Congé sabbatique : comment bien le négocier auprès de votre employeur ?
29 nov. 2017
5min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Julien rêvait d’écrire le prochain prix de Flore, Isoline se voyait parcourir l’Australie en van et le Canada en vélo, Morgane voulait être près de sa fille pour ses premiers mois… Ils ont tous trouvé la même solution : proposer à leur employeur un congé sabbatique. Une aventure qui s'est révélée positive à plus d'un niveau !
Le congé sabbatique : pour qui et pour quoi faire ?
Contrairement à d’autres congés dits de convenances personnelles (congés sans solde, de formation, de création d’entreprise), le congé sabbatique est très souple et vous permet d’entreprendre à peu près tout ce que vous souhaitez, que votre projet soit personnel (passer les six prochains mois sur une plage de sable fin aux Maldives) ou professionnel (rejoindre une autre entreprise, monter votre boîte). Il vous permet de demander à votre employeur de presser le bouton pause sur votre contrat de travail tout en vous garantissant de retrouver un poste dans l’entreprise à votre retour. Isoline, au service publicité d’une chaîne de télévision, explique : « Cela faisait un moment que je parlais à mes supérieurs de mon envie de changement, même si tout se passait bien au travail. Je leur ai expliqué qu’il n’y avait pas beaucoup d’opportunités d’évolution professionnelle dans l’entreprise à ce moment là, la mobilité interne était compliquée, et j’avais envie de changer, d’avancer. » Elle leur parle alors de son projet, qu’elle concocte depuis plusieurs années déjà : faire un tour du monde de onze mois, le temps de visiter quatre continents, de recharger ses batteries et de revenir au travail avec une énergie nouvelle. « *On revient forcément changé, je ne suis plus la même personne, je suis beaucoup plus positive. Mon travail et ma vie en général ont vraiment été nourris de cette expérience. »
Le congé sabbatique : sous quelles conditions ?
Pour en bénéficier, il faut justifier de six années d’activité professionnelle, dont trois passées dans votre entreprise lors du départ envisagé. Ces trente six mois peuvent être consécutifs ou non : si vous avez enchaîné les CDD avant de signer un CDI, pas d’inquiétude, la loi le prend en compte. Vous ne pourrez par contre pas faire de demande si vous avez déjà eu un congé pour création d’entreprise ou de formation au cours des six derniers mois ou si votre dernier congé sabbatique remonte à moins de six ans. Morgane, chargée de communication, ne se voyait pas retourner au travail tout de suite après avoir accouché. « Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai su tout de suite qu’il serait très difficile pour moi de laisser mon bébé à la crèche à seulement trois mois, c’est dingue ! Le congé sabbatique m’a permis d’être près de ma fille pour sa première année et de la voir grandir au quotidien. Je suis revenue au travail sereine ».
Les points à prendre en considération avant de se lancer
Si le congé sabbatique vous permet de réaliser à peu près tous vos projets, il y a une condition à respecter impérativement : ne pas commettre de concurrence déloyale. Attention donc à ne pas utiliser votre fichier client, dénigrer votre entreprise, transférer des savoir-faire propres ou toute autre action pouvant causer du tort à votre employeur principal. Manquer à cette règle a de lourdes conséquences, pouvant aller jusqu’au licenciement.
Autre point important : la question financière. Avant de parler de vos envies avec vos supérieurs, assurez-vous d’avoir élaboré votre projet sous toutes ses coutures et de l’avoir judicieusement budgétisé car votre entreprise ne vous versera aucun salaire durant cette période de congé. En prévision de cette pause, vous pouvez toutefois demander à percevoir vos congés payés, qui seront alors versés lors de votre départ.
Un congé également profitable à l’employeur
Contrairement à un congé sans soldes, il est difficile pour un employeur de refuser un congé sabbatique si vous entrez dans les critères d’attribution exposés précédemment. En France, il est très encadré et apparaît même comme un droit salarial inscrit dans le Code du travail.
Congé refusé ? Si vous travaillez dans une entreprise de moins de 300 salariés, un seul cas de figure pourrait vous empêcher de bénéficier de ce congé : votre employeur peut avancer que votre absence aura des conséquences préjudiciables à la bonne marche de sa société. Ce refus devra être justifié devant un comité d’entreprise ou, en l’absence de celui-ci, des délégués du personnel, ce qui relève souvent du parcours du combattant.
