Empowerment féminin : quelles sont les "règles du jeu" pour réussir au travail ?
08 juin 2020
5min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
LE BOOK CLUB DU TAF - Dans cette jungle (encore une !) qu’est la littérature traitant de la thématique du travail, difficile d’identifier les ouvrages de référence. Autrice et conférencière sur le futur du travail, notre experte du Lab Laetitia Vitaud a une passion : lire les meilleurs bouquins sur le sujet, et vous en livrer la substantifique moelle. Découvrez chaque mois, son dernier livre de chevet pour vous inspirer.
Aujourd’hui, zoom sur Les Règles du jeu (Dunod, 2020) de Clara Moley, un podcast devenu ouvrage et dont l’ambition semble comparable à celle de Sheryl Sandberg dans son livre Lean In (2015) : lancer un message d’empowerment aux femmes actives. Bref, un indispensable.
Comprendre les “règles du jeu” de l’entreprise
Et si une partie du chemin vers l’égalité entre les femmes et les hommes au travail, passait aussi par une meilleure compréhension des « règles du jeu » au coeur de l’entreprise ? Si on pouvait agir davantage pour se réapproprier ces règles et se donner à soi-même une plus grande marge de manœuvre ?
Clara Moley était trader dans un environnement majoritairement masculin (les matières premières) quand elle a pris conscience du poids du genre dans sa trajectoire professionnelle. Elle s’est rendue compte qu’on ne la traitait pas comme ses collègues masculins, et qu’en intériorisant certains freins, elle-même ne se comportait pas comme ses homologues de l’autre genre. Elle jouait le jeu de la « bonne élève » dans un univers dont les règles sont, en réalité, bien différentes de celles du monde scolaire.
Pour elle, il ne s’agit pas de nier le rôle des héritages historiques, ni le poids des biais cognitifs et de la discrimination, ou encore l’existence du harcèlement sexuel, mais de s’intéresser davantage aux leviers d’action dont on dispose pour avoir une plus grande maîtrise de son destin professionnel. En somme, c’est plus un livre qui répond à la question « comment » qu’à la question « pourquoi ».
« On attend d’être reconnue pour son travail, on attend d’être remarquée pour ses compétences, on attend d’être récompensée, promue, augmentée. (…) Le travail ne nous accorde pas (ou si rarement) ce que l’on mérite, il nous accorde ce que l’on demande. »
Clara Moley, Les Règles du jeu
Le syndrome de la « bonne élève », cette plaie au travail
Alors qu’à l’école, le respect des consignes et la soumission à l’autorité permettent de réussir grâce à de bonnes notes, au travail, en revanche, il n’en va pas de même. Pour Clara Moley, cela a été comme une révélation au tout début de sa carrière professionnelle. « Mes repères avaient disparu, j’étais désorientée, j’avais perdu les codes, égaré la notice quelque part entre ma sortie d’école et mon embauche. Les règles du jeu avaient dû changer mais on ne m’avait pas prévenue ! »
C’est ainsi que le titre de l’ouvrage trouve sa justification. Les règles du jeu de l’école ne sont pas les mêmes que celles du bureau. Et il s’agit de mieux le comprendre pour découvrir les nouveaux leviers d’action au travail. L’école valorise la passivité, c’est sans doute pour cela que l’éducation que l’on donne aux filles y porte tant ses fruits. Les principes sont simples : « Faire ce qu’on nous demande et seulement ce qu’on nous demande (!) garantit le succès. » Sans oublier, qu’il faut d’abord satisfaire les autres (en l’occurrence, le/la professeur·e).
La bonne élève va donc s’évertuer à faire ce qu’on lui dit de faire, accepter l’autorité sans la contester et attendre passivement qu’on valorise son bon travail. Or, le travail n’est pas le prolongement de l’école. Les deux univers sont aussi éloignés que peuvent l’être deux planètes. Comme l’écrit Moley, « réussir au travail suppose d’aller voir ailleurs, plus loin, au-delà des consignes, des instructions et de la fiche de poste. Du côté du volontarisme, de la visibilité et de l’initiative ».
Il est dangereux de conserver la posture de la bonne élève trop longtemps, car on accumule du retard dans l’avancement de sa carrière. Le monde du travail n’est pas un monde de fair-play où l’on récompense les bon·ne·s élèves, mais un monde où on doit apprendre à faire son autopromotion, à prendre des initiatives, à construire un réseau avec des allié·e·s.
