Comment faire un bon brief pour engager au mieux ses équipes ?
28 mai 2018
8min
Brief vient de l’anglais brief (« instructions ») et lui-même du français « bref » et du latin brevis (« bref, court »). L’étymologie en dit déjà long sur cet outil de présentation et de commande bien connu des agences de communication et des créatifs. Le brief, régulièrement affublé de divers sobriquets - « creative brief », « copy strategy », « plan de travail créatif (PTC) » - est l’autre nom du cahier des charges. Il correspond aux guidelines à communiquer à un créatif, un prestataire, un chef de projet pour déployer une action ou une campagne. Mais il peut être utile à tous les métiers pour définir un projet et engager ses équipes.
Pourquoi ne pas brûler cette étape ?
Pour définir le périmètre
Le brief est la clé de voûte de la réussite d’un projet ; le document qui permettra à votre interlocuteur de comprendre ce qui est attendu. Ce précis qui doit être à la fois pertinent, engageant, concret et concis se décline sur tous les tons et s’adapte à toutes les missions. Maquetter un emailing, décliner une charte graphique, rédiger une chronique, coordonner un évènement, recruter un nouveau collaborateur, produire un film, lancer un nouveau produit, passer commande à un traiteur, un fleuriste, un photographe sont autant de tâches qui supposent des orientations.
Pour sécuriser la relation
La carte blanche en production ou en création reste une option mais une option aventureuse. Le meilleur moyen d’obtenir ce qu’on veut est toujours de savoir ce qu’on veut. Le brief, au-delà de son rôle de garde-fou, constitue aussi le point de départ de la relation et un vrai gage de sécurité pour les deux parties.
- Côté client (celui qui briefe) : il permet de mettre à plat la stratégie et d’en assurer la cohérence, de formaliser précisément les intentions et pistes de travail et de verrouiller l’avancement du projet.
- Côté prestataire (celui qui est briefé) : le brief permet d’établir une proposition claire et tarifée, de définir ses étapes de travail et de mobiliser les ressources justes pour répondre à la demande.
Pour engager
Un brief sommaire ou pas de brief du tout, c’est aussi la preuve par A+B que vous êtes peu ou pas concerné par le sujet. Investir du temps et de l’émotion dans un brief, c’est dire à votre prestataire que le projet compte pour vous et que vous attendez de lui une implication similaire. La motivation est quasi proportionnelle à la communication, à la vision et à l’émotion engagées. Qui ne préfère pas aller voir un film, une pièce, acheter un bouquin ou partir en vacances en ayant été briefé, pitché, teasé ? C’est pareil en matière de business.
Quelques conseils pour concevoir un brief complet, efficace et prometteur
Pitcher l’entreprise
Le prestataire que vous interrogez ne connaît pas nécessairement votre entreprise, votre historique, votre positionnement, votre environnement et vos valeurs. Il est indispensable de partager avec lui quelques éléments de votre personnalité de marque et de votre périmètre d’intervention : secteur d’activité, chiffres clés, ADN de marque, cible et valeurs, offre, prix, concurrents, perception.
(Re) contextualiser
Préciser le contexte dans lequel intervient votre demande permet de cadrer le projet et d’assurer une réponse adaptée aux enjeux de l’entreprise. Le message ou l’action que vous souhaitez s’inscrivent-ils dans la continuité de vos projets ou sont-ils en rupture ? S’agit-il d’un lancement (nouveau service, produit), d’une demande associée à un moment précis (conférence interne, période identifiée de business) ou encore à une ambition de l’entreprise (redéfinition de l’identité de marque, entrée en bourse, levée de fonds, politique de conduite du changement…) ?
