« Ils n'ont d'humain que leur intitulé de poste » : 5 idées reçues sur les RH

28 avr. 2022

auteur.e
Bénédicte Tilloy

DRH, ex-DG de SNCF Transilien, conférencière, professeure à Science-Po, autrice, cofondatrice de 10h32

Le service des ressources humaines d’une entreprise forme parfois « un monde à part » vis-à-vis duquel les stéréotypes, préjugés et autres idées reçues vont bon train. Mais quelles sont ces présuppositions ? Et sont-elles ou non fondées ? On fait le point avec notre experte du Lab et DRH Bénédicte Tilloy.

Idée reçue n°1 : « Ils sont froids et coincés »

« C’est compliqué parfois, parce qu’on est pris un peu entre le marteau et l’enclume », explique Bénédicte. La position du service des ressources humaines n’est effectivement pas toujours des plus enviables, d’autant plus sur certains sujets jugés tabous : « Si on prend par exemple, le sujet de la rémunération. On peut aller voir son DRH parce qu’on veut être augmenté. Et puis, un manager peut considérer que ce n’est pas légitime ou la direction de l’entreprise peut décider qu’elle a une politique de rémunération qui est un peu plus délicate, compte tenu de sa stratégie commerciale. »
Or Bénédicte le sait, dans ce cas, « c’est alors au DRH de mettre tout ça bout à bout et expliquer au salarié qu’il va accepter une partie d’augmentation, mais pas tout. Et c’est peut-être pour ça qu’on donne l’impression d’être coincé·e ou pas tout à fait proche des salarié·e·s, quand on ne satisfait pas la totalité de leur demande. »

Idée reçue n°2 : « Ils recrutent et ils virent »

Par la force des choses, l’équipe des ressources humaines gère aussi bien l’acceuil que le départ des collaborateur·rice·s. « C’est vrai que ce sont les premiers qu’on voit dans un recrutement et malheureusement, si on doit quitter l’entreprise, ce sont aussi eux qui vous font signer votre solde de tout compte. Mais ils ne font pas que ça ! », défend néanmoins Bénédicte.
En effet, tout un pan de leur travail s’avère moins visible que ces étapes marquantes, mais est tout aussi important : « C’est grâce à eux si vous avez une promotion, c’est grâce à eux si vous allez en formation. Ce sont eux qui détectent votre potentiel. Et puis, ce sont eux aussi qui veillent sur la santé au travail de tous les salariés. Et c’est beaucoup plus intéressant pour un DRH de comprendre la stratégie, d’identifier les potentiels et d’accompagner les salariés dans leur développement, que de simplement recruter ou de virer les salariés. »

Idée reçue n°3 : « Ils manient la langue de bois comme personne ! »

« C’est vrai que je sais parler la langue de bois », confie Bénédicte. Mais est-ce forcément à mauvais escient ? Loin de là. « Pourquoi parfois, on n’est pas clair ? C’est qu’en fait, on n’a pas envie de froisser. Et il y a des choses qui sont dites avec des euphémismes », ajoute notre experte, « Par exemple, on va dire d’une personne qu’elle a une employabilité limitée. C’est une manière de dire qu’on ne sait pas où la mettre. Et c’est difficile de dire à quelqu’un qu’on ne sait pas où le mettre dans l’organisation. »
Forcément, l’équipe des ressources humaines incarne la direction et son positionnement. Or, « parfois, les DRH sont en difficulté, c’est-à-dire qu’ils ressentent un désalignement entre ce que voudrait la direction de l’entreprise, la manière dont elle communique et ce qui est dit aux salariés. Et quand ce désalignement existe, c’est vrai qu’il y a un moment où la manière de dire les choses n’étant pas simple, les salariés peuvent ressentir de la langue de bois. Il faut à la fois prendre des pincettes et dire la vérité. Et ça, ce n’est pas toujours facile à réussir. »

Idée reçue n°4 : « Ils font bande à part »

Le service des ressources humaines est-il une petite entreprise, souvent à part, dans la grande ? Pas pour notre experte. « Très honnêtement, c’est une idée reçue à laquelle je n’adhère pas du tout. Je n’ai pas l’impression que le fait d’exercer une responsabilité dans l’entreprise nous oblige à prendre de la distance et à ne pas participer à toutes les festivités auxquelles les salariés sont invités », considère Bénédicte.
Et pour cause, selon elle, c’est même l’inverse, il y a un besoin de la part des RH, toujours plus prégnant, d’échanger avec les équipes et ce quelque soit le cadre. « Au contraire, c’est une occasion de tomber un peu les barrières et d’avoir des échanges francs. Aujourd’hui, on a intérêt à être dans la proximité, parce que c’est comme ça qu’on peut développer son empathie, qu’on peut se comprendre mutuellement et qu’on peut se parler, y compris dans des occasions qui sont difficiles. Une entreprise, ce sont des hommes et des femmes qui font des choses ensemble et les DRH en font partie comme les autres. »

Idée reçue n°5 : « Aux ressources humaines, il n’y a que des femmes »

« Ce n’est pas totalement faux », admet Bénédicte, « Aujourd’hui, deux tiers des DRH sont des femmes. »
La faute, certainement, a une vision de la profession largement influencée par les considérations patriarcales de notre société. « En fait, dans l’entreprise on s’est fait une représentation des hommes et des femmes, comme papa, maman. Donc papa s’occupe de faire rentrer l’argent et du business, et maman s’occupe des enfants. En considérant que les postes business seraient plutôt des postes pour les hommes et les fonctions supports, et notamment la partie RH pour les femmes », illustre notre experte.
Mais comment alors changer la donne et faire évoluer les mentalités ? « Il y a un moyen de corriger les choses, c’est d’établir des quotas. Et je pense que c’est vraiment important de pouvoir déployer de la diversité et dans les métiers business et dans les fonctions supports, de façon à ce que les hommes et les femmes puissent les exercer à parité. »

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Article édité par Soline Cuillière, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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