Comment bien gérer la diversité culturelle au sein de ses équipes ?
29 nov. 2018
6min
Avec 59 salariés de 21 nationalités différentes, l’entreprise Superprof fait figure de premier de la classe en matière de diversité culturelle. Brésiliens, Argentins, Indiens, Australiens, Indonésiens, Japonais, Espagnols ou encore Français et Allemands se croisent chaque jour dans les bureaux parisiens de cette marketplace spécialisée dans la mise en relation de professeurs particuliers avec des élèves pour des cours en ligne ou en face-à-face, qui a progressivement développé son activité dans 23 pays. Une richesse exceptionnelle pour la direction mais aussi un sacré défi pour les managers afin d’assurer au quotidien la cohésion de cette équipe aux profils très variés.
La diversité culturelle selon Geert Hofstede
Avec l’internationalisation croissante des entreprises, le management interculturel est devenu une problématique particulièrement en vogue pour les managers confrontés à des rapports au temps, à l’autorité et à la hiérarchie mais aussi plus généralement à des conceptions du travail souvent très éloignées entre leurs collaborateurs. Dès les années 1970, le Néerlandais Geert Hofstede s’est intéressé au sujet et a défini une liste de facteurs permettant de modéliser les différences culturelles au travail.
Entre 1967 et 1972, ce chercheur en psychologie sociale a mené une étude au sein de la multinationale américaine IBM, qui était déjà à l’époque implantée dans 64 pays. En analysant les questionnaires remplis par chacun des employés de l’entreprise, Geert Hofstede a identifié cinq critères qui permettent de définir une culture, et qui ont un impact sur le mode de management et l’organisation d’une structure :
L’individualisme VS le collectivisme
Soit le degré auquel les individus sont intégrés au groupe. Les sociétés individualistes (États-Unis, France, Australie, Grande-Bretagne par exemple) privilégient la réalisation des objectifs personnels tandis que les sociétés collectivistes (Pays Arabes et en voie de développement) valorisent davantage les objectifs et le bien-être du groupe dans sa globalité.
La masculinité VS la féminité
C’est-à-dire la tendance pour une société de valoriser la compétitivité, l’ambition, le pouvoir et le matérialisme (valeurs considérées comme masculines) par rapport à la qualité des relations humaines, l’harmonie et la recherche de consensus (valeurs dites féminines - pays Latins et Scandinaves, Pays-Bas). Plus une société est masculine (Japon, Allemagne, pays d’Amérique du Sud), plus la répartition des rôles entre les sexes est rigide.
La distance hiérarchique
Elle mesure le degré d’acceptation par les membres d’un groupe de la distribution inégale du pouvoir dans les institutions. Dans les sociétés où la distance hiérarchique est élevée (pays Latins, d’Amérique du Sud, d’Afrique Noire), les individus ont tendance à accepter l’ordre établi sans le remettre en question. A contrario, dans les sociétés où cette distance est faible (Allemagne, pays scandinaves, Grande-Bretagne), les individus s’interrogent sur ces inégalités de pouvoir et vont chercher à les réduire.
L’incertitude
Elle renvoie au degré de tolérance des membres du groupe vis-à-vis de situations incertaines ou ambigües. Les cultures qui présentent un indice élevé se révèlent moins tolérantes au changement et, afin de réduire leur anxiété face à l’inconnu, vont mettre en place des règles rigides et des codes stricts (pays Latins comme l’Italie et la France, et d’Amérique du Sud, Japon). Les cultures dont l’indice est faible font quant à elles preuve de plus de souplesse (pays Scandinaves et Anglo-Saxons, d’Asie du Sud-Est, Inde).
L’orientation à court terme VS l’orientation à long terme
Les cultures qui possèdent une vision à court terme privilégient les traditions et les normes aux dépens de toute forme de changement qu’elles appréhendent avec méfiance. Les sociétés qui valorisent l’orientation à long terme perçoivent le temps comme linéaire, donnent de la valeur aux récompenses et encouragent les efforts présents en vue de se préparer de manière adéquate pour le futur.
Forces et faiblesses des équipes multiculturelles
La classification et la comparaison des cultures par Geert Hofstede permet de révéler les nombreux points d’accrochage qui peuvent survenir au sein des équipes composées de nationalités diverses. À ces facteurs de différenciation, s’ajoutent d’autres critères tels que la maîtrise de la langue ou l’éventuelle domination d’une culture sur les autres en termes d’effectifs qui peuvent déséquilibrer les relations entre les salariés.
Les risques d’une mauvaise gestion des ressources humaines dans ce type de contexte ne sont pas à prendre à la légère :
- Éclatement de l’équipe avec résurgence de communautarisme
- Problèmes de communication menant à de profondes incompréhensions et frustrations
- Propagation d’un sentiment de méfiance et d’antipathie entre les salariés souvent lié aux stéréotypes que chacune des cultures peut entretenir sur les autres…
« Il m’est arrivé de voir des salariés se renfermer parce qu’ils avaient été blessés par le comportement de leur manager, parce qu’ils n’avaient pas les mêmes codes que lui et souffraient d’incompréhension », raconte Aurian de Maupeou, co-fondateur de l’entreprise française Selectra, dont le siège, désormais installé à Madrid, rassemble plus de 600 salariés d’une quinzaine de pays différents. « Il arrive qu’il y ait des tensions au sein des équipes parce que le bouleversement culturel est trop violent », assure-t-il.
