Candidats : 6 erreurs qui plombent leur expérience à tous les coups

06 juin 2023

7min

Candidats : 6 erreurs qui plombent leur expérience à tous les coups
auteur.e
Léo BernardExpert du Lab

Formateur et créateur de contenus sur le recrutement

Selon une étude publiée par la Banque de France, 52 % des entreprises ont du mal à recruter. Pour certaines, cela peut grimper jusqu’à 64 %. Conséquences du Covid, aspirations de la génération Z, exigences nouvelles des candidats… les raisons (ou excuses) invoquées sont nombreuses, mais sont-elles les plus pertinentes ? N’y a-t-il pas d’autres motifs qui viennent mettre à mal l’expérience candidat ? Notre expert Léo Bernard revient sur 6 erreurs susceptibles de vous coûter un recrutement.

Erreur n°1 : Décourager vos candidats dès l’annonce

Le chiffre qui tue : près de 50 % des candidat·es s’abstiennent de soumettre leur candidature, alors que les annonces sont adaptées à leurs profils et qu’ils sont en recherche active.

Là où le bas blesse : en matière d’achat immobilier, les agents sont formels : un acheteur sait dès les premières minutes de visite s’il va ou non craquer pour le bien visité. Et si c’était pareil côté processus de recrutement ? La première chose que voit le plus souvent un·e candidat·e lors de sa recherche d’emploi, c’est bien une annonce. Et parfois, sachez-le, c’est le drame ! Mise en page douteuse, manque d’inclusion visible ou processus de candidature digne de Koh-Lanta sont autant de faux pas qui peuvent décourager les candidats les plus motivés. Pas forcément stimulant, vous en conviendrez, de se retrouver nez à nez avec une annonce qui respire le copier-coller façon pavé depuis Word, ou qui dresse une liste de compétences non exhaustive déjà aussi longue que la carrière de Michel Drucker.

Comment ajuster le tir ? : pour faire fondre vos candidat·es dès les premières minutes de lecture de l’annonce, un mot d’ordre : osez un exercice d’empathie en la regardant avec les yeux d’un·e candidat·e.

  • Est-elle suffisamment attrayante avec une mise en page dynamique, la présence de liens, de photos et vidéos ? Faire prendre la parole à vos collaborateurs en place ou dresser une journée type peuvent aider vos candidats à se projeter.
  • Est-elle réellement inclusive en laissant de côté une rédaction uniquement au masculin et en listant des attentes « raisonnables » ? Exiger des diplômes de grandes écoles ou 10 ans d’expérience sur un poste similaire, c’est forcément exclure des candidat·es parmi lesquels se trouvent peut être une pépite.
  • L’expérience de candidature est-elle encore facile, voire rapide ? Dans l’idéal, il ne faudrait pas passer plus d’une minute pour postuler à une annonce.

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Erreur n°2 : Envoyer des messages d’approche que personne ne lit

Le chiffre qui tue : d’après les tests de la recruteuse Katrina Collier, un message d’approche qui comporte la phrase « Connaissez-vous quelqu’un d’autre qui pourrait être intéressé ? » sera 2 fois moins efficace.

Là où le bas blesse : On connaît tous ce genre de message qui commence par « Bonjour Monsieur/Madame Bernard j’ai une excellente opportunité pour vous » et qui se termine par « Je vous laisse postuler sur notre site carrière, cela ne vous prendra que 30 min. Bien cordialement ». Ce fameux copier-coller avec peu de valeur ajoutée est encore (trop) utilisé aujourd’hui. Gardez à l’esprit que si un job est en tension dans votre secteur d’activité, il l’est forcément pour vos concurrents qui ne vont pas hésiter, eux aussi, à contacter des candidat·es sur LinkedIn. Probablement avec un message d’approche assez similaire qui pourtant les séduit peu ! Mais en plus de ne pas être efficace, cette méthode vient mettre à mal le principe des messages d’approche, qui pourraient bien disparaître si la qualité n’est pas davantage au rendez-vous. Alors, le changement c’est maintenant ?

Comment ajuster le tir ? : de la même manière qu’il n’est pas pertinent de céder au rage applying (cette technique qui consiste à postuler de manière frénétique), côté message d’approche aussi, mieux vaut privilégier la qualité (et la personnalisation) à la quantité !

