Méthode Kanban : l’art de visualiser pour mieux gérer les projets
21 juin 2023
5min
Journaliste web
La méthode Kanban entend améliorer la gestion des flux de travail grâce à un outil visuel aussi simple qu’efficace. L’essayer, c’est l’adopter ?
Elle se fait souvent voler la vedette par la méthode Scrum. Pourtant, parmi les techniques Agiles, Kanban a de nombreux arguments à revendre. En matérialisant visuellement l’avancée d’un projet, elle permet de mieux gérer les flux de travail (ou workflow) donc d’assurer la fluidité des processus de production. Attention, car bien qu’elle soit trop souvent réduite à son outil visuel, la méthode Kanban est un système plus global qui vise à minimiser le gaspillage de ressources en réduisant les stocks et en optimisant la productivité. Elle est aujourd’hui applicable à la plupart des secteurs d’activité. Jean-Pierre Lambert, coach Agile et créateur de la communauté Scrum Life, nous aide à mieux comprendre les fondamentaux de la méthodologie Kanban.
La méthode Kanban, c’est quoi ?
Un peu d’histoire
Kanban signifie « étiquette » en japonais (カンバン pour les puristes). C’est une méthodologie et un outil visuel de gestion des flux de travail : « L’idée est de réguler le flux en s’assurant qu’on ne fait pas trop de travail, mais qu’on en fait suffisamment », explique Jean-Pierre Lambert.
C’est à un certain Taiichi Ōno, ingénieur chez Toyota dans les années 1950, qu’on doit l’invention de cette méthode. Pour permettre au constructeur automobile de réduire ses coûts de production et être plus compétitif, il crée un système de production appelé Just-in-time (« Juste-à-temps » , ou JAT), lequel donnera naissance quelques années plus tard au Lean manufacturing. Le principe est le suivant : plutôt que de produire à flux poussé (« push system »), ce qui consiste à fabriquer un produit avant d’en avoir reçu la commande, on privilégie le flux tiré (« pull system ») en adaptant le niveau de production à la demande. « Kanban fait partie de la philosophie Lean », précise Jean-Pierre Lambert. Selon Toyota, l’approche Kanban repose donc sur la production de « ce qui est nécessaire, quand cela est nécessaire, et en quantité nécessaire » (« what is needed, when it is needed, and in the amount needed »). Elle a pour but de réduire les stocks, d’optimiser la productivité des chaînes de production et d’améliorer la qualité du produit fini. Initialement réservée à l’industrie manufacturière, la méthode Kanban a depuis été adoptée dans divers domaines, y compris le développement de logiciel, la gestion de projet, les services, etc.
Le tableau visuel, pièce maîtresse de la méthode Kanban
Tout l’intérêt de la méthode Kanban repose sur la visualisation des flux de travail. Les équipes utilisent un outil nommé « tableau Kanban », grâce auquel il est possible d’apercevoir en un coup d’œil l’avancement de l’ensemble des tâches liées à un projet.
Le tableau Kanban est habituellement divisé en 3 colonnes : « à faire », « en cours », « terminé », auquel on ajoute parfois les colonnes « idées » et « à tester ». Le Lean fonctionnant en flux tendu, une tâche est déplacée vers l’étape suivante seulement lorsque l’équipe est en capacité de la prendre en charge. Cela permet d’éviter la surproduction et de maintenir un flux de travail régulier. On réduit en outre le risque de retards et les goulots d’étranglement.
L’approche Kanban encourage également l’amélioration continue en incitant les équipes à analyser et à réfléchir sans cesse à leur processus de travail, à identifier les problèmes et les inefficacités, et à apporter des ajustements progressifs pour les résoudre. Cela favorise une culture d’apprentissage et d’adaptation constante.
Attention, car avec le développement d’outils numériques qui reprennent le fonctionnement du tableau Kanban (Trello étant le plus connu), cela laisse parfois penser qu’il suffit de faire glisser des Post-It d’une colonne à l’autre pour se revendiquer expert de la méthodologie Kanban : « Il y a une forme d’abus de langage. Dans ces outils visuels de travail, on retrouve souvent des éléments de la philosophie Kanban, mais beaucoup d’utilisateurs se contentent de parler de Kanban en bougeant des éléments de gauche à droite, alors que le tableau n’est qu’une sous-partie de la méthodologie », estime Jean-Pierre Lambert.
Kanban, une méthode Agile ?
L’approche Agile fait beaucoup parler d’elle ces dernières années, et à juste titre. Cette philosophie de gestion de projet bouscule les pratiques traditionnelles. Plutôt que de concevoir un cahier des charges initial et de livrer le produit au client une fois que le projet est entièrement bouclé, la démarche agile privilégie l’itération et l’amélioration en remettant la satisfaction client au cœur de la démarche. La pratique Agile sous-tend des processus sous forme de cycles courts et l’implication de l’utilisateur tout au long du projet, ce qui offre la souplesse (ou plutôt l’agilité) nécessaire à la création de valeur.
