Recrutement à rallonge : gare à ne pas plomber votre marque employeur !
17 janv. 2023
5min
De plus en plus longs et de plus en plus complexes : les process de recrutement prennent aujourd’hui des airs de parcours du combattant. Mais à trop en demander aux candidats, les entreprises ne risquent-elles pas de dégoûter les meilleurs talents ?
8 entretiens, deux mois de process, et au final, une candidature balayée d’un revers de mail. C’est ce qui est arrivé il y a peu à Stéphane, directeur commercial dans la tech. « J’avais postulé dans une grande entreprise internationale d’édition de logiciels. Je pensais que j’avais le job car l’ultime étape était l’entretien avec le big boss américain. Au final, l’entretien a duré 5 minutes et j’ai appris quelques jours plus tard que je n’avais pas été retenu, sans explication supplémentaire », nous raconte-t-il. Pour sûr, cette expérience candidat totalement ratée laissera un goût amer à Stéphane. Car si certaines entreprises prestigieuses peuvent se permettre d’allonger leur process de recrutement sans tarir leur vivier de candidatures, rien ne justifie pour autant qu’elles ne prennent même pas la peine de motiver leur refus. De telles pratiques sont pourtant désastreuses pour leur marque employeur, puisque 92% des candidats parlent de leur mauvaise expérience de recrutement à leur réseau.
Un engagement à sens unique
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’en acceptant de se soumettre à un process long et exigeant, « les candidats s’engagent pour une entreprise sans avoir la bague au doigt. Et forcément, plus le nombre d’étapes passées augmente, plus la déception est forte en cas de refus », lance Roseline Laloupe, spécialiste RH et experte du Lab. Selon elle, les entreprises qui rallongent leur process de recrutement ne se mettent pas suffisamment à la place des candidats, ce qui peut conduire à leur démotivation et désengagement, surtout si les recruteurs ne donnent pas de feedbacks entre les étapes.
Souvent, les candidats sont déjà en poste, et très certainement en process avec plusieurs entreprises simultanément : ils ne peuvent donc pas consacrer un temps infini à leur recherche d’emploi. De plus, les entreprises demandent des cas pratiques toujours plus complexes qui s’apparentent à un vrai travail. « J’ai même rencontré une candidate qui n’a pas été retenue pour un poste, mais dont les préconisations stratégiques ont été mises en place par l’entreprise », s’indigne Roseline Laloupe. Aux États-Unis, certaines entreprises ont donc carrément pris le parti de rémunérer les candidats pour ce travail fourni. D’autres demandent volontairement des cas pratiques ou tests qui ne pourront pas être réutilisés par l’entreprise.
80% des candidats acceptent la première offre reçue
Qui dit process à rallonge, dit évidemment problème de timing. 2 candidats sur 3 pensent que les process s’étalent trop dans le temps ! Dans cette même étude, on apprend même que 1 candidat sur 3 a déjà renoncé à un poste qui l’intéressait à cause de la longueur du processus de recrutement. À Montpellier, l’entreprise Teads l’a bien compris : elle promet à ses candidats que le process ne durera pas plus d’un mois même s’il compte pas moins de 6 étapes pour les profils techniques. « Nous sommes très transparents sur le déroulé dès le démarrage pour que les candidats sachent dans quoi ils s’engagent. Nous essayons de regrouper les 4 dernières étapes sur une demi-journée ou journée, idéalement en immersion sur site, mais nous nous adaptons aux contraintes des candidats », nous explique Mathilde Barthe, HR Business Partner.
