Asperger, zèbres... quel management pour les profils atypiques ?

07 juin 2021

5min

Asperger, zèbres... quel management pour les profils atypiques ?
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Ils vont bousculer vos pratiques managériales. Qui ? La tribu des atypiques, ou plus précisément les « haut potentiels » (aussi appelés « zèbres » ou plus anciennement « surdoués »), les autodidactes, les multi-diplômés ou encore les autistes Asperger. Découvrez ici nos conseils pour manager ces collaborateurs qui pensent hors du cadre - et peuvent vous apporter beaucoup - à condition de bien les accompagner.

A la découverte d’un état d’esprit hors normes

Un collaborateur atypique est souvent loin des attendus d’un emploi donné, dans une entreprise donnée. Et pourtant, de par ses compétences, sa manière de penser, ses expériences - il peut apporter beaucoup à une équipe. S’il est difficile de faire des généralités tant chaque profil est différent, trois grands traits se dessinent chez ces penseurs alternatifs.

Une vision et une approche différente. Embaucher un profil atypique, c’est éviter de constituer une équipe de clones. « Une personne qui pense autrement apporte un plus. C’est dans la différence que l’on commence à envisager de nouvelles approches, à challenger des idées. Un autiste Asperger, par exemple, va aborder une problématique en s’intéressant aux détails, plutôt que de manière globale. Ce n’est pas mieux ou moins bien, c’est différent », explique Stéf Bonnot-Briey, consultante et formatrice, elle-même diagnostiquée d’un Trouble du Spectre Autistique. De la même manière, un multi-potentiel aura plus naturellement le réflexe de croiser ses expériences dans une multitude de domaines pour apporter une réponse non conventionnelle à un problème courant.

Des savoirs et des centres d’intérêts inhabituels. Parce qu’ils s’intéressent à des sujets très variés, les profils atypiques ont souvent des connaissances dans des domaines inattendus. Ils peuvent se passionner pour une période de l’histoire, la collection d’objets insolites ou encore un mouvement littéraire inconnu. Les « surdoués » sont des collaborateurs extrêmement polyvalents, avec une multitude de cordes à leur arc. Ils sont une source d’innovation et d’originalité inépuisable pour une équipe. A l’inverse, les Asperger vont généralement creuser un sujet dans les moindre détails jusqu’à devenir incollables. Alors, à la machine à café, oubliez les classiques « Netflix, résultats sportifs, recettes vegan » et pensez à leur demander ce qui les fait réellement vibrer.

Des difficultés dans les relations sociales. De nombreux surdoués - mais pas tous - peuvent éprouver des difficultés à s’adapter dans le monde professionnel, à tisser des liens avec leur manager et leurs collègues. « Vous pourriez reprocher à certains d’entre eux d’être arrogants, impulsifs, aigris ou encore pas assez assertifs ou trop idéalistes, et vous auriez raison. Sachez que ces comportements négatifs sont souvent générés par les difficultés qu’ils rencontrent à trouver leur place. », explique Véronique Bouton, coach et fondatrice de Leadinov, au sujet des « zèbres ». Pour les personnes Asperger, les difficultés relationnelles viennent principalement d’un mode de communication différent. Elles ont, par exemple, une compréhension littérale des messages. Les expressions, l’ironie, le second degré, les métaphores ou encore les insinuations - en somme, tout ce qui relève de l’implicite - nécessitent chez elles un apprentissage particulier, alors que cela est inné chez les profils neurotypiques.

Manager un profil « surdoué » : quelques conseils

Manager est une tâche complexe. Mais manager un profil atypique - dont la rapidité de raisonnement, l’hypersensibilité ou l’intuition sont souvent exacerbés - l’est encore plus. Quelques conseils pour permettre à votre « zèbre » de s’épanouir au travail.

  • Lui donner du sens. Il est compliqué pour un surdoué ou un multipotentiel de travailler sans connaître l’intérêt réel derrière sa mission. Il doit voir la « big picture » pour rester motivé dans ses tâches quotidiennes et solliciter son intellect. En tant que manager, veillez à ce qu’il comprenne en quoi les tâches que vous lui confiez s’imbriquent dans la mission globale de votre équipe.