La pensée Agile ne peut donc pas être considérée comme une méthodologie à proprement parler, mais plutôt comme une manière d’aborder le développement produit. Puisqu’elle est basée sur un ensemble de valeurs et de principes qui visent à améliorer la flexibilité, l’adaptabilité et la collaboration au sein d’un projet, la méthode Kanban s’inscrit dans cette philosophie Agile en favorisant l’approche itérative, la transparence et l’amélioration continue.
Comment mettre en place la méthode Kanban ? Exemple en 6 étapes
« L’avantage de Kanban, c’est que cela nous force à adopter un management visuel, à formaliser notre processus et les rôles de chacun, et à mesurer l’efficacité du flux de travail », rappelle Jean-Louis Lambert. Mais comment passe-t-on de la théorie à la pratique ? Pour vous aider à mieux comprendre la mise en place d’un projet Kanban, nous nous sommes mis dans la peau d’une entreprise qui souhaite créer un réseau social exclusivement dédié aux contenus artistiques : Instagr’Art.
Voici les étapes à suivre pour créer l’application en respectant la méthodologie Kanban.
1. Visualiser le workflow
Identifiez toutes les étapes de votre processus de travail, de la demande initiale à la livraison finale. Créez un tableau Kanban avec des colonnes représentant chaque étape du flux de travail. Dans le cas du développement d’une application telle que Instagr’Art, voici les étapes possibles du flux de travail : « Idéation », « Conception », « Développement », « Tests », « Déploiement », « Maintenance ». Vous pouvez aussi créer des lignes qui diviseront votre projet en plusieurs « sous-projets », chacun travaillant sur des tâches différentes : UX design, contenu, fonctionnalités, bugs, etc. De cette manière, même si vous travaillez avec plusieurs équipes, votre tableau Kanban vous donnera un aperçu de l’avancement de tous les sous-projets en simultané.
2. Créer des cartes Kanban
Chaque fonctionnalité ou tâche spécifique est représentée par une carte Kanban. Par exemple, vous pouvez avoir des cartes pour la création de profils d’utilisateurs, la publication de contenu artistique, la fonction de commentaires, etc. Pour chacune d’entre elles, inscrivez les détails importants, comme les délais ou les spécifications.
3. Limiter le travail en cours (WIP)
Le WIP (Work in Progress) correspond au nombre de tâches en cours simultanément. Définissez des limites raisonnables pour chaque colonne afin d’équilibrer le flux de travail. Si l’équipe en charge du développement d’Instagr’Art est restreinte, envisagez par exemple de limiter le nombre de cartes à 3 par colonne pour éviter la surcharge de travail.
4. Suivre le flux de travail
Déplacez les cartes Kanban d’une colonne à l’autre au fur et à mesure de l’avancement des tâches. Vous pouvez organiser des réunions régulières pour mettre à jour l’équipe sur l’avancement des tâches et discuter des éventuels blocages sur tel ou tel aspect de l’application.
5. S’améliorer en continu
Analysez régulièrement le flux de travail et les métriques Kanban pour identifier les opportunités d’amélioration. Par exemple, si vous constatez des retards fréquents dans la partie « Tests », vous pouvez explorer des moyens d’optimiser ce processus.
6. Encourager la transparence et la collaboration
Favorisez une communication ouverte entre les membres de l’équipe. Et utilisez le tableau Kanban comme outil de référence pour discuter des priorités, stimuler l’intelligence collective et apporter les ajustements nécessaires à l’application. De cette manière, nul doute que Instag’Art fera un carton dès sa sortie.
Méthode Kanban : quelles limites ?
« Comment toutes les choses simples, elles sont parfois dures à maîtriser », rappelle Jean-Louis Lambert. « Le principal risque, c’est d’utiliser le tableau Kanban pour rester dans du flux poussé, en essayant de remplir le tuyau au maximum pour que ça avance. » La méthodologie Kanban ne doit pas faciliter l’augmentation du volume de production, mais faciliter l’application des principes du juste-à-temps et du flux tiré : « L’idée de ne pas travailler inutilement en s’ajoutant des tâches supplémentaires va parfois à l’encontre de la culture du travail à laquelle nous sommes habitués », ajoute-t-il.
Par ailleurs, bien que Kanban soit agile, la méthode peut s’avérer être moins adaptée aux projets qui nécessitent des changements majeurs de direction ou de portée. L’absence d’itérations et de planification préalable peut rendre difficile la gestion de ces changements. D’autant plus que Kanban se concentre sur le flux de travail continu et peut ne pas fournir un mécanisme clair pour la priorisation des tâches. Cela peut donc être un défi lorsque des décisions critiques doivent être prises.
Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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