Congé reporté ? Il est par contre possible que l’on vous oblige à reporter votre date de départ à neuf mois dans une entreprise de moins de 300 salariés et à six mois dans une entreprise de plus de 300 salariés. La seule raison valable pour ce report est de limiter le nombre de congés sabbatiques simultanés dans la société.
Gardez toutefois à l’esprit que le congé sabbatique est aussi profitable à l’employeur. « Le salarié qui a envie de partir pour un projet bien défini finit toujours par partir , confie Sarah, responsable ressources humaines d’une grande enseigne de prêt-à-porter. En revanche, si on l’accompagne dans sa démarche, on le retrouve épanoui après son congé. Il a pu accomplir ses envies et revient dans l’entreprise avec une nouvelle énergie. S’il s’agit d’un voyage, par exemple, on voit qu’à son retour, le salarié est bien plus productif. »
Comment parler de son envie de congé sabbatique à son supérieur ?
Isoline recommande l’honnêteté. Elle a pris rendez-vous avec ses supérieurs pour exposer son projet et, pour faciliter le dialogue, n’a pas hésité à être souple. « Quand je leur ai parlé de mon projet de tour du monde, je ne leur ai rien imposé, poursuit Isoline. J’ai expliqué que je n’avais pas de date précise de départ, que je m’adapterai en fonction de mon équipe et de la charge de travail. J’avais de très bons rapports avec mes supérieurs et ils ont compris pourquoi c’était important pour moi. » Tout dépend bien sûr de la nature de votre projet, il sera en effet plus facile d’expliquer à son supérieur une envie de voyage, d’évasion que d’une reconversion professionnelle.
Sachez toutefois que légalement, rien de vous oblige à expliquer à votre employeur les raisons de votre demande de congé. « J’avais envie de prendre du temps pour écrire un livre mais je ne voulais m’imposer aucune pression. J’avais peur de l’échec et l’impression qu’il faudrait rendre des comptes à mes collègues quand je reviendrai au boulot. J’ai rédigé ma demande par écrit et lors de mon rendez-vous avec mon supérieur, je suis restée vague, en lui disant que j’avais des projets créatifs que je voulais réaliser », raconte Julien, directeur artistique.
Pour faire les choses en bonne et due forme, vous devrez faire parvenir à votre employeur une lettre en recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre contre récipissé. Indiquez dessus votre date de départ (au plus tôt trois mois après votre demande) ainsi que la durée du congé souhaitée. Encore une fois, il n’est pas nécessaire d’indiquer une raison mais la plupart des employeurs apprécieront votre transparence.
Anticiper son retour de son congé sabbatique
La dernière étape avant de partir en congé sabbatique est cruciale : gardez en tête qu’il faudra préparer votre retour. Tout d’abord, donnez des nouvelles à vos collègues et à vos supérieurs en leur confiant le nom de votre Instagram de vacances si vous faites le tour du monde ou en leur posant quelques questions sur votre service. « Je travaille dans une grande entreprise, confie Morgane, les choses bougent facilement. J’avais peur d’être oubliée pendant mes onze mois à m’occuper de ma fille et de revenir en découvrant que j’avais été placée à un autre poste, qui ne me conviendrait pas forcément. J’ai proposé à mes collègues quelques déjeuners durant cette période, on parlait un peu boulot, j’ai senti que je faisais toujours partie de l’équipe, ça m’a rassurée ».
À l’issu de votre congé, votre employeur s’engage en effet à vous redonner votre emploi ou un poste similaire, avec un salaire égal ou supérieur à celui que vous aviez lorsque vous avez quitté l’entreprise. Si, pour une quelconque raison, vous souhaitiez revenir plus tôt, sachez que rien n’oblige votre employeur à accepter. Un CDD est en effet fréquemment engagé pour vous remplacer sur vos missions en attendant votre retour. Enfin, il est possible qu’à l’issue de vos mois de liberté, vous ne souhaitiez pas revenir à votre poste. Si vous choisissez de démissionner, vous devrez alors impérativement respecter votre préavis. Si votre contrat de travail est bien suspendu, vous êtes toujours considéré comme salarié de votre entreprise et les mêmes règles s’appliquent.
Souple et transparent, le contrat sabbatique est une pause qui permet de souffler, de retrouver de l’énergie, de se laisser le temps de réaliser rêves et projets qui se construisent depuis des années souvent mais ne se réalisent pas par manque de temps. « En entendant le récit de mes aventures, beaucoup de mes collègues m’ont dit avoir été inspirés par mon expérience et veulent maintenant aussi se jeter à l’eau. » Et vous, prêts à sauter le pas ?
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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