Les objectifs pros : une ligne de mire qui motive autant qu’elle décourage
08 févr. 2023
5min
Journaliste freelance
Admettons que vous veniez de prendre un nouveau poste de négociateur dans une agence immobilière. Votre manager vous embauchera certainement en vous précisant le nombre de mandats qu’il souhaite que vous signiez et un chiffre d’affaires précis minimum à faire “gagner” à l’entreprise par année. Autrement dit, il vous fixera des objectifs. La problématique, c’est que ces derniers sont quelque peu paradoxaux… S’ils nous motivent et nous permettent de fixer un cap, ils peuvent aussi être source de stress, voire même contre-productifs. Alors, comment les appréhender ?
Avec la rentrée des classes – ou plutôt celle au bureau, dans ce cas précis – on fait souvent le point sur l’année qui démarre. Au programme ? Bilan avec votre manager, bonnes résolutions et entretien annuel. L’occasion de se voir fixer de nouveaux objectifs : chiffres à atteindre, clients à signer, projets à concrétiser… Parfois, la barre est placée très haut et malgré votre motivation, votre estomac se noue. C’est d’ailleurs là toute l’ambivalence de ces sacro-saints objectifs !
Des effets paradoxaux
Les bienfaits des objectifs
Rares sont les postes où l’on ne vous donnera pas un but précis à atteindre… En effet, fixer des objectifs à ses salariés permet de définir une direction, mais aussi de mobiliser les équipes autour d’un projet et d’une vision commune. Pour Ariane Giannaros, consultante et thérapeute spécialisée dans l’accompagnement des managers et des dirigeants, « dans une logique de marché, on ne peut pas fonctionner sans objectifs, sinon personne ne sait ce qu’il fait ni où il va. Pour certains profils de salariés, que le manager fixe des buts précis est même indispensable ! »
Les objectifs, lorsqu’ils sont correctement fixés, permettent d’organiser son travail et ses priorités et d’avoir de véritables repères quant à sa progression personnelle. Ils peuvent aussi renforcer votre estime de soi et fixer des lignes claires dans l’analyse de votre évolution professionnelle. Mais ils servent aussi à fédérer la communauté, en ce sens que chacun aura à cœur de faire sa part. Un objectif rempli, c’est donc un succès personnel autant qu’une réussite collective.
Des effets pervers à ne pas négliger
Il faut pourtant bien le dire : souvent, les objectifs, plutôt que de motiver les troupes, sont source d’angoisse et parfois même de déception. D’une part parce que les atteindre est une question d’ego et permet d’avoir le sentiment de bien faire son travail. D’autre part, parce qu’au contraire, faillir à sa mission, c’est prendre le risque d’apparaître fragile, tire-au-flanc ou pire, incompétent… Parce qu’ils sont souvent chiffrés, ils ont aussi quelque chose de définitif et parlent en quelque sorte d’eux-mêmes.
Les objectifs nous prennent donc souvent la tête plus que de raison… Lorsqu’on ne parvient pas à les atteindre, il est fréquent qu’on en ressente du stress, de la déception, voire même un sentiment de désillusion. « C’est particulièrement vrai pour les personnalités qu’on appelle insecure overachiever, ou “perfectionnistes anxieux” en français. Ce sont des gens peu sûrs d’eux qui ont besoin de faire toujours mieux, qui sont motivés et en même temps effrayés par les challenges. Pour ces derniers, les objectifs peuvent être pervers, à la fois moteurs et ennemis. Malheureusement, les entreprises capitalisent sur ce genre de personnalité sans toujours penser aux potentielles conséquences psychologiques pour eux… », détaille Ariane Giannaros.
Cette angoisse est aussi vraie pour les autres, tant on est souvent jugé aux résultats chiffrés que l’on obtient plus qu’à notre manière d’appréhender et d’effectuer les tâches qu’on se voit confier. La clé : privilégier si possible des entreprises où la direction et le management font attention à ce que les objectifs soient ambitieux, mais pas inatteignables. « Comment sont-ils fixés ? Sont-ils atteignables ? Quels sont les critères ? Y a-t-il une marge de manœuvre ? Voici certaines des questions qu’il faut se poser quand on évalue le bien-fondé des objectifs fixés par une direction, précise la thérapeute. Cela dépend aussi du contexte financier. La boîte est-elle décisionnaire ou y a-t-il des actionnaires derrière qui exigent des résultats précis ? En tant que salarié, il est normal et légitime de savoir comment les choses se décident pour y adhérer, sinon c’est le risque d’une course effrénée dans le vide à la manière d’un hamster dans sa roue », alerte-t-elle.
