Managers : comment être à l’écoute de vos collaborateurs (sans en faire trop) ?
04 oct. 2023
5min
34 % des salariés ne se sentiraient ni écoutés, ni compris par leur manager. Dans un tel contexte, quelle attitude adopter pour renverser la vapeur ? Tête à tête réguliers, écoute active et compréhension de l’autre : on vous explique comment prêter une oreille attentive, pour devenir le manager dont tout le monde rêve.
On nous le dit et on nous le rabâche : « Communication is key. » Un mantra qui s’applique aussi bien aux relations amoureuses et familiales qu’au travail. En tant que manager, faire progresser ses équipes pour servir l’action collective nécessite un savant mélange d’écoute et de compréhension au niveau individuel. « Chaque salarié a plusieurs grands besoins : trouver du sens, monter en compétences, gagner en autonomie, avoir de la reconnaissance… Ces besoins varient et ne signifient pas la même chose selon les individus. Pour y répondre au mieux, un manager se doit d’écouter chaque membre de son équipe », résume Ludovic Girodon, consultant et auteur spécialiste en management.
Une bonne écoute peut œuvrer à un meilleur climat ambiant et huiler la mécanique de l’équipe. Mais c’est surtout des conséquences d’une mauvaise communication dont il faut se méfier. « Un salarié qui a la possibilité de se désengager de son travail aura plus de chances de le faire s’il ne se sent pas écouté. De manière générale, l’écoute est une condition sine qua non de la communication entre individus : si on communique, on s’attend à ce que l’autre nous écoute », rappelle justement Albert Moukheiber, psychologue du travail et docteur en neurosciences. Comment se montrer à l’écoute des doléances de ses collaborateurs de façon efficace ? Et comment trouver l’équilibre sans se montrer intrusif ou chercher à jouer les psychologues ? On vous dévoile, par le menu, la bonne attitude à adopter.
1. Imaginer des rendez-vous adaptés à chacun
Dans l’objectif d’établir un véritable échange avec ses collaborateurs, le plus efficace reste l’entretien individuel. « C’est dans ces moments-là que l’on peut vraiment travailler sa capacité d’écoute, chose qu’il est beaucoup plus compliqué de faire en collectif ou de façon informelle, entre deux réunions », affirme Ludovic Girodon. Le cadre idéal ? Selon ce dernier, mieux vaut privilégier un tête à tête sur un créneau convenu en amont. Si la fréquence la plus plébiscitée est celle d’un rendez-vous de 30 minutes par semaine, le spécialiste en management conseille de co-construire le format avec chaque personne concernée plutôt que de lui imposer un rythme et un process. Ce qui inclut la fréquence de ces discussions, leur durée et les sujets à aborder.
2. Ne pas se laisser distraire
Reprenons les bases : bien écouter, c’est d’abord éloigner toutes les potentielles sources de distraction. Cela signifie fermer la porte du bureau pour éviter les bruits de couloir ou les interruptions, avoir son téléphone hors de son champ de vision pour ne pas voir les appels entrants et mettre son écran d’ordinateur en veille pour ne pas voir les mails qui arrivent. À la tête de plusieurs collaborateurs, Laurine a récemment été pointée du doigt au sujet de l’organisation de son équipe. Désormais, elle redouble d’attention pour collecter les retours de chacun d’entre eux. « L’équipe a préféré s’organiser en interne pour gérer la somme des tâches à accomplir plutôt que de se fier à un planning, ce qui a causé un déséquilibre. Je les ai laissés faire et le travail était exécuté, mais toujours par les mêmes personnes et j’aurais dû m’en rendre compte », rembobine-t-elle. Suite à une plainte, la responsable mène plusieurs entretiens avec d’autres personnes de son équipe qui lui confirment la répartition inégale du travail. Autant de rendez-vous qu’elle a choisi de mener individuellement, dans une « bulle » garantissant une forme d’intimité, plutôt qu’en plein open space.