La recruteuse a bien conscience que les profils pénuriques ne manquent pas d’offres à la concurrence, c’est pourquoi elle fait extrêmement attention au « time to hire », et reste en étroit contact avec les candidats durant tout le process pour savoir s’ils ont déjà reçu une autre offre. Et pour cause, « en matière de recrutement, il y a souvent une prime à l’action. Des études ont montré que 80% des candidats acceptent la première offre qu’ils ont reçue », alerte Jérémy Clédat, CEO de Welcome to the Jungle et expert du Lab. Et d’ajouter : « En ce sens, un recrutement à rallonge peut carrément être contre-productif en empêchant les entreprises de closer le meilleur candidat si, à offre égale, elles n’ont pas fourni la meilleure expérience candidat. »
Un désamour du risque
Mais alors, si les chiffres font état d’une désaffection des candidats pour les process longs, pourquoi les entreprises ne cessent-elles de complexifier leur parcours candidat ? Pour Mathilde Barthe, la réponse est simple : « Chez Teads, nous recherchons des profils très polyvalents et autonomes. Nous devons donc évaluer des compétences (hard et soft) très variées, ce que nous ne pouvons pas faire en seulement 3 ou 4 étapes. »
Bien entendu, derrière la structuration du process, il y a la volonté de ne pas se tromper. Mathilde nous explique ainsi que le nombre de ruptures de périodes d’essai est très faible chez Teads. L’entreprise souhaite également jauger le niveau d’entrée du candidat pendant le process pour établir un career path cohérent (juste niveau de responsabilités et de rémunération) et ainsi faciliter son onboarding. « Enfin, l’objectif est que, quelle que soit la réponse (qui est toujours motivée), le candidat garde un bon souvenir de son process. Que ce soit le recruteur ou le potentiel recruté, il faut que nous ayons chacun appris quelque chose de ces échanges », ajoute-t-elle. Pour s’assurer de cette bonne expérience, un sondage est envoyé aux candidats, même non retenus, en fin de process.
Raccourcir les process, la voie du futur ?
Minimiser la prise de risques, c’est en effet ce qui motive la plupart des entreprises à allonger et complexifier leur processus de recrutement. Pourtant, la prise de risques est inhérente au recrutement. Elle est même essentielle selon Jérémy Clédat : « En voulant la minimiser, on risque de recruter des gens qui se ressemblent, et donc de créer d’autres biais. »
Se faire confiance et oser un process très court : c’est justement le parti pris par Jonathan Salmona, cofondateur de Shodo, une ESN nouvelle génération. Chez lui, le recrutement se passe en deux étapes : un entretien typé RH et un entretien d’évaluation des compétences en live. Pour ce faire, Shodo permet aux candidats de consulter son manifeste avec ses valeurs, sa philosophie, mais aussi d’accéder à une grille de salaire transparente et publique en amont, permettant de supprimer la phase de négociation. « En documentant au maximum notre culture, nous souhaitons simplifier le dialogue social », affirme Jonathan Salmona. Une volonté de progrès social qui va même jusqu’à supprimer purement et simplement la période d’essai.
Mais alors, que se passe-t-il en cas d’erreur ? « Nous estimons que notre marge d’erreur tourne autour de 3 à 5 %. C’est pour nous une proportion acceptable. D’autant plus que l’on peut toujours former la personne si elle a des lacunes, ou bien même lui proposer une rupture conventionnelle », explique le cofondateur qui nous dit avoir suffisamment confiance en ses process pour avancer sur ce chemin très novateur. Pour lui, c’est aussi l’assurance d’avoir les meilleurs profils. « Aujourd’hui, 90 % de nos candidats viennent par candidature spontanée (nous proposons aussi des avantages comme des congés supplémentaires). Nous n’avons plus besoin de chasser. Et je crois qu’à moins d’être une entreprise comme Google, on n’attire pas les meilleurs avec un process en 10 étapes », lance Jonathan Salmona.
S’il fallait donc retenir la substantifique moelle de ce sujet, il ressort qu’une expérience candidat est d’autant plus mauvaise que les entretiens sont répétitifs, que l’entreprise ne semble pas savoir ce qu’elle veut exactement, et qu’elle ne fournit pas de feedback dans un délai raisonnable. Au-delà de 4 ou 5 étapes, l’entreprise court aussi le risque que son process devienne contre-productif, à moins qu’elle ait parfaitement ciblé ses attentes pour chaque entretien ou test technique. Elle doit également prendre garde à ne pas étaler son process au-delà d’un mois. Enfin, « il ne faut jamais oublier qu’un candidat peut devenir ou non un ambassadeur de l’entreprise. S’il garde un bon souvenir même s’il a été refusé, c’est particulièrement positif pour l’entreprise », conclut Jérémy Clédat.
Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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