Comment mieux gérer les objectifs en entreprise ?
Si vous avez tendance à ressentir une certaine pression ou une forme de stress liés à vos objectifs, il existe des solutions pour parvenir à prendre de la distance tout en en tirant profit. Voici 5 conseils pour mieux les vivre.
1. On évite de se remettre en question automatiquement
« Le réflexe, c’est de se dire que si un objectif a été fixé, c’est qu’il est atteignable et que d’autres y parviennent. Or, ce n’est pas toujours le cas », précise Ariane Giannaros. Alors on s’efforce d’être suffisamment solide pour ne pas tout de suite s’en prendre à soi-même et on questionne dans un premier temps l’objectif en tant que tel : était-il raisonnable ? Quelle a été la méthologie employée pour le fixer ? Quels obstacles rencontrez-vous pour les atteindre que votre manager n’a pas forcément en tête ?
2. On se dit que ce n’est qu’un cap à viser
Si on change de regard sur l’objectif, en le prenant pour un idéal à atteindre plutôt que pour un fait quantifiable, alors l’adrénaline redescend et on peut l’appréhender avec plus de sérénité.
3. On en parle ouvertement à son N+1
Ariane Giannaros le rappelle : « Pour beaucoup, ne pas réussir à remplir ses objectifs provoque un sentiment de honte. On n’en parle pas et on s’entête pour en faire toujours plus. Alors qu’il faut surtout échanger sur ses difficultés et dire ouvertement les choses à son manager. Le plus souvent, cela permet de désamorcer les problèmes. » Ce dernier pourra peut-être vous épauler pour les atteindre, vous donner des conseils, voire même vous rassurer ?
4. On lutte contre le sentiment de surpuissance
Plus les objectifs sont importants, plus on a tendance à vouloir se prouver à soi-même qu’on en est capable de les atteindre. « On voit des personnes décider par exemple de se lever tous les jours 15 minutes plus tôt en pensant bien faire, travailler le soir ou encore le week-end. C’est sans fin et ça peut mener au burn-out… », met en garde la thérapeute. Si vous faites vos objectifs mais que cela vous demande de faire des heures supplémentaires tous les jours pour y arriver, c’est que ceux-ci ont mal été pensés…
5. On suggère à son manager d’adapter les objectifs au fil du temps et on réclame une méthodologie
En effet, ce dernier devrait expliquer honnêtement aux salariés pourquoi et comment les objectifs ont été fixés par la direction… « Si tout le monde comprenait les objectifs un peu mieux, cela changerait tout », affirme Ariane Giannaros.
Si votre manager vous a donné plus de transparence sur la méthodologie des objectifs, c’est alors l’occasion de demander à les ajuster. Et si de nouveaux éléments viennent vous empêcher de les réaliser au fil des mois, pourquoi ne pas demander à ce que ceux-ci soient revus en conséquence ? Pour Ariane Giannaros, « c’est le nerf de la guerre. Il faut communiquer avec son N+1. Votre manager doit être souple par rapport aux objectifs, savoir les moduler, les réajuster au fur et à mesure en fonction de vos retours. Celui-ci doit impérativement mettre à votre disposition des modes d’emploi clair et vous guider au jour le jour. Cela évite que vous ne vous retrouviez livré à vous-même ».
Pour conclure, on garde aussi en tête que ce n’est pas toujours évident pour les managers, qui se retrouvent parfois pris entre deux feux, la direction et les salariés sous leur charge. Quant à l’entreprise, il peut y avoir une forme d’injonction paradoxale : on fixe des objectifs inatteignables pour motiver les troupes, ce qui est contre-productif et décourageant à terme. Alors on s’autorise à les remettre en question, à demander qu’ils soient réajustés intelligemment et on communique en toute transparence avec son manager. Bon courage !
Photographie par Thomas Decamps. Article édité par Gabrielle Tremblay
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