D’où la nécessité pour un manager d’équipes internationales d’être sensibilisé à la question de la diversité culturelle qui lui permettra de trouver dans son équipe une richesse inespérée, une productivité décuplée et des relations humaines particulièrement épanouissantes. D’ailleurs, pour Eva Pacios Santamaria, general country manager chez Superprof, une équipe multiculturelle ne présente que des avantages. « C’est une formidable leçon de vie de voir que des personnes qui viennent des quatre coins du monde peuvent travailler ensemble, aller dans la même direction, et développer la même philosophie de travail », estime-t-elle. « C’est un énorme challenge qui demande une très forte implication, ajoute Aurian. Il faut être capable de se faire comprendre humainement pour que vos salariés aient envie de vous suivre, et c’est particulièrement gratifiant de voir qu’au quotidien chaque culture tire le meilleur d’elle-même et s’adoucit au contact des autres », explique-t-il.
« C’est une formidable leçon de vie de voir que des personnes qui viennent des quatre coins du monde peuvent travailler ensemble, aller dans la même direction, et développer la même philosophie de travail » - Eva Pacios Santamaria, Superprof
Les clés pour bien gérer une équipe internationale
Écouter avec empathie
Pour cela, une grande capacité d’écoute et d’empathie sont fondamentales. « Chez Superprof, nous avons appris à prêter une attention particulière aux signaux faibles, à repérer très vite lorsqu’un salarié ne se sent pas bien », raconte Eva qui a instauré avec chacun de ses employés des points hebdomadaires lors de leur arrivée dans l’entreprise, puis mensuels. « Il ne faut pas laisser traîner, ne pas se dire qu’il faut accorder un peu de temps au collaborateur pour qu’il prenne ses marques car si le mal-être s’installe vraiment, c’est très difficile d’y remédier plus tard », ajoute-t-elle.
Faire preuve d’exemplarité
Gérer au quotidien une équipe multiculturelle implique pour cela une très forte exigence de la part du manager qui, d’après Aurian « doit faire preuve d’exemplarité. » Pour lui, il n’est pas « normal qu’un manager international soit dans une situation confortable. _» Si le fondateur de Selectra avoue sans détour qu’il tente d’imposer une « _culture professionnelle à l’américaine centrée sur l’efficacité et les résultats plus que sur le présentéisme », il se force en permanence à expliquer ses décisions, à faire prendre conscience à ses salariés « qu’elles sont prises dans l’unique souci de bien faire le travail. »
Tirer le meilleur de chaque culture
Se débarrasser de ses propres préjugés et ne pas imposer de manière brutale sa propre culture aux autres est l’un des principaux défis auquel est confronté le manager d’une équipe multiculturelle. « Un manager international doit avoir conscience que ce qui est évident pour lui ne l’est pas nécessairement pour les autres et ne doit donc jamais être dans le jugement », explique Eva. « Chez Superprof, on ne dit jamais à un salarié ‘Je ne sais pas comment ça se passe dans ton pays mais ici c’est comme ça’, mais on essaye plutôt d’oublier que l’on est en France, de ne pas souligner nos différences mais de créer ensemble une culture d’entreprise qui nous est propre », complète t-elle.
Parler la même langue que ses collaborateurs
Dernier conseil : se mettre au maximum dans la peau de ses collaborateurs. « En arrivant à Madrid, je me suis mis à apprendre l’espagnol à marche forcée, et aujourd’hui, je me force à communiquer systématiquement en espagnol avec les Espagnols pour me mettre à leur niveau et leur permettre d’exprimer le mieux possible leurs attentes, les questions, leurs incompréhensions », explique Aurian. Même démarche chez Superprof où de plus en plus de process, de documents de communication interne et de mails sont traduits en anglais et en espagnol. « Même en tant que managers, on se force le plus possible à communiquer avec nos salariés dans des langues que nous ne maîtrisons pas parfaitement afin de mieux intégrer nos nouvelles recrues qui parfois ne parlent pas français, et pour ne pas leur mettre de pression supplémentaire », explique Eva qui estime que « le succès d’une entreprise, c’est quand elle réussit à s’adapter à tous ses employés, car ce sont bien eux qui font l’entreprise et non pas le contraire. »
« Le succès d’une entreprise, c’est quand elle réussit à s’adapter à tous ses employés, car ce sont bien eux qui font l’entreprise et non pas le contraire. » - Eva Pacios Santamaria, Superprof
Bien plus que tout autre manager, le manager d’une équipe internationale doit donc faire preuve d’une empathie et d’une sensibilité décuplée à l’égard de ses collaborateurs de nationalités diverses. D’abord, afin d’éviter toute incompréhension au sein de ses équipes, pouvant conduire à de profondes tensions et frustrations, mais aussi et surtout pour pouvoir tirer profit au maximum de la richesse de chacune des cultures avec lesquelles il cohabite au quotidien.
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