  • Ciblez bien au préalable vos candidat·es : pour ne pas contacter des profils qui ne correspondent pas vraiment à vos attentes. Ce n’est pas parce que l’intitulé de poste d’un profil LinkedIn est « Développeur » que cette personne pourra faire le job de développeur chez vous.

  • Rédigez LE message qui va convertir à coup sûr : notamment en l’adaptant au profil spotté et au canal utilisé pour le contacter. Sur le fond, je vous recommande de miser sur l’ultra-personnalisation : le candidat doit sentir que vous avez lu son profil avec attention. Et côté forme, soyez direct, sans hésiter à miser sur l’humour.

  • Arrêtez le spam : faire des relances, c’est bien. Faire des relances pertinentes, c’est encore mieux. Une mauvaise automatisation se repère de loin, il faut prendre le temps de peaufiner ses messages pour qu’ils soient impactants tout en étant respectueux !

Erreur n°3 : Choisir des méthodes d’évaluation au doigt mouillé

Les chiffres qui tuent : 0 % et 7 %, c’est respectivement l’impact de l’âge et de l’expérience sur les performances futures d’un·e candidat·e selon la dernière méta-analyse de Sackett & Zhang.

Là où le bas blesse : Non, l’astrologie n’a pas été désignée comme méthode la plus efficace pour évaluer de futur·es candidat·es. Mais il s’agit bien là d’une raison qui peut les faire partir en courant lors d’un processus de recrutement : le choix douteux d’une méthode d’évaluation. Car lorsqu’elles sont perçues comme injustes, chronophages, voire irrespectueuses, elles deviennent de véritables repoussoirs. Forcément, on peut rapidement ne pas se sentir considéré·e lorsqu’on se retrouve dans un entretien collectif avec 5 autres personnes autour de la table, lorsqu’on doit poser un RTT pour participer à une journée d’immersion ou encore réaliser un cas pratique digne d’une épreuve de l’agrégation. Surtout quand le tout se solde par un no go, sans que le candidat comprenne pourquoi il ne passe pas à la phase suivante à cause d’une réponse fumeuse ou pas de réponse tout court.

Comment ajuster le tir ? : pour être efficace dans un process de recrutement, une méthode d’évaluation doit réunir les 4 critères suivants :

  • La pertinence : la méthode doit permettre d’évaluer effectivement la capacité d’un·e candidat·e à faire le job aujourd’hui et dans le futur.
  • La transparence : vous devez être en capacité d’expliquer et démontrer l’intérêt de la méthode si un·e candidat·e le demande lors d’un feedback.
  • L’objectivité : pour ne pas créer de stress ou de frustration, une méthode se doit d’être équitable pour toutes et tous. On n’ajoute pas, par exemple, d’étapes en cours de route qui pourraient (sans surprise) créer un sentiment d’injustice.
  • La constance : la méthode doit être fiable dans l’absolu, c’est-à-dire ne pas changer de mesure de manière inopinée au fil du temps.

Erreur n°4 : Prévoir un processus digne d’un marathon

Les chiffres qui tuent : selon une étude Meteojob de 2019, plus de 80 % des candidat·es considèrent qu’un processus de recrutement ne devrait pas dépasser 1 mois. Et plus de 60 % d’entre eux/elles ne sont pas prêt·es à passer plus de deux entretiens en physique à cette occasion.

Là où le bas blesse : quoi de pire que de perdre des candidat·es parce qu’on a été trop lents ou trop longs ? Et pourtant, il s’agit d’une erreur fréquente qui arrive à tout le monde. Depuis que j’ai commencé à recruter, j’apprécie particulièrement les entreprises qui dédient une partie entière de leurs annonces à l’explication de leur process de recrutement. Rien de mieux que d’informer les candidat·es des différentes étapes qui les attendent, à condition de ne pas en faire un marathon dans lequel celles-ci s’accumulent ou s’ajoutent en cours de route ! Vous pensez que vos candidat·es ne postulent que chez vous ? Erreur. Et parce qu’ils/elles le font dans plusieurs entreprises, la durée et le nombre d’étapes (et l’expérience candidat dans sa globalité) auront un rôle crucial pour vous démarquer de la concurrence.