Délimiter les objectifs
Il est primordial de circonscrire le but de l’action en formalisant l’objectif principal et éventuellement un objectif secondaire. Quels sont les résultats attendus ? Augmenter la notoriété de la marque, driver du trafic en boutique ou sur un site, fidéliser vos clients, développer les ventes, créer une communauté, travailler la préférence de marque ? Il peut être pertinent de définir des KPI (indicateurs clés de performance) pour mesurer l’efficacité du dispositif, de la campagne ou de l’action menée : satisfaction client, nombre de participants/visiteurs, fréquence des achats, taux de conversion, nombre d’occurrences d’une expression liée à l’action, de partages, de téléchargements, temps passé sur un site…
Adresser vos cibles
Pour mener à bien la mission, votre prestataire doit savoir précisément à qui va s’adresser (la communication par exemple) et connaître les principales caractéristiques de votre cible. Pourquoi s’adresse-t-on à elle ? Quels sont ses attributs socio-démographiques ? Quelles sont ses habitudes de consommation ? Quel(le)s sont ses attentes, ses freins ? Est-elle consommatrice ou prescriptrice ? Quel langage parle-t-elle ? Par quel biais la toucher et lui parler ? Quelle est sa relation actuelle avec votre offre, votre marque ? Ces précisions sont décisives pour pouvoir optimiser le message et le ton à adopter. On n’abordera évidemment pas la mission de la même manière si l’on s’adresse à des adolescents, des investisseurs, des retraités, des institutionnels ou des startuppers.
Soigner son message
Quel est le message à adresser à ma cible ? C’est l’information clé que vous souhaitez transmettre et sur laquelle va reposer tout le dispositif. Quel(le) est donc l’idée ou le concept qui sous-tend votre argumentation ? C’est le moment d’identifier et d’expliciter ce que vous souhaitez apporter au consommateur, la promesse que vous leur faites. C’est aussi le moment de clarifier les arguments et avantages concurrentiels qui soutiennent votre promesse. Qu’est-ce qui fait que votre consommateur peut être séduit et vous faire confiance ?
Partager des guidelines stratégiques et créatives
Pour créer, produire ou concevoir un dispositif ou un support qui vous ressemble, il est nécessaire de fournir à votre prestataire un maximum d’éléments sur votre entreprise, la concurrence et les pistes que vous souhaitez explorer si des intentions sont déjà formalisées.
Un état des lieux de la communication et de ce qui a déjà été fait permet d’installer votre identité de marque ; brand book, charte graphique ou éditoriale, anciennes campagnes ou exemples de supports sont autant de documents que vous pouvez transmettre au moment d’un brief pour que votre prestataire puisse s’imprégner de votre identité et de votre historique.
Une veille pertinente et quelques informations sur la concurrence et leur manière de communiquer pourront aider à clarifier ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, ce vers quoi aller ou les écueils à éviter.
Il est possible d’orienter le brief en formulant des pistes de travail ou en partageant un moodboard, une note d’intention ou des inspirations précises ; typographies, références culturelles, photographies inspirantes, best practices. Attention, cependant, si vous attendez des propositions innovantes, à ne pas donner d’idée trop précise du rendu pour ne pas brider la liberté et la créativité de votre prestataire.
Enfin, il convient de transmettre à votre contact la boite à outils et le matériel qui lui sera nécessaire pour concevoir sa réponse : visuels en bonne définition, logo, dossier prêt à l’emploi. Le contenu doit être validé et de bonne qualité pour éviter les allers-retours inutiles et gagner un temps précieux.
Cadrer sa demande
Les contraintes font indéniablement partie du processus créatif. L’imagination est plus fertile lorsqu’elle sait, non pas précisément vers où aller mais a minima vers où ne pas concentrer son effort. Pour ouvrir le champ des possibles, il convient de définir les spécificités de la mission, du livrable ou du dispositif. Ce sont ces points qui ancreront le projet et assureront un rendu cohérent. Dans les contraintes, il est capital de détailler le livrable attendu en s’accordant sur un format ou un protocole à respecter. Les contraintes peuvent être d’ordres graphiques (une charte, un code couleur, des images précises à utiliser), techniques (un format, un système d’exploitation…), éditoriales (un ton, des piliers éditoriaux), budgétaires ou encore règlementaires (droits d’auteurs, crédits, droit de la santé, spécificités juridiques…). Mais la contrainte libère, ou comme l’a écrit Thomas Stearns Eliot : « Forcée à fonctionner dans un cadre strict, l’imagination tourne à plein régime, et produit ainsi ses idées les plus riches. Sans aucune contrainte, le travail risque de s’éparpiller. »
Communiquer sur le dispositif global ou la stratégie média
Inscrire la demande dans le cadre d’une stratégie plus globale en évoquant les médias considérés et les modalités de diffusion peut aider le prestataire à peaufiner son message, le ton ou le dispositif. Le rendu sera différent si la campagne doit être diffusée à la télévision, sur internet, de façon fragmentée ou en une seule fois. Ces informations peuvent inciter à penser un dispositif riche, modulable et facile à décliner sous divers formats pour un usage récurrent, ponctuel ou évènementiel.