3. Pratiquer l’écoute active
Développée par le psychologue américain Carl Rogers, cette approche consiste à se mettre dans une posture réceptrice plutôt qu’émettrice pour écouter attentivement son interlocuteur. « Cela consiste à reformuler pour s’assurer que l’on a bien compris l’autre, à ne pas porter de jugement en écoutant, à ne pas interrompre, et à répondre de manière authentique. En bref, à ne pas dire quelque chose simplement parce que c’est ce que la personne en face veut entendre », détaille Albert Moukheiber. Si les goûts et les couleurs varient sur la question, la prise de note peut aussi s’avérer une technique efficace pour certains. « Prendre des notes peut aider à écouter, mais c’est très personnel. Certains vont dire que cela coupe la connexion à l’autre parce qu’on ne le regarde plus, mais d’autres vont s’en servir d’appui pour rester concentré et montrer cette posture d’écoute », affirme Ludovic Girodon.
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4. Laisser de la place au silence
Contrairement à ce que l’on peut penser, le silence n’est pas l’ennemi public N°1 en matière d’écoute. Si la plupart du temps nous nous empressons de combler les blancs pour dissiper une éventuelle gêne, le silence peut au contraire donner plus de profondeur à la discussion. « Quand la personne termine sa phrase, plutôt que d’enchaîner directement, laissez un silence : 4 fois sur 5, la personne rebondit elle-même sur ce qu’elle vient de dire et dit des choses plus authentiques, parce que le premier niveau de discours est en général assez structuré et réfléchi. Il faut lutter contre ses travers et voir le silence comme un allié. Une demi-seconde suffit, en général, à ce que la personne rebondisse pour combler elle-même le blanc », conseille Ludovic Girodon. Pour laisser sa place au silence, le professionnel a son astuce : aller jusqu’au bout de l’inspiration ou l’expiration dans laquelle on était engagé lorsque la personne termine sa prise de parole. « Plus généralement, ce qui marche pour écouter c’est de se taire et pour ça, il existe une autre technique toute simple qui est de mettre son doigt devant sa bouche. Ça paraît bête, mais ça permet de rappeler physiquement que l’on est là pour écouter », poursuit-il.
5. Travailler sur sa cognition sociale
Écouter c’est bien, essayer de comprendre ce qu’on nous raconte, c’est encore mieux ! Après un travail sur l’écoute, bosser sur ses capacités en cognition sociale peut s’avérer judicieux, afin de « pouvoir comprendre les états mentaux des autres et les prendre en considération ». Pour gagner en empathie, Albert Moukheiber conseille par exemple de réaliser des exercices de changement de points de vue pour s’imaginer à la place de l’autre, et ainsi davantage écouter l’avis d’autrui quitte à aller contre sa propre intuition. « Il s’agit de ne pas penser par soi-même, mais d’apprendre à penser avec les autres », résume-t-il.
6. Rester dans la sphère professionnelle
« Je connais mes équipes depuis des années. Si je sens que quelqu’un n’a pas l’air bien, je vais le voir. Certaines personnes ont des problèmes personnels qui prennent le pas sur le boulot alors je les reçois, je les écoute, je les conseille et j’essaie de leur remonter le moral. Je connais la vie de la plupart de mes collaborateurs, leurs problèmes au quotidien, ceux avec leurs enfants… mais je ne suis pas psy », détaille Laurine. Sa limite ? Ne pas fréquenter ses collègues en dehors des heures de bureau. Un entretien régulier avec son N+1 pour parler de ses ressentis, de son expérience et de ses attentes peut très vite s’apparenter à un rendez-vous avec son psy. D’où l’importance de ne pas installer de divan dans son bureau et de définir clairement son champ d’action. « Le pro et le perso peuvent parfois être liés et quand on parle de développement personnel, la frontière peut devenir très mince, admet Ludovic Girodon. Mais il faut rester dans des sujets professionnels, ou qui se raccrochent directement au travail et aux missions de la personne. »
Se rendre disponible pour échanger individuellement, faire du silence un allié et travailler son empathie sans tomber dans la psychologie : voilà toutes les cartes pour oeuvrer au meilleur dialogue possible avec votre équipe !
Le prénom a été modifié par souci d’anonymat.
Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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