Comment ajuster le tir ? : trois étapes simples peuvent vous permettre de maximiser vos chances de perdre le moins de candidat·es possibles :

  1. Assurez-vous que toute l’équipe recrutement est disponible : les opérationnels, managers, RH et recruteurs doivent avoir le temps nécessaire pour faire à la fois les entretiens et cas pratiques. Vous y gagnerez en célérité.
  2. Restez fidèle à votre promesse de process : si vous annoncez un processus en 3 étapes, pas question de passer à 4 ou 5, ou de changer la teneur des rendez-vous annoncés.
  3. Limitez-vous à 4 entretiens maximum : Google a arrêté il y a plusieurs années d’en faire plus en réalisant que cela n’avait pas d’impact sur la capacité à prédire le recrutement : après 86 % de prédictibilité au bout de 4 entretiens, chaque entretien supplémentaire ne faisait gagner que 0,5 point de plus).

Erreur n°5 : Poser des questions « bullshit »

Le chiffre qui tue : près d’un candidat sur quatre a déjà été confronté à une question déplacée lors d’un entretien d’embauche.

Là où le bas blesse : comment voir dans l’entretien d’embauche un outil efficace lorsqu’il est rythmé par les mêmes questions éprouvées 1 000 fois ? Les candidat·es connaissent par cœur le refrain monotone du « Pouvez-vous vous présenter ? / Quels sont vos 3 qualités et vos 3 défauts ? / Comment vous projetez-vous dans 5 ans ? », auquel s’ajoutent dans le meilleur des cas des questions faussement décalées du type « Quel est votre animal totem ? », au pire des demandes franchement illégales façon « Avez-vous des enfants ou comptez-vous en avoir ? ». Au-delà d’être le plus souvent inutiles, ces questions sont génératrices de nombreux biais cognitifs et n’apportent pas grand chose à une meilleure connaissance du/de la candidat·e.

Comment ajuster le tir ? : les candidat·es apprécient le plus souvent d’être challengé·es pour avoir d’autant plus l’envie d’avoir envie d’aller chez vous. Afin de rendre votre processus plus objectif, mais surtout plus efficace :

  • Assurez-vous que les questions posées soient uniquement liées au job : elles doivent permettre à la fois d’évaluer le/la candidat·e (besoin de l’entreprise) mais également de le/la challenger (besoin des candidat·es).
  • Mettez en place une réunion de kick-off : pour préparer un entretien structuré, il est nécessaire de définir ses objectifs, en déduire les comportements et les compétences (soft et hard skills) attendus, et donc in fine de créer les questions qui vont permettre d’évaluer ces compétences.

Erreur n°6 : Ne pas avoir un processus inclusif

Le chiffre qui tue : selon une étude de l’OIT de 2019, les entreprises inclusives ont 60 % de chances supplémentaires de voir augmenter leur productivité comme l’engagement de leurs talents.

Là où le bas blesse : trop souvent limité aux questions de parité, le manque de considération ou de communication pour les sujets d’inclusivité dans le recrutement peut vous coûter des candidat·es en masse. Une annonce qui n’est pas inclusive revient typiquement à tout écrire au masculin et donc… à ne pas s’adresser à la moitié de la population (pour aller plus loin, je vous conseille l’excellent ouvrage Le cerveau pense-t-il au masculin ?). De même, 80 % des personnes en situation de handicap ont un handicap « invisible », autrement dit sensoriel, psychique ou cognitif. Mais peu d’entreprises sont aujourd’hui formées sur le sujet ou ont adapté leur process de recrutement en conséquence.

Comment ajuster le tir ? : les sujets de diversité sont complexes mais pas effrayants pour autant. Voici 3 idées pour (ré)agir :

  • Communiquez sur vos engagements : certaines entreprises agissent mais oublient d’indiquer que c’est le cas. Cela nécessite de travailler votre marque employeur pour refléter ces valeurs et engagements.
  • Écrivez des annonces inclusives de manière systématique
  • Sourcez de manière active des profils divers : chassez au même endroit, c’est par essence trouver les mêmes profils. Vous pouvez notamment poster vos annonces sur des jobboards spécifiques et/ou auprès d’associations comme l’AGEFIPH, ou encore vous faire accompagner par des expert·es (The Allyance, 50inTech, A Female Agency, Humando…).

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.