Les clés de Clara Moley pour sortir de la posture de la bonne élève
Pour Clara Moley, il y a 3 grands principes de micro-empowerment qui permettent de se donner les moyens d’agir au quotidien :
Trouvez votre propre définition du succès
L’entreprise n’a pas pour vocation première de promouvoir ses salariés, mais plutôt de produire de la valeur économique. Par conséquent, « personne n’est autant concerné par notre succès que nous-même ». À l’inverse, à l’école, la définition du succès est la même pour tous : les meilleures notes possibles et le passage dans la classe supérieure, puis intégrer les institutions les plus sélectives possibles. Au travail, la définition du succès devient personnelle. Comme l’explique l’auteure, « réussir n’est rien d’autre qu’arriver là où on a envie d’arriver (…) Un parcours professionnel n’est pas une suite logique de postes dont l’un serait le prolongement naturel de l’autre. Un même poste peut mener à des dizaines d’embranchements différents ».
L’intérêt des individus et celui de l’entreprise ne sont pas naturellement alignés. Il s’agit de ne jamais oublier de travailler pour soi-même, en concentrant ses efforts sur ce qui nous permet vraiment d’avancer.
Apprenez à faire votre autopromotion
Votre travail ne se suffit pas à lui-même. Il faut faire un effort en plus pour le faire connaître, le rendre visible. « Faire valoir son travail n’est pas un bonus. C’est le travail. » Il faut donc s’attaquer au « syndrome de la couronne », qui vous fait attendre qu’on vienne mettre sur votre tête une couronne pour bons services rendus. Cela n’arrive jamais.
Pour faire son auto-promotion, il peut être utile de :
- Dire « je » plutôt que « nous » quand on a fait tout le travail.
- Rendre des comptes réguliers sur son travail à ses supérieurs.
- Saisir toutes les occasions de poser des questions pour avancer.
- Partager des informations régulièrement avec ses collègues et managers (rapports, nouvelles, articles, réseaux sociaux…).
Le chapitre des Règles du jeuconsacré à la négociation n’est pas sans rappeler le remarquable livre de Linda Babcock et Sara Laschever, Women Don’t Ask. On y comprend qu’ « un salaire se négocie tous les ans, a minima », et qu’ « une négociation réussie n’est pas une négociation où l’on obtient tout ce que l’on veut », encore qu’ « il ne faut pas avoir peur du théâtre » car « chacun joue sa partition ».
Prenez l’initiative
Il est important d’identifier ce que l’on veut et de le faire savoir autour de soi. Les managers ne sont pas devins. Il faut toujours demander car on ne nous accorde que ce que l’on demande. À l’inverse du monde scolaire, le monde de l’entreprise valorise la prise d’initiatives. Il faut de la débrouillardise, c’est-à-dire la capacité à mobiliser toutes sortes de ressources pour dépasser le cadre des instructions explicites. « Demander ce que l’on veut. Aller chercher ce qui nous tient à cœur, sans attendre que cela “arrive”. Provoquer soi-même ses opportunités. Si cela ne m’était pas venu à l’esprit, c’est que je n’avais jusque-là jamais eu besoin de le faire. »
L’un des points de départ étant sans doute d’en finir avec le syndrome de l’imposteur, cette « impression que, quelles que soient ses fonctions ou son niveau de responsabilité, d’être là par erreur, sur un malentendu, de ne pas mériter les opportunités que l’on nous donne, et que l’entourage d’ailleurs finira bien par s’en apercevoir ». La perfection n’est pas de ce monde et la meilleure posture à avoir par rapport à cela, [c’est celle d’une personne en apprentissage](https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/beginners-must-read-rh?q=335faa5ab1efb39dae1616cd6ac55dc4&o=6952).
Les Règles du jeu offrent encore quantité d’autres conseils éclairants qui invitent les lecteurs à se projeter dans leur propre définition du succès, à apprendre à demander ce qu’ils/elles veulent et à développer un growth mindset en toutes circonstances. En matière d’égalité au travail, certaines choses dépendent effectivement des individus, « il ne faut pas seulement des résultats, il les faut rapidement. Et la seule manière de les obtenir est de se concentrer sur ce que l’on peut mettre en place soi-même, tout de suite ».
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Comment rayonner, asseoir sa valeur et obtenir ce que l'on mérite vraiment au travail en tant que femme ? Notre experte Lucile Quillet vous répond.
Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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