait l’effet d’une double peine : « Je me sentais coincé entre quatre murs, avec mon ordinateur et tous ces mails à traiter. »

C’est le point de non-retour, pour lui comme pour l’agence. Quand il en prend conscience, il n’est plus que l’ombre de lui-même, physiquement comme mentalement. « Je ne voyais pas comment m’en sortir. Je me suis retrouvé à appeler ma mère et à fondre en larmes au téléphone parce que je venais de toucher le fond. »

Cheminement personnel

La réponse à sa détresse est plutôt inattendue. Un soir, James est sur YouTube quand il clique au hasard sur une vidéo et se retrouve complètement fasciné. « C’était une super longue vidéo, un type en train de résoudre un casse-tête chinois. Je me suis concentré sur lui, sur ce qu’il faisait, et j’ai oublié tout le reste. » Pour la première fois depuis de longues semaines, James s’endort sans être hanté par tous les e-mails qui l’attendent. À la place, il refait dans sa tête les casse-têtes qu’il vient de voir.

De nombreuses études montrent que les exercices de pleine conscience permettent plus spécifiquement de réduire le stress lié au travail et d’améliorer notre bien-être. Les activités de pleine conscience sont celles qui nous invitent à porter toute notre attention sur l’instant présent. James a fait des casse-têtes l’une de ses activités quotidiennes incontournables : « Ça m’apaise, je me détends, presque comme si je méditais. Ça me permet de mettre de côté tout ce qui touche au travail pour me concentrer sur autre chose. » Il faut dire que les casse-têtes les plus compliqués exigent toute sa concentration : « Tu ne peux penser à rien d’autre. »

Aujourd’hui, il vient de lancer une agence de marketing digital dans laquelle il œuvre en tant que consultant SEO. Désormais, il garde toujours un casse-tête sur son bureau pour faire un break – une autre bonne habitude pour chasser le stress. Une étude américaine publiée en 2016 par le Journal of Applied Psychology explique en effet que les salariés qui prennent des pauses durant leur journée pour faire quelque chose qu’ils aiment particulièrement affichent « une meilleure satisfaction au travail et des taux de burn out plus bas que la moyenne ». À la clé aussi, une meilleure santé physique.

Faire des pauses régulières : voilà qui fonctionne également pour Dani Jones, journaliste freelance. Elle a vécu un burn out en 2019, accompagné de crises d’angoisse, de douleurs abdominales, de migraines et d’insomnies. « Aujourd’hui, quand je sens le stress monter, je vais me balader dans un parc, j’observe les oiseaux, j’essaie de me sentir davantage connectée au monde, à la nature. »

Reprogrammation du cerveau

Mais Dani ne s’est pas arrêtée là. Elle a repensé son rapport à la nature de façon bien plus large. Un renouveau dans lequel s’inscrit la pratique de la sorcellerie, qu’elle décrit comme « un peu magique », en précisant qu’il s’agit avant tout d’un « état d’esprit ». Plus concrètement, elle a mis en place des rituels quotidiens, comme celui de jeter des sorts positifs, qui l’aident à se concentrer sur ses priorités. « J’use de formules magiques pour que mes enfants soient heureux, pour attirer le succès et l’abondance. Cela ne réussit pas toujours, mais le simple fait de m’y atteler me permet de me recentrer sur ce qui compte le plus pour moi. »

La sorcellerie célèbre le temps long, à l’opposé de nos vies professionnelles suractives. C’est également un bon moyen pour ralentir le train de nos pensées. Pour formuler un sort, Dani confectionne en général un gâteau et dessine un sigil (un symbole magique) sur le glaçage à l’intérieur. « Il est bien présent, mais on ne le voit pas, il est caché. Je fais mon petit rituel, j’envoie ce message à l’univers. Ça m’aide à ne pas rester passive. Et pendant tout ce temps, je fais un peu le ménage dans ma tête. »

Apprendre à tenir les rênes

Une étude de 2015 portant sur le burn out montre que tout change lorsque les individus comprennent qu’ils ont leur propre bien-être entre leurs mains – une prise de conscience qui peut prendre du temps. Pour son burn out, Dani Jones a commencé par voir un thérapeute, mais a mis un terme à leurs séances le jour où elle a fait le lien entre travail sur soi et sorcellerie. « Ma pratique de la sorcellerie me pousse à l’introspection, à comprendre pourquoi je réagis de telle ou telle manière aux différents événements de la vie. »

Whitney Barkley a elle aussi compris que sa guérison passerait par une certaine remise en cause de ses réflexes : « J’ai dû revoir la manière dont je prends mes décisions, pour m’éviter ces douleurs d’oppression dans la poitrine. » Et elle s’en est sortie en ajoutant des cordes à son arc personnel – hors du travail. Comme l’explique une étude publiée dans le Journal of Applied Psychology, apprendre à faire une nouvelle chose permet de développer un sentiment de compétence et nous arme mieux pour « gérer ou même éviter de futurs facteurs de stress. »

En plein burn out, en proie à des insomnies, Whitney s’est lancée dans la rédaction d’un livre pour enfants. Un processus régénérateur pour elle : « C’était un projet à part, pour moi, sans aucun lien avec ce que je faisais par ailleurs dans la vie. » Un projet qui lui a aussi permis de se fixer des limites au travail, d’apprendre à dire « non ». « J’ai compris que la solution tenait dans le fait de ne pas accepter de mission à contrecœur. Ce que je fais doit me procurer de la joie. »

De son côté, James Hughes utilise au quotidien les compétences qu’il a acquises en résolvant de multiples casse-têtes. Dans les vidéos qu’il regarde, le consultat s’arrache souvent les cheveux devant des casse-têtes qui semblent insolubles. « Mais plutôt que d’envoyer tout valser, il use de différentes techniques pour gérer son impatience. Quand je suis confronté au même genre de situations, je fais, à mon tour, appel à ces techniques. Aujourd’hui, grâce à ces expériences, je suis un peu mieux armé pour gérer les situations tendues. »

Plus solide face aux événements

Avec son livre pour enfants, Whitney a repris confiance en elle. Elle estime même que l’expérience la rend meilleure dans son job, car elle arrive au bureau avec « un regard neuf et de nouvelles idées ». Bien sûr, elle connaît encore des périodes de stress, mais elle les « gère beaucoup mieux ». Travailler à ce projet personnel lui a permis de « mieux distinguer ce qui est de mon ressort et ce sur quoi je n’ai aucune prise. »

Si l’idée d’un livre pour enfants lui trottait depuis longtemps dans la tête, il lui a fallu en passer par un burn out pour oser se lancer. De son côté, Dani Jones se sentait attirée par la sorcellerie depuis des années, mais s’était laissée décourager par les commentaires moqueurs de ses amis. Comme Whitney, elle est sortie plus heureuse, plus équilibrée et plus forte de son burn out. « Aujourd’hui, des choses qui m’auraient accablée l’année dernière me semblent nettement plus gérables. Je peux dire que j’en ai bavé, mais au bout du compte ça en valait la peine. »

Comme nous le montrent les témoignages de Whitney, James ou Dani, un burn out ne signifie en aucun cas la fin d’une carrière. C’est peut-être même la promesse, à long terme, d’un supplément d’efficacité, de capacité de concentration et de compétence dans votre travail. À vous de trouver votre propre voie, celle de votre guérison.

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Photo d’illustration by WTTJ, traduit de l’anglais par Sophie Lecoq

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