  • Le challenger, tout en surveillant ses limites. Un haut potentiel comprend vite, et s’ennuie rapidement. Pour garder sa motivation intacte, proposez-lui des missions toujours plus complexes, et permettez-lui de continuer à développer ses compétences. Pour autant, un adulte surdoué se retrouve plus facilement en burn out. Comme l’explique très justement Cathy Assenheim dans son ouvrage « Mon cerveau est hyper » (dédié aux Hypersensibles et aux Hauts Potentiels), le cerveau de ces deux profils a tendance à plus vite saturer que la norme, en raison d’un réseau neuronal qui tourne plus vite et plus fort. En tant que manager, c’est votre rôle de vous assurer qu’il ne se sur-investisse pas dans sa tâche… et avec tact, puisque chaque réflexion peut être vécue comme une remise en question de ses compétences.

  • Lui laisser de l’autonomie. Un profil atypique comme un surdoué a besoin de confiance de la part de sa hiérarchie pour se sentir utile. Puisqu’il a toujours l’impression d’avoir quelque chose à prouver, il est très exigeant envers lui-même. « Faites-leur confiance, laissez-les mener leurs projets à leur façon tout en exerçant un contrôle distant et bienveillant », ajoute Véronique Bouton. Trouvez le juste équilibre entre contrôle et autonomie.

Manager un autiste Asperger : quelques conseils

Pour vaincre les résistances et les stéréotypes sur les personnes Asperger, il est indispensable de commencer par former votre équipe aux particularités de son fonctionnement. Ensuite, quelques conseils simples vous permettront de tirer le maximum de son potentiel et l’aider à s’épanouir.

  • Lui permettre de travailler en binôme. L’éventail des profils et des compétences des personnes avec autisme est large. Contrairement aux idées reçues, tous ne sont pas voués à coder, et l’on trouve des talents dans tous les domaines ! S’ils ne peuvent pas forcément assumer l’intégralité d’une fiche de poste classique, ils vont bien souvent être particulièrement doués pour une partie des tâches. « La collaboration en binôme avec une personne-repère devrait permettre de travailler dans une relation de complémentarité et de co-construction », recommande Stéf Bonnot-Briey. En parallèle, c’est l’occasion pour un membre de votre équipe de découvrir un mode de fonctionnement différent du sien.

  • Être attentif à sa communication. Les « neuro-typiques » ont souvent une communication très abstraite et imagée, tandis qu’une personne Asperger a une compréhension très pragmatique et littérale de la langue. Parce qu’elle a besoin de justesse, il faut être attentif à la façon dont vous lui communiquez des informations. « Un autiste Asperger a beaucoup de rigueur, il découpe les choses pour les comprendre. Quand on communique avec lui par e-mail par exemple, on utilise des bullet points », nous partage Laurent Delannoy, co-fondateur d’Avencod, une entreprise adaptée qui accueille une majorité de personnes avec autisme à haut potentiel.

  • Aménager son environnement de travail. « Les Asperger sont particulièrement sensibles d’un point de vue sensoriel. Les bruits, les odeurs, la lumière vont les sur-solliciter. C’est pourquoi il est indispensable de leur proposer un environnement de travail adapté » explique Stéf Bonnot-Briey. Pour cela, un manager peut prévoir des aménagements qui sont rarement coûteux et permettent à un collaborateur au profil atypique de s’intégrer plus facilement dans un nouvel environnement : bureau particulier, lunettes de protection pour tamiser la lumière, casques réducteurs de bruit etc.

  • Être attentif à sa charge de travail. « Les autistes Asperger ont des centres d’intérêts restreints : ils s’intéressent à 2-3 sujets comme personne, mais ça peut devenir dévorant. En tant que manager, il convient de faire attention à ce qu’ils ne travaillent pas trop » conseille Laurent Delannoy. Un collaborateur Asperger est capable de faire des heures supplémentaires sans fin jusqu’à atteindre son objectif. En tant que manager, trouvez la juste charge de travail. Et surtout, soyez clair et explicite avec lui lorsqu’il a atteint le but que vous lui aviez fixé.

Les profils atypiques ne sont pas toujours simples à manager. Leur comportement, leurs attentes, leurs expériences sont différentes. Trop souvent, ils cherchent en vain à rentrer dans un moule, en espérant croiser un manager qui saura créer les conditions de leur épanouissement professionnel. Mais créer des ponts entre les collaborateurs au fonctionnement conventionnel et au fonctionnement atypique est possible, et c’est avant tout une question de connaissance (de leur fonctionnement) et de bienveillance partagée.

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Photo par WTTJ

Article édité par Paulina Jonquères d’Oriola

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