Spécifier les échéances et délais
Pour un bon avancement du projet, il est impératif de clarifier, dès le brief, la deadline et de définir un retro planning ou au minimum, les étapes de validation intermédiaires s’il y a lieu. Il faudra fixer des échéances précises et réalistes et veiller à prendre en compte les délais de validation des deux parties et à anticiper les éventuels allers-retours et validations réglementaires (demande d’autorisations…). Le calendrier doit aussi annoncer les dates de diffusion, mise en ligne, publication ou reveal du dispositif afin de proposer une vue d’ensemble de la mission.
Annoncer le budget
Enfin, même si celui-ci n’est pas encore validé, il reste préférable de communiquer au moment du brief une enveloppe budgétaire approximative. Une indication de budget permet au prestataire de calibrer sa réponse et de proposer un plan d’action en adéquation avec les ressources allouées par le client. Il est possible de laisser de la latitude en communiquant plutôt une fourchette ou un budget à tiroirs en fonction des options proposées.
Missionner quelqu’un implique d’adopter la juste posture
Au-delà de la trame en 10 points détaillée ci-dessus et du savoir-faire, briefer suppose aussi une bonne dose de savoir-être.
Se montrer disponible
L’écrit est indispensable pour sécuriser le projet et avoir une trace de la demande. Néanmoins, rien ne vaut une réunion physique ou virtuelle pour présenter le brief, mettre de l’intention et apporter d’éventuels éclaircissements de vive voix. Prendre le temps d’organiser une réunion ou un entretien téléphonique permet de désamorcer les potentielles incompréhensions, de préciser la demande et de lancer symboliquement le projet. Durant la période de réponse, le client doit également pouvoir se montrer présent, disponible et réactif pour répondre aux interrogations du prestataire.
Préférer la transparence
Dans le cadre d’un appel d’offre, le prestataire n’est pas nécessairement le seul à être mobilisé et n’est pas systématiquement rémunéré pour son travail. Aussi, il convient de respecter les prestataires sollicités en les informant qu’ils sont en compétition avec d’autres agences ou prestataires et en précisant leur nombre et leur identité si l’information n’est pas confidentielle. Soyez fair-play en consultant 3 à 4 agences/prestataires/créatifs/artistes maximum. Même en dehors de l’appel d’offre, il est souhaitable de partager un maximum avec les prestataires sollicités et d’éviter la rétention d’information pour fiabiliser la relation et obtenir une réponse riche. Quitte à signer un accord de confidentialité pour parer aux potentielles dérives.
Faire bref
Le principe du brief, c’est la concision. Les éléments clés de la demande doivent être synthétisés en une page très opérationnelle. Les guidelines stratégiques et créatives peuvent être communiquées en annexe mais mieux vaut privilégier quelques références et inspirations visuelles à une étude de 150 pages qui risquerait de passer à la trappe. D’autant que le temps est souvent compté.
Pour autant, briefer n’est pas simple et demande une grande attention, une certaine rigueur et une attitude bienveillante.
Les écueils à éviter pour conserver une bonne attitude
Calquer, pomper, plagier
Nourrir et inspirer son prestataire, c’est bien mais donner un modèle trop précis c’est tricher et copier. La limite entre orientations et injonctions peut être floue. Essayez de vous demander si le brief autorise bien une certaine marge de manœuvre et ne musèle pas la créativité de vos interlocuteurs.
Faire, défaire et refaire à l’infini
Le piège, quand on ne fait pas soi-même, c’est de penser que l’on peut toujours faire mieux car on a souvent une intuition ou une idée bien défininie en tête. Même inconsciemment. Et il est parfois difficile de tuer une idée. Gardez néanmoins à l’esprit qu’un brief doit être délimité dans le temps et que la mission ne peut se poursuivre à l’infini. Le mieux est l’ennemi du bien. Quelques fois au moins. Pour le bien-être de tous, veillez à définir et anticiper les éventuels allers-retours. Si le résultat n’est pas là et que vous souhaitez des modifications conséquentes, convenez avec votre prestataire d’un délai raisonnable et d’une enveloppe pour soutenir l’effort mené sur la durée.
Bref, le brief n’est pas une science exacte mais un outil puissant pour cadrer vos demandes et missions. S’il est bien mené, le résultat devrait ressembler à ce que vous attendez voire vous étonner.
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Photo by WTTJ
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